Parité
 Marie-Victoire Louis

Parité et universalisme (I)

Projets Féministes Nos 4-5
Actualité de la parité
p.94 à 126
Séminaire en neuf rencontres introduit et animé par Marie-Victoire Louis
Séminaire du 2 Février 1995

date de rédaction : 01/02/1996
date de publication : Février 1996
mise en ligne : 07/11/2006 (texte déjà présent sur la version précédente du site)
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Intervenant-es: Pierre Rosanvallon, Françoise Collin, Alain Lipietz


Pierre Rosanvallon

J'ai préparé un certain nombre de remarques historiques -les traiter à fond demanderait énormément de temps - concernant les figures de l'universalisme français au 19 ème siècle. Car, il me semble qu'une façon de réfléchir sur les problèmes de parité - dès lors que les questions de parité ne sont pas simplement abordées dans une perspective, disons conjoncturelle, tactique - serait de s'interroger sur ce que signifient - sur ce que sont - les qualités représentables du social.
Cette question a une longue histoire.

Je vais évoquer devant vous, de façon très impressionniste, étant donné la nature de cette introduction, un certain nombre d'éléments de cette histoire.

Je voudrais vous montrer comment, à quatre reprises, la question s'est posée, en parcourant le siècle qui fut celui du grand débat sur le sens de la représentation du social, c'est-à-dire le 19 ème siècle.

Un premier débat a eu lieu, en 1820, dans un lieu que vous n'imagineriez pas très politique a priori, qui est La Revue de mathématiques appliquées. Un mathématicien nommé Gergone qui avait été très actif dans les armées révolutionnaires et qui avait assisté à beaucoup d'élections dans ces armées a introduit, dans cette revue, une réflexion sur ce qui est "manqué" dans le processus politique. Selon lui, un ensemble de qualités, de faits sociaux ne trouvent pas leur expression dans la sphère politique.
Pourquoi ? Parce qu'ils sont dilués.
Il faut donc, selon lui, trouver les conditions dans lesquelles un certain nombre de qualités sociales vont être saturées.
D'où son idée très importante, laquelle aura une longue histoire au 19ème siècle, c'est de dire que ce qui doit fonder la représentation, c'est un critère d'homogénéité.

Pour qu'il y ait une représentation - sachant que le social est par définition hétérogène, complexe - il faut que l'hétérogène s'exprime dans une dimension homogène.
Ce qui permet de marier l'homogénéité et l'hétérogénéité, c'est l'idée de pluralisme des représentants sociaux, que l'on appellerait aujourd'hui des représentants professionnels ou de représentation proportionnelle.
Mais il est le premier, à partir d'une représentation mathématique, à avoir développé cette idée de saturation des qualités sociales, liant l'hétérogène et l'homogène dans le politique.
Ce lien est très important parce que ce sera le concept central repris dans la philosophie politique anglaise des années 1860 pour développer les premières théories de la représentation proportionnelle.
Le grand fondateur intellectuel de la représentation proportionnelle qui est Thomas Hare - lequel a inspiré John Stuart Mill - affirmait que le fondement de l'idée proportionnelle réside dans le fait qu'il y a des éléments d'unanimité dans le social.

Ce qui doit donc fonder la représentation proportionnelle, c'est la découverte de ces segments d'unanimité. Celui-ci avait une perspective sociale très particulière, car il appliquait cette idée aux élites. Il disait que le problème de la société moderne était que les élites risquaient d'être balayées par les masses et donc, en tant que groupe homogène, il fallait continuer à les faire exister.
C'est dans cette perspective-là qu'il proposera la proportionnelle.

Le deuxième exemple que je trouve intéressant et que je prends un peu plus tard dans le siècle, c'est le Manifeste des soixante. C'est la première fois qu'apparaît, en France, après la conquête du suffrage universel, une parole sociale qui dénonce l'absence de représentation. Ce Manifeste est signé par 60 ouvriers au moment des élections partielles à Paris, au printemps 1864. Ceux-ci déclarent que, bien que le suffrage universel existe, ils estiment que le groupe qu'ils représentent, la population ouvrière, n'a pas d représentant ; et ce qu'ils souhaitent, c'est que, es qualité, il y ait des représentants ouvriers.

C'est une discussion très intéressante parce qu'il va y avoir un grand débat à ce sujet : en effet, le commentaire de ce manifeste a donné lieu au grand livre de Proudhon : "De la capacité politique des classes ouvrières", rédigé à l'automne 1864 et publié en janvier 1865, juste après sa mort.
En outre, le principal rédacteur de ce texte est Tolain qui sera le fondateur français de l'Association Internationale des Travailleurs (AIT). Celui-ci a commenté ce manifeste en expliquant les raisons pour lesquelles il devait y avoir des candidatures ouvrières.
S'il affirmait qu'en principe, il refusait toute distinction de classe, il estimait qu'il y avait un tel déficit de représentation que les ouvriers devaient apparaître, séparés, dans le social.

Ce débat est celui repris par les Républicains d'opposition du Second Empire sur l'universalisme qui, eux considèrent qu'accepter le principe des candidatures ouvrières serait revenir à l'Ancien Régime, aux corporations.

La question posée est la suivante : Quel est le sens de la représentation ? Est-ce que la représentation doit saisir le social à partir de l'individu ou est-ce que la représentation doit saisir le social dans ses différences de qualités ?
Ce débat a aussi été au centre des premières réunions de l'A.I.T et des premiers congrès ouvriers en France, notamment celui de la rue d'Arras.
La question était en outre de savoir si la candidature ouvrière était un principe ou était liée au problème de l'urgence sociale.
La position des Républicains fut la suivante : "Nous acceptons de désigner des candidats ouvriers, mais nous n'acceptons pas le principe de candidatures ouvrières."

Vous voyez toutes les correspondances qui peuvent exister avec les problèmes que vous vous posez.

Troisième période qui donne un exemple intéressant, ce sont les années 1870-1880, au moment où il y a développement du thème proportionnaliste, un peu partout en Europe, pour des raisons d'ailleurs très différentes.
En Angleterre et en Belgique, le proportionnalisme est lié au développement du suffrage de masse et fut considéré comme une façon de le canaliser.
En Allemagne, le thème du proportionnalisme est analysé comme un retour du thème corporatiste ; en France, il apparaît beaucoup plus simplement comme une réflexion sur la nature du social.
À cet égard, il faut dire que, philosophiquement, le père de l'idée de proportionnalité est Victor Considérant, qui est un fouriériste.

Mariette Sineau

Et un féministe....

Pierre Rosanvallon

Et un féministe..... Ce qui fondait l'idée de représentation proportionnelle, c'était la vision du pluralisme des passions. Il fallait transmettre dans la Politique la qualité sociale qui était liée à cette économie des passions. Le premier pays où il y a eu des formes de représentation proportionnelle, c'est le canton de Genève en Suisse ; la décision fut prise sur la base d'une petite brochure de V. Considérant qui n'est d'ailleurs pas à la Bibliothèque Nationale.
Au cours de ces années, le débat emprunte un certain nombre de questions analogues du débat précédemment évoqué : celles des qualités sociales représentables, indécomposables.
Est-ce qu'il n'y a pas une utopie de vouloir faire de l'individu le sujet de la représentation ?
Est-ce que le vrai sujet de la représentation ne doit-il pas être la nation vivante ?
Et quelles sont les qualités sociales irréductibles ?
À ma connaissance, je n'ai jamais vu exprimer dans ces débats le lien avec la question du suffrage des femmes. Peut-être que dans un certain nombre de revues féministes ou féminines de l'époque, on pourrait en trouver la trace ; mais dans les débats généraux, je n'en ai pas trouvé.

Quatrième exemple. Il s'agit de l'ensemble des discussions qui ont eu lieu plus tard dans le siècle, à partir des années 1890, dans le Nord de la France, mais surtout en Belgique sur l'idée de vote familial. Ce qui fait le sujet politique, c'est l'oscillation entre l'individu et la communauté qui doit se traduire par le fait qu'un traitement différent doit être accordé au sujet politique individuel et au sujet politique communautaire.
C'est à travers l'idée - qui a été mise en oeuvre en Belgique - de suffrage familial que s'est joué cette discussion.
C'était donc l'unité sociale qui votait, dans le cas municipal, indépendamment du sexe.
Historiquement, vous savez que dans bien des pays, les femmes célibataires, les veuves ou les femmes en charge de famille ont eu le droit de vote bien avant les femmes mariées. C'était même un des arguments centraux des féministes américaines.

Une réflexion historique que l'on peut faire, c'est de dire que s'interroger sur la question de ce qui est représentable nécessite aussi de s'interroger sur la fonction du représentant. Or, tout au long du 19ème siècle, on note une grande hésitation sur la nature du représentant.

Pour simplifier énormément, on peut dire qu'on oscille entre une vision du représentant comme éminence et comme similitude.

Dans le premier cas, celui-ci est choisi parce qu'il est différent des autres. Et ce qui fait sa qualité, c'est sa capacité à être différent des autres et donc à les guider. C'est la vision du notable classique, de celui qui guide, du parti ou autre...
Une autre vision du représentant, très fortement affirmée, par exemple dans ce Manifeste des 60, est que ce qui fonde la qualité du représentant, c'est, à l'inverse, sa qualité à être identique.

On voit alors, dans le mouvement ouvrier, un thème très intéressant qui est celui de l'éloge de l'obscurité.
La qualité du représentant est d'être un être comme les autres qui ne se distingue pas des autres. C'est un homme terne et gris. Il y a un texte très amusant, à cet égard, d'Émile de Girardin, le fondateur de La Presse, qui avait lancé une campagne en 1851, qui n'a pas eu de suites, pour que ce soit un ouvrier qui soit candidat à la Présidence de la République. Son grand thème, c'était de dire qu'un candidat ouvrier aurait le mérite de n'être qu'un obscur parmi les obscurs. La vraie qualité présentant, alors, c'est de se confondre avec les autres.

Il me semble qu'un certain nombre de réflexions sur la question de la parité, ou en tout cas, sur le problème du vote des femmes peuvent être évoquées, en relation avec ces deux thèmes, de l'éminence ou de l'obscurité. Voilà les quelques remarques que je pouvais faire en introduction à votre débat.

Françoise Collin

Je vais, pour ma part, faire quelques remarques qui s'appuient uniquement sur notre débat actuel, puisque je ne suis pas historienne.

Je me suis déjà interrogée et m'interroge encore sur le sens et l'intérêt de la revendication de la parité, étant entendu que celle-ci est généralement comprise comme parité entre hommes et femmes dans les instances représentatives du pouvoir politique. Et susceptible d'être contrainte par une loi.1

Je m'interroge car la parité, avant d'être ou tout en étant un mot d'ordre d'action, me paraît aussi un motif fécond et complexe de réarticulation théorique qui nous guide ici, sans la contrainte du simple : "Pour ou contre".

Mais en me voyant proposer de traiter du rapport entre "Universalisme et parité", je m'interroge également et d'abord sur le sens et l'opportunité du mot universalisme dans ce contexte. En effet, dans cette proposition, la parité est-elle supposée s'opposer à l'universalisme ou bien le réaliser ?  
Ses adversaires opteront vraisemblablement pour la première, ses défenseur-es pour la seconde.

Je vais avancer une réflexion autour de quelques questions.

L'homme et le citoyen

Tout d'abord, le concept que l'on pourrait dire universaliste est celui d'Homme (d'être humain) qui, en français du moins, est exprimé par le même mot que celui d'homme masculin et a déjà suscité de nombreuses protestations - y compris quant à la dénomination de cette Maison des Sciences de l'homme où nous parlons.
Or, la parité revendiquée ne s'articule pas à la notion d'homme (humain) mais plutôt à celle de citoyen.
C'est une revendication politique touchant au partage de la citoyenneté - la citoyenneté propre à un Etat ou à une Fédération d'Etats - et non une position philosophique touchant au statut ultime de l'être humain et de sa sexuation. (Il est même possible que, pour certaines au moins, la parité ne soit pas un concept politique, mais un concept stratégique. )

Dans cette hypothèse, l'adhésion ou non à la parité semblerait ne pas relever de la position philosophique que l'on peut avoir touchant à la sexuation, ainsi qu'en atteste le fait que cette thématique rallie (ou suscite l'opposition) de femmes issues des divers courants théoriques du féminisme.
Il est probable qu'elles l'investissent pourtant à l'aide d'argumentations qui leur sont propres, et en les formulant de manière différente mais elles la soutiennent cependant les unes les autres.

Si l'adhésion de celles que l'on a nommées "essentialistes" ou les "dualistes" - en ce qu'elles affirment l'hétérogénéité fondamentale des hommes et des femmes en charge d'un même monde - peut sembler - ou a pu sembler - plus surprenante de la part de femmes qui se revendiquent de l'universalisme, c'est-à-dire de l'appartenance de tous les individus - qu'ils/ elles soient hommes ou femmes - à une même humanité. Et, corrélativement à une même citoyenneté.
C'est pourquoi interroger cette dernière articulation est sans doute plus stimulant qu'interroger la première. Car si la première fait du "deux" avec du "deux", la seconde requiert la visibilité du "deux"  sans renoncer au "un" : Elle dit l'"un" dans le "deux" et le deux" dans l'"un".

La parité des unes n'est d'ailleurs pas la parité des autres ; pour les "différentialistes", dans l'hypothèse de la parité, les femmes représenteraient les femmes, comme les hommes représentent en fait les hommes, et c'est l'harmonisation deux régimes de citoyenneté qui est nécessaire, tandis que pour les "humanistes", "rationalistes" ou "universalistes", hommes et femmes représenteraient ensemble l'unique humanité.

Il est vrai, et il faut le souligner, que certains points sont communs à ces courants, à savoir la reconnaissance de ce qu'il y a dans la réalité sociale des rapports entre les sexes, une dimension discriminante tenant à une structure de pouvoir, qui doit être transformée. Certaines cependant estiment que la sexuation est totalement réductible à sa dimension socio-politique et que la différence ne vit que de l'inégalité et disparaîtra avec elle ; d'autres qu'elle la transcende, c'est-à-dire que la différence ne s'épuise pas dans l'inégalité.

Cette alternative, figée par l'histoire du féminisme français, me semble d'ailleurs souvent falsifiante quand elle prétend réduire une tension critique à une opposition dogmatique.

Même si on récuse le déterminisme organiciste du sexe et l'hypertrophie du "féminin" auquel le "différencialisme" a parfois pu donner lieu, réduire la sexuation à une appartenance sociale parmi les autres, sans en mesurer toute la spécificité, y compris dans sa dimension libidinale, risque de conduire à des stratégies transformatrices inappropriées.

Dans le rapport humanité / citoyenneté, la catégorie de la citoyenneté paraît plus restrictive que celle d'humanité. Plus restrictive puisque toujours inscrite dans le cadre d'un État déterminé (Il n'y a pas de citoyen du monde, même pas - encore - de l'Europe) et de son cadre juridique, elle est cependant plus décisive : elle est de plus de conséquences. (On se souviendra par exemple que le régime de Vichy a - un temps du moins -livré "seulement" les juifs étrangers aux nazis et protégé les juifs citoyens français).

La notion de citoyenneté ne peut, en ce sens, être dite "universaliste".
Elle connaît des limites externes - des frontières - confirmées par une armée. Elle connaît également des limites internes, régissant inclusions et exclusions fixées sous des formes différentes selon les moments de l'histoire, qu'il s'agisse des étrangers, des esclaves en Grèce, des non-propriétaires après la Révolution française, des juifs ou des immigrés et, bien sûr, des femmes, même après qu'elles aient accédé au droit de vote. En quelque sorte, le pouvoir précède toujours le citoyen et le consacre, et non l'inverse.

Les droits du citoyen conditionnent les droits de l'homme, ou du moins leurs sphères d'application. Ce sont les citoyens d'un État ou de quelques États rassemblés qui décident du contenu et des limites des droits l'homme, des circonstances dans lesquelles ils sont assez bafoués pour déterminer l'intervention diplomatique, judiciaire, ou militaire, et les risques qu'ils justifient. Les droits de l'homme, en principe universels, sont donc dans leur application étroitement soumis à l'appréciation (et aux intérêts) des citoyens de certains États, représentés dans des instances internationales déterminées, ainsi que nous le voyons aujourd'hui où on assume enfin la mémoire d'Auschwitz tout en laissant exécuter d'autres génocides, au nom du principe de non-intervention.

"Il vaut mieux être citoyen" (et citoyen du bon pays) "qu'homme" (humain), disait H. Arendt quand elle fut, comme juive, déchue de ses droits de citoyenne allemande, mais enfermée dans le camp de Gurs par la France (comme étrangère, et bien "qu'homme") lors de l'invasion allemande. Encore que la qualité de citoyen ou citoyenne de certain-es puisse toujours être dénoncée - ainsi qu'atteste son propre cas et celui d'un certain nombre de français "naturalisés" de date récente qui furent semblablement déchus de leurs droits sous l'Occupation.

L'universel est-il neutre ?

La référence de la parité à "l'universalisme" ici visé signifie donc ceci, me semble t-il : les femmes ont-elles à revendiquer leurs droits (en l'occurrence la qualité de représentantes) en tant qu'individus-citoyens "comme les autres" ou bien en tant que citoyens sexués, en tant que femmes, en tant que relevant d'une des deux "communautés" qui constituent et reproduisent l'humanité ? Et il faudrait ajouter : que signifie, que peut signifier cet : "en tant que femmes" qu'implique nécessairement l'idée de parité ? Cet : "en tant que femmes" peut concerner une "essence" ontologique, mais peut aussi désigner au moins un groupe socio-historique pertinent.

Quoi qu'il en soit, cette alternative est sans doute trompeuse, car il faudrait d'abord se demander si la citoyenneté de l'individu-citoyen est aussi neutre que "l'universalisme" le présuppose, et si accéder à la représentation comme être humain-individu n'est pas et n'a pas toujours été d’accéder à une scène de la représentation officieusement déjà sexuellement marquée. Il m'apparaît en effet que la neutralité citoyenne, qui en conditionnerait l'universalisme potentiel est un leurre et dans sa fondation et dans son fonctionnement effectif.2

La constitution même de l'espace politique, et la coupure qu'elle institue avec le "privé" (catégorie fourre-tout où l'on jette ou puise à loisir) implique l'exclusion des femmes.

Le "contrat social" mythique, aussi bien que le contrat politique effectif, sur lequel repose l'histoire de la démocratie et son fonctionnement est un contrat entre frères, ainsi que l'illustre l'imagerie de l'époque révolutionnaire en France et ainsi que Freud l'a profondément pressenti en éclairant le "meurtre du père" (du roi-père) par les fils, par le désir d'appropriation des femmes.

De ce point de vue, il est vrai que la démocratie exhibe et ratifie institutionnellement le caractère exclusivement masculin de la sphère politique et du pouvoir, non seulement quantitativement mais qualitativement. "L'autonomie" elle-même mise au départ comme condition de l'accès à la citoyenneté (autonomie financière mais aussi existentielle et intellectuelle) est une tentative de substituer l'auto-génération à la génération, en raturant à la fois les mères et les femmes.

La scène citoyenne est la scène des purs esprits - de la seule "faculté de juger" -, les appartenances du "donné" étant renvoyées - du moins en principe - entre les murs de la maison où à l'intérieur de la tête. Ainsi est balayé, avec le privé, le social, et maintenue la fiction d'une communauté exclusivement régie par un contrat entre pairs, disposant d'une parfaite "autonomie de l'esprit".

On peut, dans cette perspective, penser que l'exclusion des femmes n'est pas accidentelle mais structurelle et que la notion d'individu est de modèle masculin. En ce cas, les femmes s'essouffleront en vain à devenir "des individus comme les autres" sauf à changer de sexe. Comme la fable de La Fontaine, "Le renard et la cigogne", le renard peut désormais inviter sans risques la cigogne à partager son brouet : il est immangeable (pour elle).

Le féminisme français majoritaire, d'inspiration républicaine, stigmatise souvent la position dualiste des sexes comme si le dualisme avait seul été le revers du sexisme.
Mais la dualité des sexes n'est pas (ou pas seulement) là où on pense, dans la référence à la nature. Elle est plus sournoisement présente sous "l'universalisme" quand l'"un" parle pour les "deux.

La fondation de la démocratie n'a pas surmonté le problème de la dualisation sexuée : elle l'a dissimulée sous une rhétorique unitaire. La question non résolue - est alors de savoir si la représentation paritaire la ferait réapparaître en pleine lumière et comment elle la ferait réapparaître : n'est-ce pas sous une forme faussement apaisée alors qu'elle demeure en fait conflictuelle dans la société tout entière ?

Il est paradoxal mais intéressant d'argumenter que c'est l'universalisme qui cautionne le mieux la sexualisation du pouvoir, et que la parité tente, dès lors, de le désexualiser en l'étendant aux deux sexes (quel que soit le contenu que l'on donne "philosophiquement" à la différence des sexes) : c'est donc la parité qui serait le véritable universalisme (non plus un universalisme monoversaliste mais un universalisme pluriversaliste).

La parité serait une tentative de faire apparaître ce qui a été dissimulé, celles qui ont été dissimulées sous un concept d'individu fait à l'image et à la ressemblance de l'homme masculin.

Elle manifesterait qu'il y a plusieurs (et au moins deux) manières d'être un individu, d'incarner l'universel, ou disons plus concrètement le monde commun.

Changement quantitatif et changement qualitatif

La question serait alors de savoir non pas si ce retour du dissimulé, des dissimulés, est nécessaire - c'est évident - mais, et c'est là que se situe ma réserve principale à l'égard de la parité, si le processus représentatif est bien le plus efficace à cet effet, si lui-même n'est pas constitué et rodé de telle manière que sa supposée neutralité (son universalité) ne puisse plus être qualitativement bouleversée par une modification quantitative.
Le changement tient-il à la loi du nombre ?
En outre, la représentation peut-elle être paritaire quand la réalité sociale est impaire, non par le nombre mais par le poids des pouvoirs ?
Ne cherchons-nous pas, comme d'habitude, à occuper des espaces désertifiés, ceux de l'image plutôt que de la réalité effective du pouvoir ?
Car où sont aujourd'hui les vrais pouvoirs politiques en France, avec l'inflation du pouvoir présidentiel, l'inféodation relative du judiciaire à l'exécutif - et / ou au présidentiel - et l'affaiblissement du législatif ?
Et où sont les vrais pouvoirs dans le contexte international européen ou mondial ?
Une touche du bon vieux marxisme et de référence à l'économique ne déparerait pas cette analyse.

Si, comme je le pense - et je perçois bien que ma position n'incline pas particulièrement à l'optimisme -le politique a été structurellement défini par et pour les hommes, en termes masculins, et peut-être en vue de "l'appropriation des femmes", il apparaît que malgré leur accès au droit de vote ou à un ensemble d'autres droits qui leur ont été concédés, les femmes n'y seront jamais des "citoyens" comme les autres, ni même des individu-es comme les autres.
Et l’on ne s'étonnera plus alors de ce que leur accès à la position d'électrices, si durement conquis, n'ait pas modifié l'organisation du pouvoir.
On se demandera plutôt si leur accès à la position d'élues, de représentantes, fût-ce en grand nombre, ne produira pas une déception similaire. Car même quand "la volonté de tous" devient la "volonté de tous et toutes", on constate que la "volonté générale" ou encore "l'intérêt général" continue à être défini de la même manière et dans les mêmes termes.

Un courant important du féminisme semble avoir, au cours de l'histoire, privilégié la lutte pour la représentation (à travers le processus électoral censé exprimer la volonté générale) d'abord par la conquête du vote, ensuite aujourd'hui par la conquête de la parité, comme si le système représentatif était le tout de la vie démocratique ou son point nodal 3, alors qu'elle n'en est peut-être au mieux qu'un emblème, au pire qu'un semblant, étant donné l'affaiblissement croissant du pouvoir parlementaire et de la constitution de la classe politique en caste.

Certains aujourd'hui considèrent même le vote comme un rite soudant la communauté, plutôt que comme un véritable mécanisme de pouvoir.

Mais si le droit de vote n'a pas transformé la définition de "l'intérêt général" (c'est-à-dire la gestion du bien commun) lequel est demeuré sexuellement marqué par ses origines - on peut se demander si la parité dans la représentation le transformera davantage.

Certes les paritaristes issues de la pensée "républicaine" - les universalistes - devraient précisément attendre de la représentation paritaire non pas une juxtaposition de la gestion des intérêts des femmes parallèles à l'actuelle gestion des intérêts des hommes, mais une refonte fondamentale de la notion "d'intérêt général", en un sens qui ne soit plus commandé par les seuls intérêts masculins.

Mais on est toujours dans le cercle vicieux qui consiste à se demander si, une fois entrées dans un système fortement structuré sans elles, les femmes pourront, par la seule force ou le seul miracle du nombre et sans objectif commun préalable, le modifier. Et si on répond oui à cette question, c'est que, consciemment ou non, on pense que le fait même d'être femme crée une approche différente du monde, rend en quelque sorte nécessairement plus ou moins féministe, en raison d'une sorte d'appartenance collective dont les fondements ne doivent pas être autrement précisés puisqu'ils sont socialement et historiquement réels.

Us et coutumes

"Comment peut-on être persan ? " La tradition politique française - ou du moins son discours - est farouchement "universaliste" présupposant l'individualité neutre de chacun, étrangère à ses "donnés", à ses incarnations.
La longue histoire de la France consiste à éroder l'impact non seulement (ou non tant) des inégalités que des différences à l'aide d'une institutionnalisation centraliste puissante soutenue par un réseau d' éducation nationale assimilateur. La France est un modèle d'État-nation.

Dans d'autres traditions politiques, telle celle du petit pays dont je viens - la Belgique - la parité était inscrite dans le fonctionnement démocratique, en raison de la présence de deux "communautés" au sein d'un même État qui fut longtemps unitaire avant d'adopter aujourd'hui une forme semi-fédérale. J'y ai toujours entendu parler de "commissions paritaires", comportant un même nombre de Flamands et de Francophones, complétées éventuellement par un Bruxellois et/ou un Germanophone. La parité était référée à la particularité linguistique, laquelle fut ensuite ancrée dans la région géographique. (Le droit du sol s'avère aussi impérialiste que le droit du sang quand il génère la contrainte de la langue dans l'administration, mais plus encore dans l'instruction). Elle était nourrie de composantes culturelles, mais aussi économiques, sociales (et résultait, il faut le souligner au passage, d'une revendication nationaliste issue des anciens "discriminés"). Les administratifs ou politiques parlaient souvent (avec un sourire entendu) de "linguistiquement asexué" pour désigner le Bruxellois, qui n'appartient ni à l'une ni à l'autre des deux "communautés", identifiant ainsi inconsciemment la langue à un sexe, et l'union Flamands-Francophones à un couple (orageux).
J'ai d'ailleurs moi-même, il y a pas mal d'années, défendu l'accès à la citoyenneté effective des femmes en Belgique en usant de cette comparaison linguistique - mais que je ne pouvais étendre à son inscription, territoriale il est vrai, à moins de voir Bruxelles, seule ville "bilingue" (donc bi-sexuée ou hétéro-sexuée plutôt qu'asexuée dans ma comparaison) en proie à une immigration galopante.

Dans ces débats, il n'était évidemment pas question de supposer une quelconque différence ontologique entre les communautés linguistiques, ni même dans leur appartenance à la citoyenneté, mais de marquer pragmatiquement que dans un même État, l'intérêt des uns et des autres n'était pas le même ou pas "que" le même.
Ceci par parenthèse, pour rappeler que le thème de la parité a été utilisé dans d'autres contextes. Car le problème des nations ou des peuples dans un même Etat ne peut être ramené au problème des sexes (même si la bi-citoyenneté que proposent aujourd'hui les "essentialistes" ressemble de quelque manière à un fédéralisme bi-national.)

Parité représentative, disparités sociales

Assimiler ou réduire la réactivation de la démocratie au phénomène représentatif me semble une des grandes faiblesses (voire une des grandes naïvetés) du courant paritaire.
C'est, en se focalisant sur la représentation peu représentative en effet, préférer peut-être le paraître à l'apparaître du réel.
Les autres modalités de la démocratie seraient sa réactivation dans ce qu'on nomme aujourd'hui la société civile (et sur laquelle a porté premier féminisme des années 70) - ce qui est, il est vrai, autrement plus complexe.

La démocratie judiciaire, plus familière des pays anglo-saxons présente au moins l'avantage de faire en sorte que n'importe quel individu ou groupe se porte défenseurs de ses droits bafoués en se référant à la constitution et aux lois.

Cette modalité démocratique, qui n'est pas dans la tradition française, ne semble n'avoir pas avoir été saisie comme un moyen politique habituel par les féministes.4

Selon une version des "paritaristes", les femmes représenteraient même titre que les hommes, l'ensemble du peuple fait d'hommes et de femmes et seraient en charge de "l'intérêt général" sous toutes ses formes. Oui, mais cela signifie-t-il que celui-ci demeurerait inchangé ? Et comment les intérêts des femmes, qui y ont jusqu'ici été marginalisés, l'infléchiraient-ils si les représentantes n'en ont ni la claire compréhension ni la ferme volonté ? Par le seul effet de leur réalité de femmes ?

Car différentialiste ou pas, mais féministe, il est difficile de soutenir une parité qui ne laisserait pas espérer l’avancée de l’ensemble des femmes, et forcément, une restructuration de l’intérêt dit général. La cause de la représentation paritaire peut difficilement enflammer le grand nombre des femmes si elle consiste seulement à  annoncer  que désormais femmes et hommes géreront l’identique, même en soulignant l’intérêt des images identificatoires.
Ce n’est pas le genre de bonne nouvelle qu’on attend pour sortir de la « morosité «  ambiante.

Faut-il alors supposer qu’automatiquement, la parité des représentantes entraînera une prise en charge des intérêts des femmes ? En fonction de quoi ? De leur nature ou de leur destin commun ? Parce qu’il y a en toute femme une féministe qui sommeille ? ne serait-il pas plus sûr de le vérifier avant plutôt qu’après les élections. On est dans un cercle vicieux.

Il me semble, en tout cas, que pour être crédible, la parité doit devenir un principe d’application extensible et ne pas être réservée aux seules politiques, même « pour commencer », car on sait que les commencements ont des suites incertaines.
Qu’en outre, la paritarisation des partis, des listes et des Parlements doit être assortie d’un projet, ou tout au moins, d’une charte minimale (réelle ou supposée) des candidates au politique, visant à soutenir les droits des femmes en général. ( Mais on ne sait que trop que les perspectives des femmes, en tant qu’individues, mais aussi en tant que relevant de familles politiques déterminées, divergent aussi sur «  le bien » supposé des femmes).
Pour ce faire, on ne se passera pas de la pression exercée par l’électorat, c’est-à-dire par l’ensemble de la société civile.
Quoi qu’il en soit, le passage de la parité de la représentation à la parité des droits et des intérêts de l’ensemble des femmes reste obscur et est le point qui doit, me semble t-il, être travaillé. Car commencer par la parité dans la représentation semble présupposer que la démocratie viendra d’en haut.

A l’issue de ce petit parcours réflexif, je reste en question quant à la charge symbolique de la représentation paritaire.

Effets symboliques : montrer, cacher

La parité met l’accent de manière visible et publique sur le fait qu’il y a deux versions ou du moins deux incarnations fondamentales de l’humanité et de la citoyenneté. Elle tendrait même peut-être à substituer à la représentation de la Loi du père comme loi des hommes, la loi parentale à deux figures (car la question de la mère, trop souvent repoussée par un courant féministe sous le prétexte de son interprétation traditionnelle réductrice, est incontournable). Et à attester de ce que ce qu'on nomme aujourd'hui citoyenneté est, pour le moins, partial et partiel. Mais la visibilité paritaire de la représentation risque aussi de dissimuler la disparité effective de la réalité sociale, d'être "un emplâtre sur une jambe de bois". Sa fonction est ambiguë.
Peut-on modifier par coup de force l'élaboration symbolique, en en attendant un effet de retour sur le réel ?
Une manipulation des signes peut-elle commander un changement de sens ?
La question reste ouverte.
Quoi qu'il en soit, le projet paritaire ranime le débat trop vite tranché entre l'idée de l'Un et l'idée du deux. Il oblige à poser de manière nouvelle une question qu'on croyait, en France surtout, résolue, et résolue le plus généralement en faveur de l'Un (de sorte que "différentialiste" y est devenue une forme d'injure).
Il met en tout cas en question le monisme de l' "universalisme" démocratique.
Sans, bien entendu, ratifier le "grand Satan" du multiculturalisme américain.
On navigue de Charybde en Scylla:

Alain Lipietz

Je suis très honoré et presque intimidé par l'invitation de par séminaire, d'autant que ce que j'ai à dire vient d'une expérience de militant, strictement, et que cette expérience est presque exclusivement due à l'effort des féministes dans les groupes auxquels j’ai participé pour imposer la parité. Ce qui représente donc une limite par rapport à l'ambition générale de votre séminaire qui parle plutôt de parité et de démocratie dans la cité.

En effet, l'expérience dans un groupe politique sur une base volontaire n'est pas identique à la revendication d'une loi de parité. La meilleure preuve en est que, chez les écologistes, ceux qui n'étaient pas d'accord avec la parité ont fini par partir. En effet une des raisons importantes des scissions d'Antoine Waechter et de Brice Lalonde est venue du fait qu'ils ne la supportaient pas.

À moins d'émigrer dans l'hypothèse du vote d’une loi sur la parité en France, le départ, contrairement à ce qui peut se passer dans un parti, ne peut être une solution.

Deuxième problème qui est le mien: je suis invité aujourd'hui pour des raisons de calendrier, alors que le thème abordé est plutôt théorique : "Universalisme versus différentialisme".
En outre, ma contribution dans l'article de Nouvelles Questions Féministes portait plutôt sur les moyens de la parité.

Cela dit, à la question que j'avais posée : " Pourquoi veut-on la parité ?", je pense néanmoins que c'est un peu la même chose dans la société et dans les partis et qu'il existe des interactions, car l'un des grands problèmes de la parité dans la cité, c'est l'absence d'offre de femmes par les partis. C’est-à-dire que si les femmes offraient plus de représentation féminine à choisir par les électeurs, je ne suis pas sûr qu'il y aurait un biais anti-féminin aussi fort chez les électeurs et les électrices. Mais en revanche, ce biais est fantastique dans les partis.

À cet égard l'argument - évoqué dans votre réunion du 8 novembre - par René Monory consistant à dire que " si les partis représentaient autant d'hommes que de femmes, il n'y aurait plus de problèmes" - n'est pas complètement faux. 5

Le problème, c'est que "universalisme" et "différentialisme" ont leurs principaux effets non pas dans la question : " Pourquoi vouloir la parité ?" mais dans celle des moyens pour l'obtenir.

Ce qui a le plus gêné les universalistes, hommes et femmes, chez les Verts, comme auparavant à Arc en Ciel, c'est l'idée d'inscrire comme catégories particulières les femmes et les hommes, dans leurs " constitutions". On entend en effet des hurlements chez certaines femmes, y compris Vertes - dès l'instant que l'on commence à proposer des règles contraignantes pour arriver à un résultat de parité - souvent improprement appelé " vote à deux collèges". En effet, il s'agit en réalité de deux votes, un pour désigner les femmes, un pour les hommes, hommes et femmes votant dans les deux votes.  

Cela dit, il ne faut pas être scandalisé-e par l'idée que les hommes votent pour les hommes et les femmes pour les femmes. Si l'on regarde la façon dont on réalise l'échantillonnage  - que Pierre Rosanvallon a appelé "les qualités à représenter" - en France, c'est de façon dominante, ou bien la géographie - et alors on "chipote" pendant des années pour savoir si les circonscriptions sont également représentées - ou bien la proportionnelle - et alors cela signifie que l'on veut que les communistes ou les Verts ou autre aient leur part de députés correspondant à leurs poids dans la société.

Cela ne scandalise personne que Trifouillis Nord soit représenté par un Trifoullis du Nord, ni que les écologistes soient représentés par un écologiste.
Il n'y a donc rien de scandaleux à ce que des femmes soient représentées par des femmes, dès l'instant où elles sont à peu près égales aux hommes dans la société.
Je laisse ce débat-là.

Je vais essayer maintenant de présenter le débat tel que nous l'avons vécu chez les Verts. En effet, on peut vouloir la parité pour deux raisons tout à fait différentes et tout à fait aussi honorables l'une que l'autre : soit, malgré la différence, soit, à cause de la différence des sexes.

La parité, malgré la différence, c'est l'argumentation universaliste : la loi dit que tous les citoyens doivent être représentés indépendamment de leur sexe ; or, la réalité, c'est qu'ils ne sont représentés que par des hommes. Il n'y a donc pas égalité et il faut lutter contre cette discrimination.

Ce qui est visé alors, ce n'est pas tellement la parité en soi, mais c'est plutôt la discrimination qui est combattue. Autrement dit, c'est une revendication qui s'évanouit aussitôt qu'elle est atteinte.

Si on arrivait à une situation dans laquelle il serait totalement indifférent que ce soit des hommes ou des femmes, certaines années, il pourrait y avoir une évolution du pourcentage d'hommes ou de femmes, sans que cela soit signifiant. Cela n'aurait pas plus d'importance que la représentation des gauchers - ce qui est d'ailleurs peut-être regrettable - à l'Assemblée.
Cet argument est défendu par les universalistes "durs".

Mais, même au sein de ce courant, on entend très souvent l'idée selon laquelle "il faut qu'il y ait des femmes, car cette non-représentation des femmes dans les postes de direction est symbolique d'une réalité plus profonde".
Et, selon ce raisonnement, ce seraient bien les femmes que seraient les mieux à même de changer les choses pour arriver à une véritable égalité hommes / femmes.
Mais, là, on est en train de changer d'argumentation. C'est-à-dire que l'on suppose que des femmes, en tant que femmes, même si elles ne sont pas élues seulement par des femmes seront meilleures que des hommes égalitaristes pour défendre un processus allant vers l'égalité réelle.
On commence alors à introduire implicitement une argumentation de type différentialiste, au moins culturaliste.

Mais d'abord, posons la définition. Je considère qu'est "différentialiste" toute position qui dit qu'étant donné que les gens ne sont pas tous pareils dans la société actuelle, il peut être bon, au moins de tenir compte - voire  de valoriser - certaines de ces différences.
On ne présuppose pas - sauf dans un sous-ensemble - que cette différence soit essentielle. L'essentialisme est un sous-ensemble, inclus dans le différentialisme.
Le différentialisme culturaliste signifie que, dans un autre ordre social, ces différences ne perdureraient pas nécessairement. C'est donc la culture d'un instant donné qui provoque ces différences, lesquelles peuvent changer.
Il faut donc un certain différentialisme culturaliste pour employer des arguments du genre : "Avec des femmes à la direction, cela changerait", ou pour expliquer que si les femmes n'ont pas eu le droit à la contraception ou à l'avortement plus tôt, c'est parce qu'il n'y avait pas de femmes au Parlement.
Autre argument de ce type : "Le style de direction hyper professionnalisé où un homme politique met tout son honneur, sa vie, dans le fait de gagner une élection est typique de la politique masculine". Et s'il y avait plus de femmes, il y aurait d'autre moeurs et l’on s'écouterait davantage.

Il faut aussi reconnaître que la position universaliste unifie tout le monde dans la question de la parité, puisqu'il s'agit d'abolir une différence artificielle et d'arriver à l'égalité. Même des arguments du type droits-de-l'hommiste - au sens "homme" de la Ligue des Droits de l'homme - peuvent s'inscrire dans cette approche.
L'argument est alors - et il touche facilement les hommes - : "On ne peut pas interdire aux femmes d'être là,' c'est tout à fait normal,' il faut les aider à oser" etc. ".
Mais le principal inconvénient de cet argument dans les partis politiques est que les femmes ne sont pas physiquement dans les partis comme les hommes.
Chez les Verts, comme dans tous les partis, il y a, à peu près, un tiers de femmes pour deux tiers d'hommes. Donc l'argument universaliste aboutit à dire : "Un tiers de femmes et deux tiers d'hommes à la direction". Il n'y a aucune raison d'établir la parité s'il y a moins de femmes que d'hommes dans les partis.
Cet argument a des contreparties et des inconvénients, à savoir qu'il ne s'attaque pas vraiment au problème.
Alors, ceux qui veulent vraiment la parité, bien qu'il y ait moins de femmes que d'hommes dans les partis, doivent rétorquer : "Oui, mais comme nous sommes un parti qui s'adresse à un corps social où il y a autant d'hommes que de femmes et même un peu moins, l'image de nous-mêmes que nous devons donner à voir à la société doit être conforme à cette nature sexuée de l'humanité".
C'est un argument un peu tiré par les cheveux, mais, vu le rôle de la politique de l'image dans la lutte politique aujourd'hui, ce n'est pas complètement aberrant.
On en arrive même alors à avoir une sur-réprésentation des femmes, puisque au nom d'un type de parité diachronique, pratiquement, on dit : "Dumont, Waechter, Lalonde, ça suffit,.. maintenant mettons des femmes pendant 14 ans. "

Ce qui est très ennuyeux pour ceux, chez les hommes, qui veulent faire carrière
(Rires...)

Je résume, l'universalisme n'est pas tout à fait suffisant et ne vise pas l'ensemble des arguments que l'on cherche dans la parité ; c’est-à-dire : avoir des femmes à la direction pour changer les choses.

Quant au différentialisme, c'est une autre idée, c'est penser : " Avoir des femmes dans les directions de partis ou des communautés changera les choses, parce que des femmes y apporteront quelque chose de différent des hommes. Et que c'est bien que cela soit ainsi".

Que vont-elles y apporter ? Au moins des réflexes, des habitudes anti-patriarcales contre la façon masculine de faire la politique, c'est-à-dire la tendance à professionnaliser la vie politique, à en faire un sport, un combat de coq, la phrase creuse, etc..

Mais il peut y avoir aussi - et là, on glisse vers l'essentialisme - en plus, une culture ou des valeurs féminines utiles à la société, du genre : "Elles vont penser à la vie quotidienne, à la paix, parce qu'elles ont des enfants"...
De façon très concrète, je dois dire que c'est parfaitement exact.  
Est-ce que c'est lié à un essentialisme ou à un culturalisme ?
D'abord, en tant qu'homme, on s'en fiche complètement.

 Je prends un exemple. Dans un Conseil Régional, les hommes arrivent - ce sont souvent des urbanistes, des ingénieurs des Ponts et Chaussées - avec des idées bien arrêtées, souvent fort justes, mais ils ne voient pas certains aspects du problème et leurs femmes leur disent [... Non... les femmes qui sont là...] si elles sont dans une logique paritaire et bien organisées... qu'ils sont complètement à côté de la plaque.
Cela nous est parfaitement égal qu'elles nous parce qu'elles sont essentiellement différentes ou parce qu'elle culturellement différentes.

Là où on descend d'un cran vers le biologique, c'est lorsque se pose la question de la vie quotidienne et des enfants. On peut, peut-être considérer que c'est la nature qui fait que ce sont les femmes seules qui ont des enfants et que c'est la culture et la société qui font que ce sont elles, en plus, les gardent quand ils sont petits.

Le problème est que, chez les Verts, nous avons eu successivement des grands dirigeants - hommes et femmes - ayant des enfants en bas âge, pendant des campagnes électoral avons vu très vite la différence.
Cela n'a jamais embarrassé Antoine Waechter de faire campagne avec un bébé - en fait, justement, il ne faisait pas campagne avec lui - alors que c'est quasiment un problème stratégique, un problème de logistique - de déplacer Dominique Voynet actuellement. 6

D'une certaine manière, la présence des femmes avec l’ensemble de la vie réelle s’impose dans la vie politique et nous pose des problèmes réels dont on aurait été bien content d’être débarrassés. Je le dis tout net.

Or, justement, il n’y a, a priori, aucune raison de considérer que, par ce que ce sont des femmes, on devrait les prendre en compte, alors que cela n’aurait pas té le cas quand ce sont des hommes. Cela dit, il ne faut pas non plus faire de triomphalisme : les hommes qui sont au service de Dominique Voynet, eux, massacrent allègrement leur vie de famille pour servir sa campagne.

Quels sont les inconvénients ? Doreen Massey avait fait un brillant papier où elle disait qu’il y avait trois critiques fondamentales contre le différentialisme :
- La différence n’est que relative ; elle doit toujours être subordonnée à l’égalité ;
- Tout différentialisme glisse presque inéluctablement vers l’essentialisme ;
- Le différentialisme est subjectiviste ; en effet, pourquoi privilégier telle ou telle différence ?

En ce qui concerne le premier argument, je l’ai déjà évoqué.
Dans ce cas particulier, il est tout à fait hors de propos, puisque le but, c’est d’obtenir l’égalité de représentation. Ce n’est donc pas un différentialisme qui s’oppose à l’égalité ; au contraire, c’est un différentialisme qui recherche l’égalité.
Mais il ne s’agit pas de corporatisme ici, au sens de Chambre des métiers.
Il me semble, à cet égard, que vos critiques, dans une précédente réunion, était peut-être un peu excessives.

Les Constitutions de la IV ème et de la V ème république gardent quelques éléments  de la représentation corporatiste, hérités de Vichy, mais aussi de la tradition social-démocrate.
Il s’agit du Conseil Economique et Social, du Commissariat au plan. J’y travaille et je trouve qu’il n’est pas mauvais qu’il existe un endroit pour des discussions directes des représentations corporatistes, sans passer par cet espèce de deuxième degré qu’est la conflictualité entre les partis, qui, eux, représentent des façons de faire des compromis entre classes sociales et /ou groupes d’intérêts.

Des compromis entre compromis, c'est très intéressant, mais pourquoi ne pas discuter, de temps en temps, les compromis directement ? Sur la réduction du temps de travail, ce pas mal que patronat et syndicats discutent directement; il en est de fi sur l'environnement, entre patronat et écologistes. Après, il faut faire des lois avec la représentation nationale: mais cette étape de représentation directe des différences n'est pas inutile. L'important étant qu'au niveau politique, il y ait bien une représentation égalitaire et la parité est u moyens de la réaliser. Certes, elle privilégie effectivement un certain échantillonnage, mais pourquoi pas celui-là?

Le deuxième argument concernant le glissement vers l'essentialisme, j'en ai déjà dit un mot.

En outre, je ne sais pas si cela revient bien à un homme de discuter ce type de problèmes. Encore une fois, on peut être différentialistes sans être essentialistes. Et cela renvoie à tous les débats sur la représentation prolétarienne qui viennent d'être évoqués par Pierre Rosanvallon et qui comprenaient ce type d'argumentation en deux temps : il faut qu'il y ait des ouvriers parce qu'il n'est pas juste qu'il ne soient pas représentés et aussi parce que les ouvriers ont quelque chose à dire d'intéressant. C'est le même type d'argument que l'on retrouve concernant la nécessité de la présence des femmes. Cela dit, il y a une énorme différence entre les femmes et les ouvriers, c'est qu'une femme élue reste femme, parce qu'elle est plongée dans un rapport social qui la baigne dans cette identité, mais qu'un ouvrier élu n'est plus un ouvrier. C'est d'ailleurs un des très gros problèmes du Parti Communiste qui a beaucoup insisté sur la promotion politique d'ouvriers en chair et en os, mais qui a engendré en masse - et c'est peut-être très bien d'ailleurs - des tertiaires d'origine ouvrière. Et non pas des ouvriers aux postes de commande.

Ensuite, l'argument du subjectivisme est fort. Mais c'est un choix politique. Certes, l'idéal serait la représentation de toutes les différences dans une assemblée suffisamment grande. D'abord - comme l'a dit Françoise Collin - la lutte pour la parité n'est qu'un des rouages de la lutte pour la démocratisation. En général, les mouvements politiques et les personnes qui luttent pour la parité sont, par ailleurs, des gens qui luttent pour le droit de vote des immigrés, pour la proportionnelle, le droit de référendum, pour l'extension de la judiciarisation de certains conflits etc.. Il ne faut donc pas tout en attendre. Et on peut combiner la représentation égale hommes / femmes avec d'autres représentations.

Chez les Verts - qui ont une très grande culture fédérale - comme dans les autres partis, on attache une grande importance à la représentation géographique, même plus qu'à la représentation des tendances politiques.
Même les féministes chez les Verts sont prêtes à laisser tomber la représentation par genre s'il y a nécessité d'une représentation des divergences politiques. Je pense, pour ma part, qu'elles ont tort de céder trop facilement là-dessus.
Le problème, c'est que les hommes ont une tendance infinie à engendrer des différenciations politiques artificielles de façon à créer, à volonté, des postes de leaders de tendances. Or, si vous faites de la Proportionnelle par département, comme ce fut le cas dans les élections régionales, vous arrivez très vite à une situation où pratiquement toutes les listes n'auront qu'un représentant. Il suffit que la tête de liste soit un homme et ensuite, vous pouvez faire toutes les "fermetures éclairs" que vous voulez - un homme, une femme, etc. - , si la loi des grands nombres ne joue pas sur les têtes de listes, vous pouvez avoir, avec des listes totalement paritaires, si l'échantillonnage élu est assez petit, une représentation écrasante d'hommes. C'est à peu près ce qui est arrivé aux Verts aux élections régionales.
Il me semble donc qu'il est essentiel, si l'on considère que la représentation paritaire est un objectif important pour transformer la société et la vie politique, d'en faire un mécanisme central, c'est-à-dire d'avoir des lois de parité, quitte à renvoyer la représentation géographique, par exemple, au Sénat.

Françoise Collin

Je suis un peu mal à l'aise devant la persistance du thème de différentialisme, quel que soit le contenu qu'on lui donne.
Je me pose la question !suivante et je reconnais que c'est un peu un réflexe de défense : parlerait-on de différentialisme entre les Noirs et les Blancs d’Afrique du Sud ou à l'époque où l'on définissait la classe ouvrière ? Nous ne sommes pas ici dans un jeu de couleurs, nous sommes ici à réfléchir sur des critères de regroupements en fonction de discriminations - en tout cas, c'est ce que le féminisme postule - et de statuts différents d'un groupe par rapport à un autre.

Pierre Rosanvallon

De toute façon, c'est un langage très récent.

Françoise Collin

Pour nous, féministes, il est déjà vieux; il est déjà très connoté.

Pierre Rosanvallon

Il est vieux des années soixante-dix...

Marie-Victoire Louis

Oui, mais comme on n'a qu'une vie....

Françoise Collin

Ce terme, en outre, ne fait pas raisonner la question de la différence de statut; il fait raisonner plutôt une question de couleurs...

Danièle Haase-Dubosc

Je crois qu'il est intéressant de poser la question de l'universel dans le champ politique et non pas dans le champ philosophique. C’est comme cela que l'on peut avancer. Car il faut dire que nous sommes dans un débat franco-français pour la parité. Même en Europe, les termes du débat ne sont pas les mêmes, tandis que les féministes indiennes ont tout à fait une autre façon de réfléchir aux questions de la représentation des femmes dans les assemblées élues. Tous ces débats devraient arriver à un universalisme - si on fait attention aux mots - ou à un internationalisme…

Néanmoins, on voit très bien comment deux tendances du féminisme oscillent entre les universalistes, ou si l'on veut simplifier : les égalitaires, c'est-à-dire un peu le projet de Simone De Beauvoir - et les autres, plus intéressées à ce qui aurait pu être une spécificité. Je préfère ce terme à celui de différentialiste, qu'elle soit culturelle ou pas.
Mais a-t-on besoin de trancher ?

Est-ce que cette notion de parité n’est pas justement intéressante parce qu'elle fait la place des deux, c’est-à-dire qu'elle est infiniment interprétable, à la fois dans le sens du vieil universalisme - au sein duquel les femmes font de l'entrisme - mais aussi d’une spécificité qui ferait qu'elles changeraient les données de l'universel, s’il devient sexué. Au lieu d'être neutre, c'est-à-dire masculin.

Christine Delphy

Je voulais dire combien j'ai apprécié les présentations et au aussi comment j'ai encore mieux compris la position d'Alain Lipietz, bien que j’ai eu le privilège de lire son texte plusieurs fois avant de le publier dans Nouvelles Questions Féministes.

Il me semble, plus encore, à l'évidence aujourd'hui, important, malgré tout - de la même façon que Françoise Collin vient de le dire et un peu contrairement à ce que vient de dire  Danielle Haase-Dubosc - de mieux délimiter ce que signifie le différentialisme.

Ce terme a une origine, il y a des courants philosophiques qui s'y réfèrent... Et, en ce qui me concerne, je pense que, non seulement il n'est pas utile de faire la place à deux positions contraires, mais je pense que c'est même dangereux. Je pense qu'il faut se placer très clairement d'un côté ou de l'autre - et non pas pour des raisons politiques ou pour un affrontement gratuit - mais parce qu'il y a des choses qui ne sont pas solubles les unes dans les autres. Lorsque l'on est dans une contradiction trop importante, celle-ci finit par vous rattraper. La différence entre un différentialisme essentiel et ontologique ou culturel ne me paraît pas secondaire ou indifférent. L'éclectisme est un danger dans certaines situations.
D'autre part, je ne crois pas qu'il faille employer le même mot: celui de différentialisme pour parler d'un essentialisme et d'un différentialisme "culturel". En outre, je ne pense pas que "culturel" soit le mot approprié. Il s'agit tout simplement d'une position de classe. C'est un terme qui n'est plus à la mode et, pourtant, c'est bien de cela qu'il s'agit. Dire que des individu-es expriment des positions de classe et les mettre dans le même sac que ceux qui disent que leur position s'exprime de par leur "nature" ontologique n'est pas possible. Et n'introduire dans ces deux différentialismes, comme différences, que les mots "essentialistes "ou "culturels", en tant qu'adjectifs, n'est pas une querelle de mots. Je suis très ennuyée, à cet égard, de voir les conflits sociaux de plus en plus culturalisés. On parle de la sous-culture des jeunes des banlieux comme s'il s'agissait d'une tribu. Mais non, ce sont des résultats d'affrontements de classes. C'est le résultat d'une différenciation interne, qui vient des conflits propres à cette société-ci et qui s'est développée en son sein. On croit faire un cadeau à des groupes défavorisés - ou comme on dit maintenant "sous privilégiés" - ce que je trouve un euphémisme admirable...
(Rires...)

Ce terme vient de la sociologie américaine: "under privileged" ... en leur reconnaissant une existence propre. On les essentialise alors et on dépolitise, on déconflictualise leurs positions.

Françoise Duroux

Moi, ce qui me pose problème dans le mot d'ordre de parité, c'est que justement cela suppose que les femmes seraient une classe de sexe. Et, comme le posait très bien Françoise Collin, la question est celle de savoir si les femmes, une fois qu'elles auront obtenu des responsabilités politiques, tiendront le discours de l'universel ou représenteront les intérêts des femmes ? Quels sont-ils ? Et là, je vais faire encore pire que Christine Delphy dans le rétro. Car, premièrement, les femmes ne sont pas une classe, parce que pour qu'il y ait une classe, il faut qu' il y ait conscience de classe......

Françoise Duriez

Pas forcément.....

Françoise Duroux

Il y a des femmes qui n'ont pas conscience de leurs intérêts. Une classe en soi n'existe pas. Pour qu'une classe existe, il faut qu'elle prenne la parole en tant que telle, sinon, elle existe de façon objective, mais elle n'existe pas politiquement. Les femmes sont une classe paradoxale : comme elles existent comme femmes, on peut les définir, mais elles sont disséminées dans les différentes classes sociales. Il peut donc exister des femmes, qui représentent des femmes, mais qui ne représentent pas les intérêts des femmes.

Par ailleurs, je ne comprends pas ce qu'Alain Lipietz voulait dire en affirmant qu'une femme reste une femme quand elle est à l’Assemblée Nationale. Pourquoi, parce qu'elle a un vagin, des enfants  - mais les hommes aussi ont des enfants...?
C'est tout le problème de la différence entre une femme et une féministe qui est ici posé.

Josette Trat

Comme j'avais eu le privilège de parler assez longuement première séance, je ne veux pas remonopoliser la parole, mais je voudrais quand même, poser quelques questions.

Alain Lipietz a dit que le débat est le même pour les partis et pour la société; je ne suis pas du tout convaincue. Il faut, me semble-t-il, distinguer ce qui relève d'un choix volontaire politique des organisations et ce qui doit relever d'une loi  - et, qui plus est, de la Constitution.
J'avais trouvé très intéressant un article publié dans Parité- Infos, d’Eliane Vogel- Polski sur la démocratie paritaire7. Ici, tout le monde semble radicalement opposé à une logique essentialiste et, de fait, son article se situe dans une logique essentialiste.  J’ai cru comprendre qu’elle donnait la dimension théorique à la bataille telle qu’elle peut se mener au niveau européen. En effet, elle mettait en cause à la fois l’universalisme abstrait, tel qu’il peut fonctionner dans la représentation politique aujourd’hui en France et les politiques de discriminations positives, y compris celles menées par les pays Scandinaves.

Pour ma part, je pense qu’inscrire dans la constitution la représentation paritaire comme principe fondamental de représentation est très, très dangereux.Quelle argumentation donne t-on lorsqu’on dit que l'on veut inscrire dans la Constitution, le principe de la représentation des deux sexes – en disant qu’il est incommensurable à tous les autres ? Il me semble qu’on en revient à l’idée selon laquelle ce qui différencie fondamentalement le groupe des femmes par rapport à tout groupe dominé, c’est non seulement le fait qu’il représente 50 % de la population – mais ce n’est pas cela qui est apparemment en cause dans la bataille pour la parité – c’est le fait qu’il y ait discrimination, inégalité.
Si on privilégie cette approche, on doit se poser le problème de la représentation de tous les groupes opprimés.
Sinon, je ne vois pas d’autre argumentation pour justifier la parité entre hommes et femmes que la biologie.

Françoise Collin

Je voudrais poser la question : «  Est-ce que véritablement l’exigence de la parité, c’est-à-dire la transformation de la démocratie – puisque c’est bien de cela qu’il  s’agit – se limite exclusivement au sytème de représentation ? »
A un moment où tout le monde dit que le Parlement a de moins en moins de pouvoir et au moment où la classe politique est de plus en plus déconsidérée. Cette question m’affole un peu ; là, j’ai vraiment un problème.

Monique Minaca

Tout à l’heure, on nous a décrit l’archaïsme de la situation politique française à travers un parti qui est sans doute moins archaïque que d’autres. On nous a montré la difficulté de faire émerger un sens nouveau dans les partis aujourd’hui sur le thème de la parité. Or, à mon sens, cette revendication ne représente pas grand’chose par rapport à la critique de la démocratie. Cela signifie d’emblée le fait que les partis politique ne représentent plus une société en évolution. Peut-être cet archaïsme a à voir avec le fait que ce sont les Français qui ont inventé ce thème de l’universalisme, qui devient alors un écueil majeur. Et l'on découvre que, de façon très pragmatique, moins intellectuelles, d’autres payses ont avancé en démocratie, ont obtenu des résultats qui ont pris des formes différentes, mais où les formes de représentation sont mieux vécues. C'est la raison pour laquelle je ne veux pas rentrer dans ce débat sur l'universel, car je pense que c'est un faux débat et, qu'à la limite, je considère que le fait que les femmes soient si peu représentées prouve simplement qu'il y a quelque chose qui ne va pas dans le fait démocratique. Sans rentrer dans un débat historiciste, je crois que l'on peut affirmer simplement que la classe politique française est malade.

Françoise Gaspard

Je voulais répondre à certaines interpellations de Françoise Collin ainsi qu'à une question qu'elle a reposée. J'ai été étonnée effectivement et j'en suis personnellement un peu responsable - que la question de la parité se limite à la question de la représentation. Je crois que c'est normal que le problème ait surgi de cette manière parce qu'on a vu - pour de raisons un peu difficiles à comprendre puisqu'il y a effectivement une dévalorisation du Politique et du rôle des Assemblées - monter une émotion (et j'emploie à dessein le mot) par rapport à la persistance de la sous-représentation des femmes, notamment dans le Parlement.
Les élections de 1993, à cet égard, ont été un moment de prise de conscience assez large de ce quelque chose qui ne fonctionnait pas dans la démocratie. D’ailleurs, le travail qui se fait, tant au Conseil de l'Europe que sous l'égide Commission Européenne, ne parle pas seulement en termes de représentation politique, mais de "prises de décision", ce qui est déjà un peu large, mais qui ne me satisfait pas encore totalement.
La question de la dissymétrie de nombre entre les hommes et les femmes dans les prises de décision est quelque chose qui mérite réflexion. J'avais été intéressée de voir pour la préparation de la conférence du Caire un texte qui avait été fait par une O.N.G et dont la première phrase était : "Il faut que, dans tout ce qui concerne les décisions en matière de développement et de population, il y ait autant de femmes que d'hommes". Et ensuite, elles disaient dans le texte : « il faudrait que toutes ces femmes soient des féministes »...
(Rires...)
J'en viens ensuite sur la frilosité de celles et ceux qui ont fait avancer l'idée de parité par rapport, par exemple, à une notion plus large qui serait celle de société paritaire. Concernant la situation actuelle de la correction d'une inégalité, de l'introduction d'un nouveau concept ou d'un enrichissement du concept d'universel, je ne peux pas dire, en toute honnêteté, que je suis sûre que cela sera mieux, ou différent quand il y aura autant de femmes que d'hommes.
Je pense même qu'il y aurait un risque à le dire.

Françoise Collin

Je n'ai pas dit: mieux "en général", mais mieux "pour les femmes".

Françoise Gaspard

Personnellement, je l'espère et je le pense.
Autrement, je ne me battrais pas pour la parité. Une des questions que nous nous sommes posées dès le départ était de savoir si c'était une question féministe, ou plus largement, une question de démocrates. Et je n'ai pas encore complètement de réponse à cette question.
En ce qui concerne l'article d'Eliane Vogel, je ne pense pas que son article soit suspect de différentialisme. Et, pour la connaître, je sais que ce n'est pas sa position. Elle essaie d'expliquer que précisément le droit a pris en compte toutes les questions au regard des inégalités, sauf la question des femmes. Sur le plan philosophique, qui n'est pas mon domaine, je renvoie à l'article de Blandine Kriege8 - qui m'a beaucoup impressionné - et qui est paru dans le dernier numéro de Parité lnfos, qui se fonde notamment sur Locke pour justifier la parité.

Marie- Victoire Louis

Je souhaitais dire que lorsque Françoise Gaspard a employé le mot "société paritaire", m'est venu très fortement le sentiment, qu'au nom d'arguments du type: "on-ne-peut-pas-présager-de", au nom aussi d'une certaine respectabilité juridicisante, on s'est interdit de rêver. Et ce constat me paraît profondément lié au fait qu'en général, la question : "la parité-pourquoi-faire ?" n'est pas posée - ou plus exactement n'a pas de réponse, quand elle est posée - dans les associations qui militent pour la parité.
Un peu comme si cette question risquait, en reprenant les termes de l'alternative évoquée par Françoise Gaspard, de trancher en faveur de la dimension "féministe" de la parité et - implicitement - d'en affaiblir la portée politique "démocratique".
Et on se retrouve ainsi, à nouveau, théoriquement, coincées dans une hiérarchie que les féministes ont eu tant de mal à combattre.
En ce qui me concerne, je ne me retrouve pas dans cette alternative, dès lors que je ne parle pas en termes de "question-des-femmes " ou de « questions féministes", puisque, pour moi, la question des fa sexes est au coeur, au fondement même du politique, et non pas simplement, au coeur du système de la représentation.
Comment articuler, faire politiquement "travailler" la revendication de parité et celles concernant les problèmes des rapports de domination entre les sexes me paraît une priorité politique incontournable. Ces questions me paraissent devoir être abordées à l'occasion des débats sur la parité comme un accompagnement nécessaire et fondamental de cette revendication.
Faute de quoi l'abstraction de la revendication risque de donner des arguments à ceux et celles qui avancent, pour récuser le principe de demande de parité, qu'elle sera d'abord un marchepied pour celle qui sont au plus près de la sphère politique. 9
Faute de quoi, la base sociale prête à se mobiliser concrètement pour la parité risque de ne pas s'élargir.
Faute de quoi la revendication de parité risque fort d'être utilisée comme un substitut aux luttes des femmes et de contribuer à occulter la dénonciation des rapports de domination des hommes sur les femmes. Ce risque - dont je vois déjà les effets - doit être analysé à la mesure du danger potentiel qu'il représente.

Anne Le Gall

Le débat sur la parité me rappelle cette phrase de la philosophie grecque: "Achille, immobile, à grands pas "....
(Rires....)
C'est vrai qu'à partir d'un projet politique clair sur la composition paritaire des assemblées élues, nous nous sommes trouvées au coeur d’un débat philosophique qui me fait penser à tous les grands débats dont nous n'avons plus que le souvenir dans l'histoire, concernant par exemple : « les Universaux", "les Anciens et les Modernes" etc...
Ce débat philosophique est, malgré tout, un frein à une cohésion pour l’action.

Par ailleurs, je voulais dire que d'entendre évoquer l'argument biologique me laisse stupéfaite. La biologie n'existe pas: c'est une construction culturelle, une symbolisation qui nous permet de nous représenter quelque chose et d'agir, le cas échéant. Donc, la biologie, en soi, ne peut être un argument politique. Il faut analyser, en revanche, les arguments politiques qui utilisent les arguments biologiques.

 Par ailleurs, je dirais que je suis étonnée que l'archaïsme de nos conceptions qui nous amènent à ne pas remettre en cause le système de la représentation géographique.
Pourquoi, par exemple, ne ferait-on pas représenter le Sud par le Nord, au nom de l'argument qu'il serait plus dynamique ou qu'il penserait mieux ? Pourquoi ne penserait-on pas un système où ne seraient élu-es que ceux et celles qui ont eu le plus de voix - indépendamment des circonscriptions - voire même de la proportionnelle ?
C'est toujours au sujet des évidences qu'on a les plus gros préjugés.
Au niveau de la parité, nous voyons l'élaboration de ce qu'est un préjugé.
Il fait dire clairement que nous ne pourrons jamais trancher de l'essentialisme, du différentialisme, de l'ontologie. Bien qu'à chaque fois, nous nous interrogeons en fonction de ce que nous souhaitons comme autre référence analytique, quelque part, nous devons reconnaître que ces questions sont dans l'inconnaissable. Ce qui est, évidemment, très difficile à expliquer. De toutes façons, toute la philosophie est un pari, un enjeu. C'est le projet politique qui est ici important. Et le débat philosophique ne va pas nous permettre vraisemblablement de le soutenir suffisamment. Le paradoxe, c'est que lorsque le projet politique sera acquis, sans doute sans le soutien - et je le regrette profondément - des féministes les plus subtiles et les plus engagées, à ce moment-là, les théories philosophiques nous permettront d'asseoir ce préjugé qui deviendra inscrit dans notre Constitution.

Alain Lipietz

Deux ou trois choses sur les critiques ou remarques qui ont été faites. Je suis tout à fait d'accord pour dire que ce n'est pas la même chose - et je l'avais dit au début de mon intervention - de se battre pour la parité dans son propre parti et dans la société. Cela dit, c'est intéressant, en soi, de se battre dans son propre parti. En outre, si on n'a pas une loi pour la parité, on peut quand même essayer de se battre pour que des partis présentent une offre paritaire. Ce qui pourrait, partiellement, contourner l'absence de loi. Cela dit, je suis plutôt pour inscrire la parité dans la loi. Elle est en effet un moyen de pression sur tout le monde, y compris sur les partis.

Est-ce que cela ne touche que la représentation ? En ce qui concerne les Verts, ce n'est pas vrai. On met tout "à la sauce" paritaire. Notre juridi notre exécutif, notre Cour des comptes... Je pense d'ailleurs qu'il est beaucoup plus important de mettre les exécutifs "à la sauce paritaire" que les représentatifs, compte tenu de la représentation des représentatifs. Cela dit : je ne pense pas que l'abaissement du législatif soit une bonne chose pour la démocratie.

Quant à l'idée selon laquelle la classe politique est malade, j'en profondément d'accord. Et l'une de ses tares, c'est précisément la non-parité. La façon dont ces hommes s'accrochent, comme des fous, à leurs pouvoirs, y compris chez les Verts, et cumulent leurs nombreuses fonctions a un aspect maladif qu'on ne retrouve pas chez la plupart des femmes.
L'intérêt de la parité n'est pas de promouvoir le 1/ 5 ème des femmes qui sont peut-être aptes à s'adapter à l'idéologie masculine, ni d'inoculer un pourcentage de femmes les plus acceptables par les hommes, mais voir un effet de masse, un nombre significatif, à peu près égal d'hommes et de femmes, représentant des idéologies, des visions, des habitudes suffisamment différentes de celles des hommes.
Dernier point, le plus difficile, sur le culturalisme. Cela me gêne peu d'en parler de l'extérieur, car je sais que ce débat existe au sein du féminisme. Je souhaitais faire des remarques du point de vue des analogies qui ont été faites avec d'autres rapports sociaux et d'un point de vue masculin.
Premièrement, il arrive assez fréquemment, dans l'histoire des modes de production, que les rapports sociaux synchroniques s'enracinent dans des différences plus anciennes. Je me souviens lors de la publication  de l'article de Colette Guillaumin intitulé "Nature-elle-ment" paru en 1978 dans Questions Féministes10, Alain Bihr, dans la revue Partis Pris, a ironisé avec une extrême violence sous l'intitulé : "Classe de femmes quelle ânerie, pourquoi pas une classe de nègres? " Ce qui était génial, parce que précisément les nègres forment une classe, eux aussi, dans la plupart de nos sociétés.
Et Francine Comte avait répondu de manière assez cinglante sur l'utilité du concept de classe, dans ce cas-là.

Je crois qu'effectivement, les femmes, comme les nègres à l'époque de l'esclavage, représentent un cas flagrant de l'utilisation d'une différence biologique antérieure et préexistante pour justifier un rapport social qui, lui, peut, théoriquement, être aboli.
Cela dit, on a à vivre, non seulement avec le rapport social, mais avec la différence préexistante. Et c'est cela une des complications. Si on n'a pas une théorie et des propositions capables de gérer les deux en même temps, cela devient très difficile.

Je prends l'exemple, le plus simple, où le social s'approche le plus du biologique, c'est-à-dire la question des petits enfants, de la grossesse, l'allaitement, et la période d'élevage des petits enfants. On voit très bien la difficulté de ces problèmes, maintenant que nous avons des directions paritaires - à peu près - et que nous sommes donc en permanence désorganisé-es par le fait d'avoir à gérer au niveau de notre direction ces problèmes. Nous ne pouvons pas encore modifier la grossesse, malgré toutes les volontés de réformes que nous pouvons avoir ; l'allaitement pas encore non plus, mais on peut passer par le biberon; mais le plus spectaculairement social, c'est le fait d'avoir à s'occuper des petits enfants.
Comme plusieurs de nos dirigeantes principales se sont retrouvées enceintes, au cours de deux années électorales successives, on voit très bien les débats très intéressants sur ce qui est social et biologique dans la différence. Ou bien, il n'y a rien à faire parce que c'est biologique, ou, il y aurait trop à faire parce que c'est social.Dans le cas où ce sont des femmes concernées, on en tient compte, et dans le cas où ce sont des hommes, on n'en tient pas compte. On aurait très bien pu dire en effet qu'Antoine Waechter doit, même en campagne électorale, pouponner et qu'il n’y avait aucune raison que seule sa femme s'en occupe. Ce qu'apporte la parité, c'est que - que ce soit culturel ou biologique - on est obligé d'adapter le fonctionnement de notre micro-société au fait qu'il est anormal que les hommes aient délégué ce genre de questions aux femmes. Soit on dit: "vous devez actuellement tous vous occuper des enfants", soit on dit: « il faut savoir que les années où l’on a des enfants, un dirigeant n'est pas candidat, voire n'est pas dirigeant", qu'il soit homme ou qu'elle soit femme, etc.. Cette question a été posée par le biais de la parité.
Maintenant, concernant la question des mots, qui a une certaine importance, je souhaiterais clarifier deux choses.Employer le mot différentialisme dans le cas des femmes et non pas des ouvriers, n'implique absolument pas que l'on réduise cette différence à du biologique. Et si l'on  réprouve le mot culture, je me pose des questions. Cela voudrait dire qu’il n'y a pas de positivité dans l'autonomie du révolté.
Tout ce qu'il aurait à dire, c'est : "je me révolte". Aucun mouvement social ne peut fonctionner comme cela.
C'est tout le débat autour de la question: " Est-ce que de parler de la reproduction, on ne privilégie pas le point de vue du dominant ?" Oui, je crois que dans les sciences humaines, on fonctionne ainsi, mais, dans le militantisme, on ne peut pas se le permettre. On est bien obligé, à un certain moment, de valoriser la positivité de ce que le dominé a à dire dans sa révolte. Certes, on mélange des choses pas très cIaires.
Je prends l'exemple de la culture prolétarienne. On y exaltait la solidarité, mais aussi, l'amour du travail bien fait etc., qui sont des idéologies antérieures au salariat.

Christine Delphy

J'ai simplement dit que le mot culture était ambigu en lui-même et qu'il était gênant de réduire ces groupes dominés à des cultures ; on finit souvent par évacuer l'aspect de domination.

Alain Lipietz

Je suis économiste et ne veux pas entrer dans ces débats. Pour moi, culture s'oppose à nature. Je pense par ailleurs, qu'on ne peut pas se passer d'une certaine analyse matérialiste de l'effet du biologique sur l'idéologique.
Ainsi, tant que je n'ai pas eu d'enfant, je pense que je n'ai pas eu la même attitude vis-à-vis de la violence politique que lorsque j'en ai eu. Je pense que si je les avais portés moi-même, cette évolution aurait sans doute été plus forte.

Mariette Sineau

C'est une hypothèse. Les femmes sont partagées sur le deuxième point.

Monique Minaca

Je crois qu'il faut rappeler que le fait démocratique est une construction et que les partis politiques devraient nous proposer quelque chose en ce sens, ce qui n'est pas le cas.
La société civile est plus en avance que l'ensemble des partis politiques. Et c'est peut-être cela qui fait problème. Il apparaît aussi que les femmes, depuis plus d'une vingtaine d'années constitué une aile marchante, ont apporté des facteurs d'évolution et que les hommes traînent encore la patte sur des points qui nous apparaissent essentiels.

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Notes de bas de page
1 J'ai d'abord réagi par une note dans Les Cahiers du Grif, n° 47 : "La parité :  une autre démocratie pour la France ? ". Juin 1993. J'ai ensuite, entre autres, rédigé un article quelque peu polémique dans le numéro spécial de La Revue nouvelle, Décembre 1994.  
2 J'avais développé ceci une première fois dans un exposé donné à l'invitation du groupe Simone et du GREP et publié depuis par Les Cahiers du Grep, "Le renard et la cigogne", en 1992.
3 Je traite ce point dans "L'urne est-elle funéraire?", in Démocratie et représentation. Sous la responsabilité de Michèle Riot-Sarcey, Paris, Éd. Kimé, 1995.
4 Il y a bien entendu des exceptions. On n'oublie pas  le premier procès intenté pour viol à Aix en Provence - non sans hésitations préalables. Ceux, plus tard, des victimes de l'inceste. On pense aussi aux actions de l'A.V.F.T.
5 Note de l'éditrice : Edith Cresson, lors du sommet d'Athènes " Femmes au pouvoir" a considéré : "Le problème ne vient pas des électeurs, mais des Etats-majors des partis qui font obstacle".
6 Lors de la campagne électorale.
7  - Vogel-Polski Éliane. - "Les impasses de l'égalité ou pourquoi les outils juridiques visant à l'égalité des femmes et des hommes doivent être repensés en termes de parité". Parité-lnfos. n° 1 Hors série. Mai 1994.
8 Kriegel  Blandine. - "Les femmes et la citoyenneté". Parité-Infos. n° 8. Décembre 1994.
9 Note de l’Éditrice : La très faible prise en considération par les militantes de la parité de la préparation des conditions matérielles, intellectuelles, politiques des femmes qui devront s'intégrer à ce monde politique masculin qui fonctionne sur des acquis ancestraux n'est pas de bonne augure.
10 Repris dans: Guillaumin Colette. - Sexe, Race et Pratique du pouvoir. L'idée de nature. - Paris: Éd. Côté femmes. Recherches, 1992.

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