Lorsqu’en 1902, Marguerite Durand fit un bilan des cinq années où elle fut directrice de La Fronde, elle écrivit : « D’abord elle a vécu, ensuite, elle a lutté, souvent, elle a vaincu ».
Je pourrais - concernant l’AVFT 2- reprendre ses termes :
* « Vivre » durant plus de deux décennies est en soi une gageure.
* « Lutter », c’est essentiellement ce qu’elle a fait depuis sa création.
* « Vaincre », ce fut effectivement le résultat de tant de ses combats.
Mais dire cela serait insuffisant. Et j’espère que vous me permettrez - pour la première fois depuis 1985 - de dire, sans trop de scrupule, dans un premier temps, le bien que je pense de ce qu’a été, de ce qu’est et de ce que j’espère que continuera encore longtemps à être l’AVFT.
Je ne traiterai pas ici des apports et des succès de l’AVFT. Je voudrais simplement tirer quelques « leçons » dont le rappel peut, je l’espère, être utile à la re-construction d’un féminisme politique que nous sommes si nombreuses-eux à vouloir réaliser.
Si l’AVFT peut avec fierté fêter ses 20 ans, ou plutôt ses 21 ans d’existence, c’est, je pense, parce qu’elle a été fondée sur des bases claires que je peux - sous réserves d’un travail complémentaire plus rigoureux et plus approfondi - résumer ainsi :
1) Avoir été porteuse et avoir mis en œuvre de nouvelles pratiques féministes dont sans doute la plus importante a été de lier les actions concrètes auprès des femmes et l’action féministe au plan juridique et politique. Et, plus simplement et sans doute plus fondamentalement, d’avoir- comme tant d’autres - agi.
2) Avoir eu des principes de fonctionnement fondés sur un projet politique et une logique de « contrat » avec les personnes [des femmes, mais aussi quelques hommes] faisant appel à l’association suffisamment solides pour lui avoir servi d’épine dorsale et lui avoir permis, tout au long de ces années de ne pas fléchir. Nous pouvons, je crois, affirmer que pas une seule fois, l’AVFT ne s’est jamais engagée à tort, c’est-à-dire sur les fondements d’une ‘fausse allégation’.
En revanche, combien de fois n’avons-nous pas pu participer à la dénonciation d’injustices restées donc cautionnées…
3) Avoir eu dès le départ un projet politique clair vis-à-vis de l’État. Nous ne voulions être ni dans une logique de don, ni de services, ni de dépendance, ni d’allégeance. Nous avons voulu tout à la fois prendre appui sur lui, interpréter ses lois, ses politiques, les critiquer, les faire évoluer, en proposer d’autres. Je n’ai pour ma part jamais considéré l’État - y compris lorsqu’il était incarné par un gouvernement « de gauche » - comme un allié et j’ai toujours été très sensible-es aux dangers du ‘féminisme d’État’, si tant est que ces deux termes puissent ne pas être considéré comme antinomiques. Nous voulions participer ainsi à la création d’une société « plus égalitaire, plus libre, c’est-à-dire moins hiérarchique et moins patriarcale ».
4) Avoir respecté ses engagements contractuels à l’égard de ses financeurs et tenu une comptabilité et des finances exemplaires. Marie-Claire Dèbes doit être remerciée de la rigueur de son travail bénévole depuis tant d’années.
5) La dépendance financière étatique étant en elle-même une lourde contrainte, n’avoir dépendu, par ailleurs, ni financièrement, ni institutionnellement, ni par un réseau de solidarité, d’amitiés ou autres, d ‘aucun parti, d’aucun syndicat, d’aucun regroupement d’associations ou d’aucun groupe plus ou moins transparent.
J’étais persuadée il y a 20 ans - je le suis toujours - que le féminisme ne peut être agi et pensé qu’en stricte, totale et radicale séparation avec une quelconque institution. Il peut y avoir - il y a - des féministes dans les syndicats, dans les partis : il ne peut y avoir d’action, de pensée, de politique féministe - autre que superficielle et éphémère - dans les syndicats, dans les associations, dans les partis. Sauf à créer un parti féministe conçu comme tel.
Quant à l’indépendance de l’AVFT à l’égard des autres associations féministes, elle a sans aucun doute été son apport au féminisme politique le plus difficile à faire accepter. Elle fut aussi - pour moi - l’un des plus fondamentaux : en rompant avec le postulat d’un pseudo consensus féministe le plus souvent pré requis, l’AVFT légitimait par sa mise en oeuvre sa volonté de rupture de pensée et d’actions.
6) S’être ancrée, nourrie de, légitimée dans et par l’histoire - et donc avoir eu à l’exhumer puisque celle-ci nous a été cachée - ainsi que dans et par les apports étrangers les plus novateurs.
7) Avoir lié les recherches et l’action, ce qui s’est concrétisé par une importante production intellectuelle3, au sein de laquelle j’inclus les rapports d’activité annuels. Dans l’opposition entre « Recherches dans l’institution » et «Recherches hors institution » - qui recouvrait une opposition « Recherches engagées, militantes » et « Recherches - dites - scientifiques » traditionnelles qui avait structuré l’important Colloque sur les recherches féministes tenu à Toulouse en décembre 1982, l’AVFT4 a su maintenir la position - celle qui a été institutionnellement défaite - qui défendait la thèse de la recherche féministe engagée.
8) Avoir voulu et su créer un important fond d’archives que l’histoire, je l’espère, saura utiliser. Je suis particulièrement attachée à ce point, car je sais à quel point nous sommes redevables des quelques femmes qui ont compris l’absolue nécessité de garder les sources de l’historiographie féministe et, souvent seules et sans moyens, se sont donné les moyens de nous les faire parvenir. Sans elles, le féminisme des années soixante-dix/quatre-vingt n’aurait pas eu la vigueur intellectuelle qui fut le sien; sans elles, nous n’aurions pas su que l’histoire patriarcale nous avait caché - et avec une telle efficacité - ces pans entiers de notre histoire, depuis tant de siècles.
9) S’être investie et avoir agi et réfléchi dans de nombreux autres domaines - dans lesquels elle a été souvent pionnière - que celui des violences au travail.
Ce que j’ai en outre appris, sur la base de l’expérience, c’est :
10) La découverte que le succès d’une lutte dépend, bien sûr, avant tout, de la justesse du projet politique qui seule lui donne sa légitimité mais aussi de l’absolue évidence pour celles et ceux qui la mènent qu’ils vont la gagner à court, moyen ou long terme. La ténacité - plus efficace que toute campagne de presse - relève alors de l’évidence. Conjuguée avec d’autres facteurs, celle-ci a contribué au succès total de la campagne menée pour la libération de Véronique Akobé.
11) La nécessité, au plan intellectuel et politique, de ne pas se répéter - du moins de ne se répéter qu’au strict minimum - afin de ne pas faire du surplace et donc de régresser. Chaque jour apportant son lot de nouveaux problèmes, de nouveaux questionnements, de nouveaux défis, d’incessantes innovations sont exigées. À cette réalité s’est vite joint l’attrait de l’effet de surprise et la découverte de son efficacité. « Ne pas être là où l’on nous attendait » a incontestablement été l’un des moteurs de notre action.
12) L’exigence d’avoir avec la presse des rapports - contractuels – clairs, ce qui implique en toute logique de refuser de participer aux émissions qui ne répondaient pas à nos exigences. À cet égard, il n’est pas anodin aujourd’hui de rappeler que durant les premières années de l’AVFT - avant le backlash anti-féministe actuel - fortes de notre pouvoir, celui de l’analyse notamment, c’étaient nous qui posions les conditions de participation aux émissions, lesquelles étaient généralement acceptées. Nous exigions, notamment, au préalable, qu’aucune femme victime ne soit l’objet d’attaques personnelles et/ou de « plaisanteries ». Par ailleurs, nous demandions d’être présentes sur le plateau - avec une ou plusieurs victimes de violence ayant décidé de se battre - et donc de présenter nos analyses : nous avons donc toujours refusé d’être des « pourvoyeuses de témoins ».
13) Confrontée aux tentatives - relativement nombreuses - de faire disparaître l’AVFT, d’en modifier le cours, de la réduire au rôle d’association fonctionnelle limitée dans ses ambitions et ses critiques, nous avons appris la nécessité de la vigilance. Imaginer a priori le pire est progressivement apparu comme le meilleur moyen de minimiser les probabilités qu’il ne se produise.
14) Nous avons découvert l’apport - en termes de distanciation politique, notamment par rapport à une politique strictement nationale - que les institutions européennes et internationales sont pour l’action et la réflexion d’une association féministe. Nous avons, concomitamment, découvert que c’ étaient en leur sein que se préparaient les futures politiques nationales. Nous avons enfin découvert - par l’analyse et par une présence physique politique engagée - leurs gigantesques limites politiques. L’important travail que nous avons mené notamment à l’ONU, comme au sein de l’Union Européenne s’est avéré un extraordinaire révélateur de compréhension des mécanismes de la fabrication du monde, à l’aune de laquelle la politique française apparaît, tardivement, souvent simplement réactive.
15) J’ai appris aussi que quitter une association - c’est-à-dire la remettre à la personne qui vous suit en état de fonctionnement, sans problème majeur non résolu - demande sans doute plus de temps et de travail que de créer une association.
Maintenant, rapidement, je voudrais prolonger ce début de réflexion en insistant plus précisément sur ce dont je suis le plus fière :
16) Le lien politique et théorique que nous avons été - je crois - les premières en France à faire entre toutes les violences masculines à l’encontre des femmes : viols, viols incestueux, mutilations sexuelles, violences dans le cadre familial, meurtres, assassinats, « prostitution », injures « sexistes »…. Faut-il rappeler l’étonnement, le refus, la dénégation qu’une telle problématique provoquait à l’époque ? Faut-il rappeler qu’il y a vingt ans, celle-ci relevait presque de l’impensable ? À cet égard, je pense que la lettre proposée par l’AVFT à la signature des autres associations féministes en date du 6 juin 1988 au gouvernement Rocard - certes encore sur le mode de la requête - est politiquement signifiante5.
Dans le cadre de la constitution de cette problématique politique, sans conteste l’un des axes majeurs du renouvellement de la pensée et de l’action féministe depuis une vingtaine d’années, le lien que nous avons fait, très vite - dès 1991 - entre la question de ces violences et celle concernant « la prostitution » nous a permis de mieux et plus vite6 comprendre les enjeux juridiques, politiques et sémantiques de leurs complexes articulations. 7
17) Les luttes que nous avons menées contre l’Etat à plusieurs reprises. Je pense à cet égard que c’est sans doute - sous réserve de vérification - une première historique qu’une association dépendant quasi totalement de ressources étatiques se soit mise en grève contre l’Etat. Et ait obtenu gain de cause.
18) La poursuite, la prolongation et l’enrichissement de la pensée féministe critique du droit dans le prolongement des analyses québécoises, anglo-saxon-es et françaises, notamment celles de Maria Deraismes, de Léon Richer et, plus près de nous, d’Odile Dhavernas. Je souhaite ici rendre hommage à Odile - dont l’itinéraire personnel et politique féministe fut d’exception - qui vient de nous quitter.
La démystification du droit - le droit n’est pas le fait des juristes et peut et doit être approprié, géré, initié, mis en oeuvre, critiqué, amendé par nous tous et toutes - est aussi l’un des apports de l’AVFT.
19) La capacité de l’AVFT – je crois – à avoir su et voulu refuser et dépasser les antagonismes/alternatives binaires qui ont font tant de mal à la réflexion comme à l’action féministe, du type :
* Féminisme de la différence ou féminisme de l’égalité
* Réformisme ou révolution
* Universalisme ou parité
* Travail de terrain ou théorie
* Réalisme ou idéalisme
* Radicalisme sans concession dont les effets ne seraient perceptibles que sur le long terme ou action de compromis et de concession mais utile et efficace à court terme…
20) En toute logique, l’AVFT a donc - et elle peut en être fière - beaucoup refusé : les décorations, les passes droits, les privilèges, les recherches-alibis, les colloques sans finalité politique ou intellectuelle claire, les signatures de pétitions censées être « féministes » parce qu’elles étaient initiées par des associations qui se définissaient comme telles, le statut d’ONG officielle cautionnant la politique de l’Etat. Elle a aussi refusé de se fondre dans des regroupements qui nient l’indépendance des participant-es et qui, sans vergogne, parlent en leur nom, comme de soutenir nombre de politiques étatiques qu’elles a, le plus souvent, officiellement dénoncées….
21) En tout état de cause, l’AVFT a - incontestablement - accompli un travail important que l’Histoire - j’en suis sûre - reconnaîtra à sa juste valeur. Pour la petite histoire, je me souviens de notre immanquable réaction à chaque lecture finale des rapports annuels : « Mais ce n’est pas possible que nous ayons fait tout cela ! ».
22) Enfin, la satisfaction d’avoir un peu contribué à ce que la vie de tant de femmes ne s’inscrive plus dans l’inéluctable. Et si les femmes qui se sont adressées à l’AVFT n’en sont pas pour autant toutes - tant s’en faut - devenues féministes, elles sont toutes devenues, comme les féministes qui y ont milité, des femmes plus libres.
Au terme de ce rapide exposé, dans le cadre précis de cet anniversaire, je tiens à préciser enfin que je suis consciente de n’avoir pas assez de distance par rapport à ce début de bilan et ce d’autant que je n’ai effectué aucune recherche pour l’écriture de ce texte. Je ne propose donc qu’un témoignage, en tant que tel, soumis donc à toutes les critiques, très fortement demandées par ailleurs.
23) Je souhaite maintenant aborder une question qui, pour être plus personnelle, n’en est pas moins aussi politique. Au-delà de toutes les personnes - se comptant par centaines - qui, tout au long de ces années ont participé, soutenu concrètement le travail de l’AVFT, je voudrais plus particulièrement rendre hommage [en étant consciente de l’injustice de cet arbitraire] à l’apport fondamental de deux personnes.
* La première est Sylvie Cromer avec laquelle j’ai, pendant près de dix ans - je crois pouvoir dire, tous les jours ou presque - travaillé avec joie, efficacité, sur le fondement de partages communs, de complicités et de respects mutuels, sans que la moindre ombre ne vienne - tout au long de sa présence à l’association - entacher notre collaboration.
L’AVFT ne serait pas ce qu’elle a été sans ce que fut son immense apport.
* La seconde est Catherine Le Magueresse qui par son intelligence, sa sensibilité, sa profonde gentillesse, sa joie de vivre, sa force de caractère, sa profonde l’honnêteté, son incroyable efficacité a poursuivi le travail mené avant elle.
Elle a notamment considérablement développé la pensée du droit en la traduisant en actions novatrices sans lesquelles la critique féministe du droit resterait théorique. Elle a été pour moi l’une des rencontres les plus gratifiantes et heureuses de ma vie.
En conclusion, au terme de ce premier bilan politique personnel, - rappelant que si j’ai depuis longtemps quitté l’AVFT, mes réflexions sont, depuis lors, toujours nourries par l’expérience que j’ai acquise en son sein - je souhaiterais insister sur sept points :
24) Je considère que s’il est maintenant évident que la prise en compte du vécu, de l’analyse, de la volonté des victimes - que nous sommes toutes 8- de la société patriarcale est au fondement de tout engagement féministe, celle-ci doit être liée à une pensée politique féministe qui seule lui donne sens et sans laquelle rien ne peut se construire. Sinon, la lutte féministe, atomisée, parcellisée, se réduira - et c’est déjà une réalité - à la simple prise en compte d’une succession de cumuls de défense et de soutien à des groupes de femmes, présentées indifféremment comme marginalisés, stigmatisés, discriminées, minorisées, exclues, différentes.... Faute de remise en cause de la domination patriarcale, ces soutiens ponctuels fondés sur des concepts inappropriés ne peuvent que la justifier et donc la perpétuer.
25) Je considère que toutes les appréciations, initiatives, propositions, analyses, dénonciations concernant la lutte contre les violences masculines à l’encontre des femmes doivent partir de la réalité actuelle, à savoir que nous sommes d’ores et déjà rentrées dans un monde qui a - au plan international et européen et donc aussi français - abandonné toute référence à l’abolitionnisme. A cet égard, je considère que le refus de tant de féministes de prendre position dans le débat concernant « la prostitution » - dont les incidences politiques en matière de luttes contre les violences masculines relèvent de l’évidence - sape à la base l’idée et le projet même de féminisme en considérant comme pouvant relever de ce courant de pensée et d’action des analyses qui cautionnent, justifient et légitiment le plus violent, le plus insupportable, le plus ignoble de tous les rapports de domination : le proxénétisme.
26) Je considère que le risque de l’absorption progressive des dites violences - et donc leur dissolution - dans le « concept » de « discrimination » doit être pris en compte avec toute la gravité qu’il exige. Dans ce même ordre d’idée, la poursuite de la critique des ravages du concept d’ « égalité [entre les hommes et les femmes]» est pour moi la première urgence.
À cet égard, je considère que les féministes doivent être plus conscientes qu’elles ne le sont de l’absolue nécessité de s’engager dans la bataille si fondamentale des mots et des concepts : un concept erroné le sera toujours, dès lors induira de mauvaises réponses politiques, lesquelles nécessairement repousseront le temps des solutions les plus adéquates, et ce souvent pendant des dizaines d’années, voire pendant des siècles.
27) Je considère que la conception même de la justice a été totalement bouleversée par l’irruption de la parole des victimes [celle des femmes et au-delà celle de toutes les victimes de ces violences] dans une sphère qui avait été conçue sans elles et contre elles9. Dès lors, la reconnaissance de la réalité et de la profondeur de ce bouleversement qui a mis un terme à des siècles d’impunité - et donc d’irresponsabilité légale - des hommes dans leurs rapports aux femmes et aux enfants des deux sexe, permet une lecture beaucoup plus aisée de l’antiféminisme contemporain. Nombre d’actions menées par l’Etat depuis plus d’une vingtaine d’années ont eu effectivement pour finalité et fonction essentielle de limiter les effets dévastateurs pour la société patriarcale de cette prise de parole et de cette nouvelle exigence de justice.
Faut-il rappeler encore une fois que tout renforcement des droits de la défense est aussi un coup d’arrêt, une diminution des droits - encore si dérisoires, en eux-mêmes et comparés aux droits des agresseurs - des victimes ?
Faut-il enfin rappeler que c’est l’ensemble du droit qui doit être soumis à la critique féministe ?
28) Je considère enfin que nous devons être plus conscientes de nos avancées et de notre force. Des États et non des moindres, peuvent être, ont été et sont déstabilisés du fait de plaintes de viols, de harcèlement sexuel, d’accusations de relations de type prostitutionnelles par des victimes à l’encontre d’hommes [notamment] politiques : que le harcèlement, la violence d’un homme - fut-il de pouvoir - à l’encontre d’une femme adulte - fut-elle sans grade - d’un-e enfant, d’un-e adolescent-e, ne soit plus légitime et soit dorénavant considéré comme suffisamment grave pour bouleverser des empires, n’est-ce pas sur ces fondements que l’AVFT a été crée ?
Que l’antiféminisme trouve là l’une de ses principales explications relève pour moi de l’évidence.
29) Je voudrais terminer par une question : à l’époque où j’en ai été - avec d’autres - responsable, quel est le bilan politique critique que je porte de l’action de l’AVFT?
Je pense - mais nous l’avons souvent, à l’AVFT, pensé ensemble depuis sa création - que les faiblesses de l’AVFT - ont été :
- De n’avoir pas suffisamment pensé les modalités de la mise en oeuvre d’alternatives permettant de contrer ces violences, indépendamment du recours - je ne dirais pas à la justice - mais au droit. Plus largement, les questions de la désobéissance civile, de la rupture, de la révolte, de la contre-violence….ont moins été le point aveugle de sa réflexion qu’ils n’ont été des questions non résolues.
- De n’avoir pas su mieux articuler, concrètement, son engagement féministe et son action concrète auprès des femmes s’adressant à elle.
- De n’avoir pas enfin assez avancé dans la construction d’un projet et d’un programme politique féministe global.
30) Pour ce faire, reposer explicitement les fondements de la morale, de l’éthique, des valeurs auxquel-les l’on adhère et que l’on propose donc à l’adhésion critique d’autrui est, pour moi, un préalable : aucune succession de réformes, aucun projet, même révolutionnaire, ne peut en faire l’économie.
Il n’est à cet égard pas inutile de rappeler que le propre d’un système de domination est qu’il a été fondé sur la violence - qu’il perpétue - et donc sur la négation de toute valeur.
Cette réalité préalablement reconnue, c’est alors, tout à la fois au patriarcat 10 et, sur ses fondements, à la loi du marché - devenue la valeur hégémonique de notre monde - qu’il faut en priorité s ‘attaquer.
Et penser, proposer et mettre en œuvre des alternatives personnelles et politiques.
30 Août 2006
Ajout. 1er mars 2007 : Une analyse critique du projet de loi-cadre du Collectif National pour les droits des femmes (CNDF) publié aux Éditions Syllepse, Décembre 2006, est en préparation.