La quatrième édition des Latitudes, rencontres internationales avec les villes jumelles ou amies de La Roche-sur-Yon s'est déroulée la semaine passée. Débats et conférences portaient sur les violences faites aux femmes. Bilan
Marie-Victoire Louis est chercheuse au CNRS et militante féministe depuis vingt ans. Son domaine de recherches correspond au thème des Latitudes : les violences exercées par des hommes sur des femmes.
Vendredi soir dernier, elle a, dans le cadre de ces rencontres internationales, animé une conférence débat. Entretien.
M-V L : Il me paraît fondamental de préciser qu'il s'agit de violences masculines faites aux femmes. Et ces violences sont l'expression banale d'un système de domination universel qu'on nomme patriarcat. Ce système n'est pas une abstraction et ses conséquences sont concrètes. L'ONU affirmait dans un texte de 1980 : "Les femmes constituent la moitié de l'humanité, effectuent les deux tiers du travail, bénéficient d'un dixième des revenus et sont propriétaires d'un pour cent du patrimoine mondial." Un tel "résultat" n'a pu être obtenu que par la violence. Et la Loi qui l'entérine.
M-V L : Partout. Dans les rues, les trains, les écoles, les hôpitaux, les usines, les bureaux, les maisons. Elles s'exercent en outre dans tous les pays, toutes les cultures, toutes les civilisations. Et ce tout au long de l'histoire de l'humanité.
M-V L : Toutes les femmes. Nous avons toutes été peu ou prou, un jour, été l'objet d'une violence exercée par un homme sur nous. J'aimerais entendre et discuter avec celles qui affirment ne l'avoir jamais été.
M-V L : Nombre d'entre elles ont commencé à l'être grâce aux actions des politiques et judiciaires des féministes.
Mais là où le bât blesse, c'est de reconnaître que ces violences (viols, agressions sexuelles, harcèlement sexuel, sexisme, prostitution…) relèvent d'un système de domination masculine. Lorsqu'un Algérien, un Antillais est blessé, attaqué on se demande si l'agression peut être considérée comme raciste.
Il n'est pas encore de même lorsque la victime d'une violence est une femme.
La question du sexisme n'est même pas posée.
Ces violences restent enfermées dans la rubrique "Faits divers", tandis que le plus souvent, la présentation qui en est faite tout à la fois déresponsabilise l'auteur de l'agression (On évoque la jalousie, la passion, la folie plus ou moins passagère, l'alcool…) et transfère à la victime la responsabilité de la violence qu'elle a subie (Elle était provocante, elle le voulait bien, elle n'avait pas à sortir le soir….)
M-V L : Je considère que ce n'est pas mon analyse qui est alarmiste mais la situation elle-même qui est grave.
Je considère aussi que le gouvernement actuel n'a pas de politique de lutte contre ces violences. Ce qui signifie qu'il les considère comme normales.
M-V L : On peut citer le Québec. Et pour l'Europe, la Suède qui a joué récemment un rôle important en faisant voter une loi pour la paix des femmes. Cette loi a pour la première fois au monde décidé de pénaliser les "clients" des prostitués. C'est un immense pas en avant.
M-V L : Quand plus aucune violence masculine à l'encontre d'une femme ne restera impunie.
Quand la prostitution sera illégitime. Tant qu'un homme pourra sans être inquiété acheter un droit d'accès au sexe d'une femme, on ne pourra pas parler d'égalité entre les sexes. C'est la politique affichée du gouvernement Suédois ; ce n'est pas celle du gouvernement français.
Propos recueillis par SLG.