Dr Madeleine Pelletier

La femme doit travailler

Le Libertaire
11/03/1921

date de publication : 11/03/1921
mise en ligne : 03/09/2006
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La Voix des femmes publie le résumé d’un article du Rote Fahne (Le Drapeau rouge), de Vienne sur le travail des femmes.

On y retrouve la vieille conception socialiste de la situation de la femme ; conception qui est antiféministe au premier chef, puisque, en préconisant le maintien de la femme au foyer, elle perpétue son esclavage. Tout de même, on constate un certain progrès. Le socialiste autrichien comprend qu’en fermant à la femme l’atelier il en fait une ennemie du socialisme et il conclut en faveur du travail des femmes.  

Il est fâcheux de constater que c’est la classe ouvrière qui, dans les questions féminines se montre la plus réactionnaire. L’ouvrier veut bien s’affranchir de la bourgeoisie, mais il entend rester le maître de sa femme, la maintenir dans sa dépendance économique, de telle sorte qu’elle soit containte de subir l’esclavage sexuel pour ne pas mourir de faim. C’est dans les groupements avancés qu’on entend le plus souvent les vieux clichés sur l’infériorité intellectuelle de la femme, sa « nature spéciale » qui lui interdirait le travail, etc…

La femme est plus faible que l’homme, mais cela ne regarde en rien la société. Loin de protéger la faiblesse des femmes, comme elle le prétend hypocritement, la société ne fait qu’accroître cette hypocrisie, en enlevant au sexe féminin les moyens de vivre.
Faible ou forte, la femme est un individu qui a le droit de vivre à sa guise.

Durant la tuerie dont nous sortons, on a pu voir que seuls les préjugés séculaires bannissaient les femmes de certaines professions. En les leur ouvrant, on a vu qu’elles étaient capables de les remplir. Leur entendement moyen n’égalait pas celui des hommes ; qu’importe. Il était quand même loin d’être nul, puisque les capitalistes gardaient les ouvrières et leur payaient même des salaires qu’elles n’avaient jamais connus.

Toujours on s’hypnotise sur la question de l’égalité ou de l’inégalité qui, en réalité, n’a pas à se poser. L’égalité n’existe entre les hommes ni quant à l’intelligence, ni quant à la force ; il y a des forts, des faibles et des moyens dans l’un et l’autre domaine.

La femme fera ce qu’elle pourra et tant que la société présente existe, l’ouvrière doit lutter pour faire payer son travail le plus cher possible au patronat.

L’affranchissement économique des femmes est non seulement la justice, c’est le véritable intérêt de l’homme. Si la plupart des hommes ne le pensent pas, c’est parce qu’ils sont traditionalistes. Ils veulent vivre comme ont vécu leur père et leur grand-père. Révolutionnaires pour la société, ils ne veulent pas que la révolution entre dans la maison : il le faudra bien cependant.

La ménagère est la pire ennemie de la révolution. Bornée à sa popote, elle ne sait rien en dehors et elle a une peur instinctive de toute ce qui en menace la tranquillité. Avoir un homme qui rapporte des bonnes semaines et de bons mois, mais qui ne boive pas trop, qui ne flanque pas des coups quand la soupe n’est pas bonne, tel est son idéal.

En politique, elle est réactionnaire parce qu’elle tient à son « intérieur », tout autant que le bourgeois tient à ses capitaux. Elle a horreur des grèves et déteste les syndicats qui les préparent ; elle déteste les groupes qui incitent son mari à se forger ce qu’elle considère comme des chimères. Pour elle, le « bon mari », c’est l’homme tranquille, pas « sorteur » qui aime à rester dans son ménage.

Les esprits superficiels se sont basés sur cette psychologie très réelle de la ménagère pour conclure que la femme est une réactionnaire incorrigible.
La ménagère n’a que la mentalité de son état.
Elle est comparable à l’artisan des siècles passés qui, confiné dans sa maison où il travaillait tout seul, n’avait aucune idée d’une transformation sociale.

C’est l’usine qui a formé les socialistes et les anarchistes.
L’usine et l’atelier feront de la femme ce qu’ils ont fait de l’homme.
En on verra alors que les femmes ne restent pas en arrière. L’évolution que nous traçons est déjà commencée d’ailleurs.
L’industrialisation de la femme précipitera la révolution.


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