Marcelle

Lettre

L’Ouvrière
15/04/1922

date de publication : 15/04/1922
mise en ligne : 03/09/2006
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Paris, le 10 avril 1922

Mon cher camarade,

J’ai lu avec beaucoup d’intérêt votre article sur « La femme et le communisme » dans l’Ouvrière du 1er avril. Mais il faut que vous me permettiez de vous faire une observation et de relever un mot, rien qu’un mot, mais qui a son importance, parce qu’il peut contribuer à consolider un fâcheux préjugé.
Vous dites : « Le communisme ne fera pas disparaître certaines causes d’infériorité de la  femme. Une femme qui voudra avoir un enfant devra supporter la grossesse, la mise au monde du bébé, etc., etc. »

Alors, vous considérez, vous aussi, la fonction maternelle comme une infériorité ?… Mon cher camarade, nous ne pouvons pas accepter cela, nous les femmes. Que la noble souffrance de la mère soit actuellement une « cause d’infériorité », c’est justement une des choses que nous reprochons le plus à la société capitaliste et aux mœurs qu’elle engendre. Il ne devra pas en être de même en régime communiste.
Ne dites donc pas « infériorité », dites « inconvénients » ou « charges », en ajoutant que ces inconvénients, ces charges, seront compensés par des avantages, des privilèges de toutes sortes, matériels et moraux.

Autre chose encore. Vous reprochez au féminisme bourgeois de s’être concentré durant un demi-siècle sur la question du vote. C’est là une erreur. Les féministes demandent beaucoup plus que cela et le droit de vote n’est qu’un moyen d’obtenir plus facilement les autres.
Et puis, qu’appelez-vous exactement « féminisme bourgeois » ? Les camarades emploient souvent ces mots, mais sans bien expliquer ce qu’ils entendent par là. Sans doute, pensent-ils à « L’Union française pour le suffrage des femmes » ou au « Conseil national des femmes » qui ne représente pas tout le féminisme…il s’en faut !

Je connais des femmes que vous traiteriez probablement de « bourgeoise » parce qu’elles appartiennent à la classe aisée et qu’elles ne militent pas dans le sein du parti, qui vont en féminisme beaucoup plus loin que la plupart des communistes. L’une d’elles m’a prêté le livre qui contient le compte-rendu in extenso du Congrès féministe de 1900. Je suis émerveillée d’y voir aborder et discuter librement des questions qu’aucun congrès socialiste de l’époque n’aurait osé mettre à son ordre du jour. Et j’apprends que les premiers syndicats féminins ont été fondés par Marguerite Durand.

L’Ouvrière devrait faire un peu l’historique des luttes féminines, cela lui manque.

Veuillez agréer, cher camarade, mes sincères salutations communistes.

Marcelle

***

Réponse à la camarade Marcelle.

La camarade Cedar est l’une de nos amies anglaises qui a eu évidemment sous les yeux le mouvement féministe anglais, ce qui peut expliquer certains de ses jugements.

D’autre part, le mot « infériorité »…qui était celui qui se rapprochait le plus du texte anglais est un peu plus fort que ne l’exige la traduction exacte, mais convient mieux à la phrase que le mot «inconvénient ».

Enfin, nous enregistrons avec plaisir, la demande de notre camarade de faire dans l’Ouvrière un peu l’historique du mouvement féminin. La même demande a été formulée par quelques autres camarades, nous allons essayer de combler cette lacune.

(Note de la rédaction).


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