lettres politiques
 Marie-Victoire Louis

Lettre à M G.Larcher, président du Sénat

date de rédaction : 10/12/2008
date de publication : 10/12/2008
mise en ligne : 17/12/2008
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Paris, le 10 décembre 2008

Monsieur Gérard Larcher
Président du Sénat
Palais du Luxembourg
15 rue de Vaugirard
Paris 75006

Par mail : g.Larcher@senat.fr et déposé ce jour en mains propres au Sénat.

Lettre ouverte

Monsieur le Président du Sénat,

Par lettre en date du 26 mai 2008, j’ai saisi Monsieur Christian Poncelet, votre prédécesseur au Sénat, des abus de pouvoir et d’autorité dont j’avais été l’objet dans les jardins du Luxembourg en date du 25 mai 2008.

Par lettre en date du 2 juin 2008, j’ai reçu une lettre signée de Monsieur Jean-Charles André, Directeur du cabinet des questeurs et de la sécurité du Sénat, saisi par le Cabinet du Président, parlant donc au nom de ce dernier.  

Il s’avère que, d’autres priorités s’étant présentées à moi, je n’ai pu y répondre auparavant. Voici, ce jour, ma réponse - qui vous est donc adressée - à cette lettre.   

I) L’interprétation donnée par le Sénat concernant « l’infraction » que j’aurais commise n’est pas juste

Le Sénat m’oppose, comme fondement de son bon droit d’avoir agi à mon encontre, l’article 7 1du « règlement intérieur du Jardin du Luxembourg »2, lequel justifierait « l’infraction » - que j’aurais commise : « Cet article dispose en effet que « des installations sanitaires sont à la disposition du public » et qu’ « en cas de nécessité, leur usage est obligatoire à l’exclusion de tout autre emplacement ». Cette infraction constitue une contravention et peut faire l’objet [ ...] d’une verbalisation » écrit M. J.C André.

Or, cet article consacré à la « protection du jardin » - titre de son intitulé - ne fait référence à aucune « infraction », pas plus qu’il n’évoque une quelconque « contravention ». Plus encore, la référence à l’« usage » des « installations sanitaires » ne fait pas partie des « interdit[s] » nommément cités par cet article.

Ainsi, l’argument selon lequel cette « infraction - celle que j’aurais commise - constitue une contravention » est faux et les agissements du Sénat à mon encontre sont, juridiquement, non fondés.

J’ai cependant poursuivi ma lecture dudit règlement et me suis interrogée sur l’éventualité [non évoquée par M. J-C André] de l’application de l’article 2 du règlement3. Cet article -  intitulé « Surveillance » - fait état, lui, d’ « infraction » pouvant être « constatées » [mais pas de « contravention »] par les surveillants.4

Or, à moins que le Sénat - à charge à lui alors de le démontrer - considère que j’aurais troublé « la sécurité et la tranquillité » du jardin, attenté à la « conservation du domaine » et porté atteinte à «l’ordre public »,

* je n’ai pas commis d’« infraction », et encore moins de « crime, ni de «  délit », nommément évoqués dans cet article ;  

* je n’avais pas être l’objet d’ « un procès-verbal » ;

* je n’avais pas à présenter mes papiers d’identité, dont l’absence aurait justifié l’appel par le Sénat des « forces de police ».

Quant à l’article 9 concernant les « infractions correctionnelles », il n’est pas non plus approprié.

Je note, en outre, que le Sénat écrit que ce règlement « a force d’arrêté de police » ; je lis pour ma part sur le texte affiché au jardin du Luxembourg qu’il a statut d’« arrêté ».

Est-il enfin nécessaire de rappeler que la référence au « règlement intérieur5 du Jardin du Luxembourg », seul texte évoqué par le Sénat n’est pas suffisante ? Le jardin du Luxembourg n’est pas une zone de non-droit régi par son seul règlement 6 et les règles de droit applicables aux citoyen-nes s’y appliquent aussi.

Que de telles erreurs - des illégalités - du fait du Sénat puissent avoir eu lieu est grave ; que celui-ci, après en avoir été informé, les aient cautionnées et justifiées l’est encore plus.

II) Le règlement intérieur du jardin du Luxembourg n’est pas juste  

L’article 7 du règlement intérieur du Jardin du Luxembourg - concernant les installations sanitaires - suscite les réactions suivantes :

* Des « installations sanitaires » - payantes - ne peuvent être considérées comme « étant à la disposition du public ». Et ce d’autant moins que ses heures d’ouverture ne correspondent pas avec celles de l’ouverture du jardin.

* Si l’on considère que l’« usage » d’« installations sanitaires » peut s’avérer  «nécessaire », ce droit d’usage ne peut être que gratuit.

* On ne saurait en effet rendre « obligatoire » ce qui exige un paiement.

Ou alors, le règlement du jardin du Luxembourg a procédé à une révolution - libérale marchande - de notre droit.

Enfin, si l’on veut considérer - ce qui est cependant difficile - comme « installations sanitaires » les urinoirs - gratuits - mis à la disposition du Sénat pour les seuls hommes, alors, le terme de « public » employé dans le règlement intérieur du jardin du Luxembourg concerne donc exclusivement ces derniers.

III) L’existence de toilettes - payantes - au jardin du Luxembourg n’est pas juste

Cette référence aux « installations sanitaires » [payantes, ce qui n’est pas relevé par M. J-C André] qui m’est opposée oblige aussi à poser la question du paiement « obligatoire » des toilettes jardin du Luxembourg : en effet, seules les personnes pouvant disposer de 40 centimes pour accéder au « Chalet de la Roseraie » [20 centimes étant, par ailleurs, seuls nécessaires aux hommes ayant besoin d’uriner] peuvent avoir accès à ces « installations sanitaires ».

Cette situation est inacceptable à plusieurs titres :  

* Ces besoins du corps « naturels », « nécessaires » étant le fait de chaque être humain, leur droit à les satisfaire doit être universel.

* En l’état, au jardin du Luxembourg, le Sénat - contrairement aux mêmes services mis à la disposition du public par la Mairie de Paris dans les rues de Paris - en sus de la discrimination déjà dénoncée entre les hommes et les femmes, opère une distinction inacceptable selon les revenus de chacun-e, entre les riches et les pauvres.

Plus encore, il est probable que le Sénat en tire un bénéfice puisque le « Chalet de nécessité » évoqué dans l’article 10 du règlement est géré par un « exploitant ».

* Le Sénat qui « administre et entretient ce jardin » se voit attribuer chaque année, sur le budget de l’Etat 315 millions d’euros pour l’année 2007 votés par le Parlement [et donc, par lui, législateur et bénéficiaire des crédits qu’il se vote à lui-même].

Et, à cette somme, il faut ajouter 11,7 millions d’euros 7 spécifiquement affectés à l’entretien du jardin du Luxembourg.   

* Le Sénat est riche, très riche et offre aux sénateurs/trices (pour lesquel-les, je n’ai, comme des millions et millions d’autres Français-es, jamais voté) nombre de privilèges, amplement, récemment, légitimement, dénoncés.

Il est, dès lors, non seulement bien évidemment inacceptable que ceux-ci se perpétuent, mais, en outre, indécent, grossier que les usagers/ères du Luxembourg doivent, eux/elles, payer pour accéder aux toilettes.

Faut-il, à cet égard, rappeler que la somme de 40 centimes exigée correspond à un demi-kilo de pâtes alimentaires et que - si l’information donnée est véridique - elle est quasiment équivalente au prix d’un verre de whisky (50 centimes) à la buvette du Sénat ?  

Cette situation doit cesser.

IV) La lettre de M. Jean - Charles André n’est pas juste

Je maintiens intégralement la présentation des faits, tels que présentés dans ma lettre en date du 26 mai.8 Et je constate ceci : alors que j’avais demandé que le Sénat mène «une enquête » - qui a ses exigences de méthodes et d‘éthique - celui-ci a justifié de bout en bout ce qui devait être critiqué et a donc justifié tous ces abus de pouvoir et d’autorité.

Reprenons donc les faits, les dires, tels que présentés par M. J-C André :

1) Je récuse, dans la lettre que j’avais adressée, le 26 mai, à M. Poncelet, avoir porté des « expressions très défavorables sur les surveillants du jardin » [du Luxembourg].

J’ai fait état de faits et de dires que j’ai, par ailleurs, légitimement contestés.

2) Je récuse le fait que le surveillant après m’avoir « sifflée » m’ait « rappelé les termes du règlement ».

Et ce d’autant moins, comme je l’ai écrit, qu’il sembla le découvrir ultérieurement en ma présence. Et, qu’en tout état de cause, ce « rappel » aurait été inapproprié.

3) Je récuse l’interprétation donnée par M. J-C André concernant mes supposées réactions au rappel au règlement.

Outre l’humour - dont j’avais tenté de faire preuve et qu’il ne semble pas avoir bien saisi - j’avais bien précisé les concernant : «  si j’avais pu m’exprimer » : il s’agit donc bien de réflexions a posteriori et non pas de preuves de ce que j’aurais effectivement eu « le loisir de m’exprimer ».  

4) Je récuse la phrase qui m’est attribuée, en réponse au supposé « rappel au règlement ».

Ces termes - délibérément vulgaires ? - ne font pas partie de mon vocabulaire.

5) Je note que les raisons pour lesquelles le surveillant m’a intimé l’ordre de le suivre ne sont pas évoquées par M. J-C André : il ne le pouvait, en effet, pas.  

À cet égard, je tiens, aujourd’hui, plus clairement que dans ma lettre en date du 26 mai, à préciser que cet ordre était menaçant, brutal, autoritaire, non légitimé, non expliqué, non justifié, sans appel.

6) Je récuse avoir « refusé de reconnaître l’existence de l’infraction » (p. 3) affirmation, par ailleurs, en contradiction formelle avec ce qu’écrit le même M. J-C André, page 2.

7) Je récuse les termes de « mauvaise foi » dont j’aurais fait preuve en refusant de reconnaître l’existence de l’infraction.

Je considère cette expression comme une injure, comme diffamatoire, fondée, par ailleurs, sur un mensonge.

8) Concernant la rédaction d’une « main courante » évoquée par M. J-C André, je rappelle et précise que :

* Je n’ai jamais été informée des raisons pour lesquelles j’étais verbalisée ;

* Le terme de « main courante » n’a jamais été prononcé ;

* Aucun procès-verbal ne m’a été transmis par le surveillant ;  

* Celui-ci a refusé à plusieurs reprises de me le lire ;

* C’est la police qu’il a réservé l’exclusivité de ses écrits me concernant ;  

* D’emblée, dès mon entrée au poste des Surveillants, j’ai été informée de l’appel de la police par le Sénat, comme de l’existence d’un « procès », présentée par le surveillant « nouvellement embauché » comme relevant d’une évidence.  

La validité d’un écrit d’une personne sur la base de sa seule interprétation des faits - dont il est à la fois juge, acteur et témoin - est d’emblée, sujette à caution ; elle est, en sus, délégitimée dès lors que celui-ci oppose des refus à une demande de connaître la teneur - et donc la véracité - dudit écrit.

9) Je récuse le fait - avoir « mis en avant mes qualités de juriste et de fonction au CNRS » puis « exigé que l’on me délivre une copie du Règlement ».

Ce lien - délibérément accusateur - est inacceptable et mensonger. J’ai fait état de mon identité, de mon adresse, de mon numéro de téléphone, de mes fonctions comme il m’était demandé. Et j’ai, par ailleurs, non pas « exigé » d’avoir une copie du règlement, mais demandé à le lire, au même titre que j’ai demandé à lire le texte qui justifiait l’appel à la police. En pure perte.

10) Je récuse toute « attitude de mépris à l’égard des dispositions du Règlement ».

Je ne vois d’ailleurs pas sur quels fondements j’aurais « méprisé» un texte juridique - qui m’était par ailleurs opposé - alors qu’une partie non négligeable de mes engagements intellectuels et politiques consiste à les analyser et à les critiquer.  

11) Je récuse avoir « ironisé sur la lenteur du Surveillant ».

J’ai constaté cette lenteur, je m’en suis plainte et ce d’autant que celui-ci m’avait d’emblée affirmé qu’ « au commissariat », j’en aurais « pour la matinée ».

l2) Je récuse le lien qui est fait par M. J-C André entre « le refus de reconnaître les faits » - et ce d’autant qu’il ne précise pas les « faits » dont il parle - et le refus de « signer le procès-verbal » qui, lui, relève d’un droit.

Faut-il à nouveau rappeler que je n’ai jamais eu lecture d’un quelconque procès-verbal ?

13) Je récuse le fait que le - généreux ? - concessionnaire du « Chalet de la Roseraie » m’ait, « néanmoins donné accès à ses (!) installations ».

En effet, le surveillant qui m’y avait conduit pouvait d’autant moins m’en refuser l’accès que j’avais préalablement dénoncé l’absence de toilettes gratuites pour femmes au Luxembourg.

Ce n’est donc qu’à mon départ, contrairement à ce qui est écrit par M. J-C André, qu’en toute logique, j’ai refusé de payer les 40 centimes que le surveillant m’a demandé de payer, n’étant là que du fait de la contrainte du Sénat.

14) Je récuse, laissant au Sénat le ridicule d’une telle affirmation, le fait que j’aurais « tenté de m’esquiver du poste des Surveillants ».

Je dois cependant dire, que si tel avait été le cas - alors que la police avait été d’emblée appelée -, en tant que Président du Sénat, je m’inquièterais de la violence et de l’arbitraire de la situation à laquelle j’aurais, dès lors, souhaité échapper.

Je prends bonne note, à cet égard, comme je l’avais écris, qu’un surveillant a bel et bien été «  plac[é] en travers la porte » pour m’empêcher de m’enfuir.

15) Je récuse le constat selon lequel « à toutes les étapes de la procédure, le surveillant du jardin ou le chef de groupe m’aurait donné les explications justifiant leurs initiatives ».

Je me suis trouvée dans une situation de total arbitraire du début à la fin.

16) Je récuse avoir eu le moindre contact, le moindre échange avec « un chef de groupe », « présent au poste ».

Je n’ai aucun souvenir de ce monsieur et je n’ai eu d’échange - à l’exception de l’échange que j’ai déjà évoqué avec le surveillant qui me barrait la porte - qu’avec une seule personne, un seul surveillant.

Je note, en sus, qu’il existait, selon M. J-C André, d’autres « collègues présents » - dont j’ignore tout - mais dont la responsabilité est, dès lors, elle aussi, engagée.

À cet égard, dans la mesure où M. J-C André a longuement fait état au début de sa lettre de la qualité d’ « agents de police judiciaire adjoints » des surveillants du Sénat, « agréés par le Procureur de la République et assermentés », je souhaite savoir si le surveillant, nouvellement embauché donc, mon seul interlocuteur, était bien, lui, « assermenté ».

En effet, de deux choses l’une, où il n’était pas encore « assermenté » et les abus de pouvoirs et d’autorité qu’il a mis en œuvre à mon encontre, n’étaient pas valides et sa hiérarchie est directement responsable. Ou il était « assermenté » et cela signifie qu’une personne qui n’était pas au fait des éléments du droit qu’il voulait m’imposer et qui, plus encore, semblait les découvrir au fur et à mesure de mes demandes, celui donc qui m’a conduit au-x poste-s, ait pu d’emblée être : « agent de police judicaire adjoint ».  

En tout état de cause, dans les deux cas de figure, la responsabilité du Sénat est posée.

17) Je récuse qu’il y ait jamais eu de « graduation dans la réponse à apporter ».

À l’entrée du poste de police, comme je l’ai écrit, j’étais condamnée. À quoi ? je ne l’ai su que par la suite.

18) Je récuse l’analyse présentée par le Sénat selon laquelle les surveillants du jardin  seraient intervenus « dans le cadre réglementaire étroitement délimité » de leurs fonctions. Je cite :

* « refus [absolu] d’obtempérer »

* « réitération de l’infraction »

* « nouvelle récidive ou comportement blessant et outrageant à l’égard des Surveillants ».

Je considère que ces termes, dans le contexte de la lettre du Sénat rappelant « le cadre dans lequel sont intervenus les surveillants », comme « outrageants » à mon égard.

19) Je récuse avoir « suspecté les surveillants d’avoir abusé de leur autorité ».

J’ai dénoncé les abus de pouvoirs et d’autorité mis en oeuvre à mon encontre par des représentants en uniforme du Sénat dont j’ai été la victime.

Incidemment, je me suis, bien sûr, interrogée sur les raisons pour lesquelles ce surveillant - homme - se soit ainsi, comporté à mon égard : confronté à une personne, une femme, une juriste, une féministe, qui plus est, qui n’acceptait pas d’être traitée comme une délinquante et qui, à chaque étape du processus dans lequel il l’entraînait, demandait les raisons, les justifications, les textes sur les fondements desquels elle était traitée comme elle l’était, celui-ci a sans doute eu du mal à l’accepter. Plus encore, pour lui - comme pour tant d’hommes - faire état de mes droits - qu’il niait - m’inscrivait dans la contestation de son autorité, de son pouvoir, et, dès lors, dans la délinquance.

Voici l’interprétation - qui m’est propre - qu’il serait possible de faire.

20) En dernière instance, il m’apparaît, politiquement, signifiant de porter l’attention sur la manière dont M. J-C André me considère dans sa lettre.

En effet, celui-ci écrit : « Après les (les surveillants) avoir entendus et après lecture attentive de votre narration, la reconstitution du déroulement de votre verbalisation fait apparaître les points suivants » [ ...]  

Or, à la lecture de son interprétation des dits faits, je constate  que :

* Non seulement pas un seul de mes dires, ni des faits que je dénonce, n’est considéré comme juste, ni même méritant d’être pris en compte ; que mon récit - sans excès de scrupules, ni de véracité - a été intégralement invalidé; que tous les faits, les dires qui s’avéraient gênants ont été évacués ; enfin, qu’aucun des dires, des faits que j’ai dénoncés - je pense notamment à la demande de « palpation » - ne semble même avoir gêné et / ou mis mal à l’aise M. J-C André.

* Non content de réécrire les faits de manière à justifier tous les agissements qui se sont produits, afin notamment de laisser croire à une « graduation de la réponse », celui-ci se permet même de parler en mon nom et place : « vous déclarez » ; « vous considérez », « vous exigez », « vous arguez », « vous refusez » (à trois reprises) ; « vous tentez», « vous ironisez »...

Le Sénat, en 2008, se comporte donc, à mon égard, comme il l’a fait - et comme il a si souvent justifié son bon droit à le faire - concernant toutes les femmes, tout au long de son histoire : les nier, invalider leur parole.  

5) La déresponsabilisation par le Sénat concernant les agissements des « forces de police » au Jardin du Luxembourg n’est pas juste

Je récuse l’analyse selon laquelle « le comportement des forces de police que [j’aurais mises « également en cause » selon la formule de M. J-C André] ne concernerait pas le Sénat.

Concernant les faits que j’ai dénoncés, celui-ci me suggère en effet de m’« adresser à Monsieur le Commissaire central du VI ème arrondissement qui [m’] apportera certainement les éclaircissements utiles sur le déroulement de la procédure suivie par le personnel. »

Sans déresponsabiliser les autorités de police du commissariat du 6ème arrondissement, la responsabilité du Sénat est, en la matière, engagée au premier chef :

* C’est en effet le Sénat qui a appelé « les forces de police » ;   

* C’est dans le jardin du Luxembourg, sur le territoire « administré » par le Sénat donc, que j’ai dû, sur sa demande, être embarquée, après une demande de « palpation » dans une voiture de police, vers le commissariat de la rue Jean Bart ;

* C’est sur le seul fondement d’un document - dont la lecture m’a été refusée - émanant du Sénat que la police a pu justifier d’une convocation au tribunal de police ;

* C’est, la parole du surveillant du Sénat [qui m’a accompagnée au commissariat de la rue Jean Bart] qui a été, seule, jugée suffisante pour que je sois considérée comme devant être poursuivie devant le Tribunal de police. Je n’ai jamais en effet été interrogée par la police sur les faits qui me valaient, selon le Sénat, d’être convoquée au tribunal.  

Sur ce point d’importance, je souhaite connaître la réponse du Sénat à la question suivante :  Comment peut-il expliquer, comment peut-il justifier qu’il aurait appelé la police « afin de procéder à une vérification d’identité » ? Et ce, alors que je suis ressortie du commissariat sans avoir justifié de mon identité, ni sans qu’il me soit même demandé de le faire ultérieurement, mais avec une « procédure devant le tribunal de police »9, pour ne pas « avoir utilisé les installations sanitaires pour effectuer ses besoins naturels »10 : « Rapport fourni »... ?

6) La reconnaissance de l’existence d’une  « discrimination envers les femmes » sans que le Sénat y ait immédiatement remédié pas n’est pas juste

Je m’étonne que le Sénat - Chambre législative - s’en remette à la Halde11, chargée de vérifier la bonne application de la loi - pour décider s’il existe ou non une discrimination. Et ce alors qu’un enfant - dès six ans, sans doute même avant - est à même de constater qu’il existe au Luxembourg, des urinoirs gratuits pour les hommes et qu’il n’existe rien d’équivalent en la matière  pour les femmes.

Je m’étonne, plus encore, que le Sénat, n’ayant pas contesté ladite discrimination, n’ait pas immédiatement cherché à se mettre en conformité avec la loi qu’il a votée et qu’il est censé incarner.

Dernier point : J’ai constaté - et ai souhaité vous en faire part - que, pour la partie du jardin du Luxembourg qui leur est affectée, les chien-nes sont mieux traité-es que les femmes : sur une borne intitulée « Toutounet », on peut lire que des « sacs sont mis GRATUITEMENT (en majuscule) à [votre] disposition ». Ainsi, non seulement, les besoins naturels des chiens des deux sexes sont pris en compte par le Sénat, mais, en outre, un service gratuit est fourni à leurs propriétaires.

Dans l’attente, veuillez agréer, Monsieur le Président du Sénat, l’expression de mes salutations.

Marie-Victoire Louis

PS. Je note, par ailleurs, que :  

* Le nombre de femmes surveillantes est si faible qu’elles sont quasiment invisibles. Dès lors, il faut constater l’évidence : les femmes au Jardin du Luxembourg sont « surveillées », à quelques rares exceptions près, par des hommes.

Là encore, la question de la loi est posée.

* L’exigence requise - lisible sur internet - concernant l’emploi de surveillant au Jardin du Luxembourg, à savoir que « la taille minimum requise est de 1,57 m pour les femmes et 1,67 m pour les hommes » est, outre le fait qu’elle est absurde et choquante, discriminatoire. Et illégale.

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Notes de bas de page
1 Article 7. Protection du Jardin. « Le public est tenu de respecter la proprété du jardin et de ses équipements. À ce titre, il est interdit de : [ ....]

- Des installations sanitaires sont à la disposition du public. En cas de nécessité, leur usage est obligatoire à l’exclusion de tout autre emplacement. « 

2 Fait à Paris, le 17 avril 2003. Signé par le Président, M. Christian Poncelet et par les questeurs, Messieurs Serge Mathieu, Jean Faure, Michel Charasse. Publié au J-O le 2 mai 2002.  
3 Article 2 : Surveillance. La surveillance du jardin est assurée par des personnels du Sénat agréés par le Procureur de la République et assermentés. Ils ont notamment pour mission d’assurer la sécurité et la tranquillité, de porter aide et assistance aux usagers, de veiller à la conservation du domaine, de faire respecter l’ordre public. À cet effet, ils constatent par procès-verbaux, les infractions aux dispositions du présent règlement. Ils font rapport à l’officier de police judiciaire sur les crimes et délits qu’ils constatent. [...] Ils rélèvent en tant que de besoin l’identité des auteurs de l’infraction, dans les conditions prévues par le code de procédure pénale ».
4 Terme toujours précédé d’une majuscule dans la lettre du Sénat.
5 Ibid.
6 À cet égard, j’ai pris note avec une certaine inquiétude que l’« autorisation de travaux - arrêté n° 2008-623 des questeurs du Sénat en date du 6 mai 6 mai 2008 » concernant l’ « aménagement d’un [nouveau] poste de garde pour les surveillants » comporte « la création d’une salle d’isolement ».
7 In, Le Monde. 1er octobre 2008, Le Sénat, le pays où la vie est moins chère. Comme tout budget de l’Etat, celui qui est attribué chaque année à chacune des Chambres parlementaires ne devrait pas échapper au contrôle. En annexe à la loi de règlement des comptes de l’année figure le récapitulatif de leurs crédits. En 2007, le Sénat a reçu une dotation de 314,5 millions d’euros, à laquelle s’ajoutent 11, 5 millions pour le jardin du Luxembourg, 1, 5 million pour le Musée du Luxembourg et 13, 5 millions pour la Chaîne Public Sénat. Soit une dotation totale de plus de 340 millions d’euros. Outre ces fonds publics inscrits au budget de l’Etat, le Sénat est assis sur un véritable « tas d’or » qui, lui, n’est assujetti à aucune règle, si ce n’est celle de la prospérité…[…]Au total, le Sénat a engrangé, en 2006, 56 millions d’euros de produits financiers ! Le « magot » du Palais du Luxembourg atteint ainsi 1, 5 milliard d’euros. Le premier questeur habite « un charmant hôtel particulier » 64 Bd St Michel qui peut accéder directement par l’arrière aux jardins du Luxembourg. Patrick Roger.
8 À une exception cependant près : j’avais écrit avoir entendu trois « interjections », mais omis d’écrire avoir été - élégamment - « sifflée », comme il est rappelé dans la lettre du Sénat.

9 Convocation que je n’ai, à ce jour, [toujours ?] par reçue.
10 Je note que le terme de « Piéton » (au masculin, qui plus est) était inscrit sur cette convocation de police, pouvant laisser entendre que la supposée « infraction » aurait été commise dans la rue.
11 La Halde : « aide toute personne à identifier les pratiques discriminatoires, et à les combattre. Elle conseille pour les démarches juridiques, et contribue à établir la preuve de la discrimination. Elle peut se saisir elle-même de toute pratique discriminatoire dont elle a connaissance. Elle dispose de pouvoirs d’investigation pour instruire les dossiers. Elle peut exiger des documents et des preuves que la victime n’a pas pu obtenir, aller vérifier sur place et entendre des témoins. »

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