Marie-Victoire Louis

Chapitre VII. La séduction dolosive par abus d'autorité : Les débats juridiques

Le droit de cuissage, France 1860-1930
Éditions de l'Atelier
Février 1994
p. 178 à 204

date de rédaction : 01/10/1983
mise en ligne : 23/10/2006 (texte déjà présent sur la version précédente du site)
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En règle générale, toute fille
qui cède est irrecevable à se faire
un titre de son déshonneur. 1

Soyons plus justes envers les femmes
et ne nous prévalons pas toujours
contre elles de la crainte de vices
dont la première cause ne peut
si souvent être imputée qu'à nous. 2

La « séduction dolosive par abus d'autorité » est le terme juridique qui recouvre la réalité sociale du droit de cuissage. Les juristes s'accordent à reconnaître1a banalité de ces violences, dont le nombre croit en fonction des progrès de l'industrialisation, mais ni le code civil, ni le code pénal n'ont prévu de possibilités de recours pour les "femmes séduites".

Progressivement, cependant, devant l'impunité masculine et la gravité de leurs conséquences, les juristes repensent la doctrine, tandis que la jurisprudence évolue vers une plus large prise en compte de ces abus sexuels.
Le Parlement refuse pourtant de voter la proposition de loi, à ce sujet, déposée en novembre 1902.

La Révolution a supprimé des codes les peines qui frappent la séduction.
En 1781, Fournel, avocat au Parlement, dans un ouvrage de référence intitulé : De la séduction considérée dans l'ordre judiciaire, la définit comme « le triomphe remporté sur la sagesse d'une femme par des manœuvres criminelles et des moyens odieux. » 3

Plus d'un siècle après la Révolution et la publication du code Napoléon, un juriste, dans une thèse soutenue en 1908 sur La responsabilité civile du séducteur nous donne une idée éclairante sur l'évolution - régressive - du droit et des mentalités en 130 ans : "Le code a entendu rompre avec les traditions et a établi une large tolérance (de ces faits), laissant à la morale le soin de les apprécier, selon les règles de la conscience humaine. »4  

Napoléon a, contre l'avis de Cambacérès, formellement interdit la recherche de paternité au nom de l'argument selon lequel : « La société n'a pas intérêt ce que les bâtards soient reconnus ». Aucun homme ne risque donc de se voire attribuer un enfant dont il peut ne pas se croire le père ou dont il ne veut pas être le père. Chaque homme peut refuser d'assumer une paternité hors mariage. Les hommes sont donc tous civilement pénalement déresponsabilisés des conséquences de leurs relations sexuelles, y compris violentes, avec les femmes, y compris eu égard aux enfants qui pouvaient en naître.
Toute dérogation à l'article 340 du code civil « La recherche de paternité est interdite » est repoussée, même en cas de promesse de mariage, même en cas de contrainte démontrée, voire reconnue, exercée par un homme sur une femme. 5

C'est sur le principe de cette interdiction que la législation concernant la séduction, plus tard qualifiée de "dolosive" est supprimée. Accorder des dommages-interêts à la fille séduite serait, en effet, selon les rédacteurs du code, admettre une recherche de paternité déguisée. C'est ainsi que l'on peut comprendre le jugement critique de Julie Daubié : « Ils prétendent que le droit français ne doit relever que du caprice individuel. » 6«On a ainsi rendu les lois obéissantes aux passions, au lieu de rendre les passions obéissantes aux lois » conclue t-elle justement. 7

En assurant l'impunité masculine, la loi, de fait, légitime et donc facilite les abus de pouvoirs, les violences sexuelles. La loi interdit en effet à tous les enfants, lors mariage, le droit de rechercher leur père ; aucun enfant naturel ne peut se prévaloir ainsi de l'héritage d'une famille légitime, et l’on fait porter aux seules femmes la responsabilité d'avoir été séduites. « On a craint d'être injuste envers les hommes, on n'a pas craint d'être barbare jusqu'à la démence les femmes ; par peur de compromettre à tort un seul homme, on a libéralement, généreusement, bravement sacrifié toutes les femmes. En mettant les hommes à l'abri de toute recherche, le code l'incite, le provoque à séduire» écrit Léon Richer, en 1883, dans sa remarquable étude critique féministe du droit français, Le code des femmes, publié en 1883. 8

Deux arguments sont censés fonder la position des rédacteurs du code civil pour justifier leur position :

- Le risque d'une déclaration mensongère émanant d'une femme : « Le législateur ne devait pas souffrir qu'une mère éhontée pût faire tomber à son gré une odieuse paternité sur la tête la plus innocente. Il fallait mettre l'homme honnête et d'une conduite pure à l'abri des attaques d'une femme impudente et d'enfants qui lui sont étrangers. Il fallait tarir la source d'actions scandaleuses, et dont le résultat est toujours arbitraire. » 9

- La difficulté de la preuve : « La loi n'a pas les moyens de vérifier ces faits et essayant des preuves, elle produirait plus de mal par le scandale de ses poursuites que la menace de la peine ne produirait d'avantages. » 10

De fait, ce qui est en cause, c'est le risque de troubler l'ordre masculin, l'ordre des familles, l'ordre des successions : alors, hors du mariage, « la paternité est couverte d'un voile impénétrable ». 11

L'acte sexuel masculin est encore largement reconnu, selon les termes d'un membre du Corps législatif, en 1863, comme « trop près de la nature pour l'incriminer et le punir ».12 Mais de fait, faute de responsabilisation des hommes, ce seront les femmes qui seront considérées par les juristes et les magistrats comme seules responsables.
Les femmes séduites préalablement partiellement protégées par le droit féodal, sont exclues de la protection de la législation française post-révolutionnaire.

Comment les rédacteurs du code civil ont-ils pu justifier une injustice aussi manifeste ? Ils « ont pensé qu'après seize ans, la séduction que la nature n'avait pas mise au rang des crimes ne pouvait y être placée dans la société. Il est si difficile à époque de la vie, vu la précocité du sexe et son excessive sensibilité, de démêler de la séduction de l'abandon volontaire ! Quand les atteintes portées au cœur peuvent être réciproque, comment distinguer le trait qui l'a blessé ? Et comment reconnaître l'agresseur dans un combat où le vainqueur et le vaincu sont moins ennemis que complices ?»13 Dès lors, la maxime : volenti non fit injuria (celui qui donne son consentement n'éprouve pas de dommages) a pu fonder le droit.

Lorsque la jurisprudence évolue, que la séduction est reconnue comme dolosive et que le

La complicité féminine évoquée par ce texte exclut l'hypothèse d'une contrainte qui, seule, aurait justifié le délit ou le crime de séduction ; il eut fallu alors considérer que "vainqueur" et "vaincue" ne sont pas également libres, puisque la séduction consiste à « triompher d'une résistance », en employant des moyens fondés sur la contrainte.

En 1856, Zachariae, opposant farouche à la recherche de paternité mariage, théorise, dans un cours sur le code civil français la doctrine dont s'est nourrie la jurisprudence en la matière: « On peut comparer toute personne nubile et non mariée à une forteresse. Celui qui fournit le dessein de la séduire et d'une manière générale, tous les célibataires peuvent être considérés comme formant l'armée du siège, à laquelle il arrive aussi que les hommes mariés fournissent leur contingent. Les femmes succombent, comme les forteresses, quand l'attaque est bien menée ou quand elles sont mal défendues. Il s'agit de savoir si elles se rendent le plus souvent par suite de la vigueur de l'attaque ou de la faiblesse de la défense. On a toute raison de croire que citadelles féminines capitulent généralement faute de résistance assez énergique et prolongée. »
La conclusion que ce juriste tire de cette métaphore guerrière qui légitime ainsi les formes d'exercice du pouvoir sexuel masculin et responsabilise les femmes d'y avoir succombé, est la suivante : « Le moyen le plus propre à encourager (les femmes) à la résistance, c'est de leur rendre aussi redoutables que pesantes les conséquences de la capitulation. » 14

L'avocat général Servan a, lui aussi, fondé une doctrine de la culpabilité ontologique des femmes - dont on retrouve, tout au long du XIXe siècle, dans plaidoiries - tout ou partie des éléments.
Les femmes sont coupables à plus d'un titre.
D'abord d'oser « demander réparation d'un délit si secret par sa nature ».
Elles font alors preuve d'impudence car elles « osent envisager des dédommagements pour une perte qui n'est bien sentie pour autant qu'on la croit inestimable ».
Elles font aussi preuve de cupidité. «Leur sensibilité à l'intérêt » est, a priori, suspecte. Un jugement du tribunal d'Aix, en date de 1873 considère en ce sens qu'il « serait très dangereux pour la morale, que les jeunes filles dont le premier devoir est de défendre leur honneur et de le mettre à l'abri de toute atteinte, pussent espérer trouver une source de bénéfice dans une faute qu'elles doivent éviter à tout prix ». 15
Elles sont coupables, enfin, en dénonçant les hommes, de « trahir les devoirs liés à la réserve que leur sexe leur assigne :
'Je m'en défie, non parce qu'elle a commis une faute, mais parce qu'elle a commis le dessein de la publier ; dès ce moment, je vois dans son caractère une audace qui la bannit de son sexe ; elle n'est plus femme'...
Alors, doit se dire, voilà une fille qui a franchi toutes les barrières de son sexe, rien ne peut plus l'arrêter. »

Même l'amour ne les 'excuse' pas, car « si elles appartiennent à un amant, peuvent-elles [ appartenir]  à la vérité ? »

Ce qui est craint, en réalité - et ce texte nous le démontre - c'est le pouvoir que les victimes ont de faire connaître les "turpitudes" des hommes et de déstabiliser les rapports entre hommes et femmes, risque d'autant plus grave qu'ils sont d'origine sociale différente. Toujours l'avocat général Servan, la menace du dévoilement des abus qui émane de "filles d'un état obscur, convaincues de faiblesse et pour le moins soupçonnées de licence, pèse sur des hommes qui ont un rang, un nom, des richesses, du pouvoir."

Le risque est réel. Il devait être évité. Il le fût, en toute lucidité : « Il est aussi doux pour un citoyen, qu'honorable pour les lois de se dire à soi-même :
'Tout le cours de ma vie, je suis tranquille, parce que je ne serai jamais condamné sans de preuves convaincantes :je sais que ni ma fortune, ni ma personne ne seront point livrées à la fragilité d'un témoignage'. »

Faute de quoi , conclue-t-il, le risque existe que « quelques assiduités, quelques familiarités innocentes servent de prétexte à l'accusation. Si nous voulons d'irréprochables témoins, ne les cherchons pas parmi les filles que la licence assiège de toutes parts. » 16

Le juriste Abel Pouzol, dans un livre consacré, en 1902, à La recherche de paternité, juge sévèrement cette approche qu'il estime justement « plutôt empruntée au code de la galanterie qu'au code Pénal ». 17

Le principe fut donc alors posé que « le corrupteur direct des filles mineures n'est pas répréhensible ». 18Et pour se justifier - et/ou justifier " la doctrine" - les rédacteurs du code (et ceux qui le sont suivis sur leur position) ont affirmé « pouvoir croire abandonner les jeunes personnes à la vigilance de leurs parents, à la garde de la religion, aux principes de l'honneur, à la censure de l'opinion ». 19

Le lien posé entre la liberté ainsi conférée aux hommes et les conséquences qu'une telle position ne pouvait qu'avoir concernant la vie même des femmes et les enfants n'est pas contestable. Certains, peu nombreux, s'en sont émus. Ainsi, Frédéric Le Play affirma que «lorsque le code du 25 septembre 1791 eut, pour la première fois chez un peuple civilisé, établi en principe que la séduction n'est ni un délit, ni la violation d'un contrat, les moeurs reçurent aussitôt une fâcheuse atteinte ». 20
Les conséquences en furent particulièrement graves. Ainsi de 1810 à 1833, le nombre d'enfants abandonnés progresse de 55 800 à 130 945. 21

Cette décision si lourde de conséquences n'est pas fortuite et se prolongera bien au-delà du XlXe siècle; le législateur s'oppose avec constance à toute remise en cause - réelle - du pouvoir sexuel masculin. Certes, une loi du 28 avril 1832 - devenue l'article 331 du code pénal - reconnut "l'attentat à la pudeur". Mais aucune définition n'en est donnée même si la jurisprudence considère, dans une acception très large, qu'il s'agit d'un « acte contraire aux mœurs, exercé intentionnellement et directement sur un individu ». 22 En tout état de cause, elle est de portée fort limitée et sa mise en œuvre ne vaut que pour les enfants de moins de 11 ans. Et pendant 30 ans toutes les propositions l'âge auquel cette protection de loi doit s'appliquer seront repoussés.

Ce n'est qu'en 1863, « en présence de la progression effrayante des attentats de cette nature » 23 - qu'une loi en date du 13 élèvera de 11 à 13 ans son application, si l'attentat à la pudeur est dépourvu de violence, de 11 à 15 ans s'il est accompagné de violence. Ainsi, après 13 ou 15 ans, selon les deux cas sus évoqués, les adolescent-es sont considéré-es comme consentantes, ou sont sensées avoir séduit les hommes. 24 On a ainsi pu légitimement définir l'âge de 13 ans pour les jeunes filles comme "la petite majorité de la prostitution".

Selon les termes du rapporteur de la loi, « la multiplication de ces attentats prouve que la dépravation des moeurs l'emporte sur la réserve que l'enfant doit inspirer. » Il est alors moins question de protéger les enfants que de « protéger les familles contre le désordre moral ». 25

C'est ainsi que le code français qui considère les femmes comme mineures pour l'administration de leurs biens, les traitent comme des majeures sur le plan sexuel, à l'âge de la puberté, huit ans avant leur majorité civile : « La séduction même d'une fille mineure n'est pas un délit... Celle qui n'appelle à son on aide ni la violence ni le rapt. Mais à 15 ans et un jour, elle devient une bonne prise »26
« Ainsi, que l'homme qui la déshonore soit vieux et elle jeune ; qu'il soit riche et elle pauvre, elle a 15 ans, son rôle d'Eve a commencé» s'indigne Ernest Legouvé, dans son Histoire morale des femmes.27 Et Brunetière reconnaît aussi qu'entre l'âge de 15 et 21 ans, « c'est l'âge que l'on a choisi pour livrer (la jeune fille) sans défense à elle-même et au séducteur. Ce sont cinq années pendant lesquelles on la provoque en quelque sorte. »28

Les exemples de cette partialité de la loi abondent tout au long de la lecture de La Gazette des Tribunaux. Citons l'un d'entre eux qui dévoile, en outre, comment la justice considère que l'offre de mariage par l'agresseur est considérée comme effaçant la violence exercée par lui sur une enfant.

En 1905, Pierre Courand, âgé de 23 ans, garçon de ferme à Ancenis, commet un attentat à la pudeur - il s'agit en réalité d'un viol déqualifié - sur la personne d'Augustine V., âgée de 12 ans et demi, employée chez le même patron que lui. Cet acte est si "poussé" que la jeune fille accouche une semaine avant le procès.
L'inculpé, interrogé en Cour d'assises, exprime son désir de réparer "la faute" en épousant la victime. Il est aussitôt mis en liberté provisoire, tandis que le ministère public abandonne l'accusation et que le Président du tribunal (se fiant à sa promesse ?) l'exhorte alors à se présenter à la mairie d'Ancenis pour y reconnaître la paternité de l'enfant et demander les dispenses d'âge nécessaires au mariage. Il n'est nulle part fait état de l'accord demandé à sa victime.
Et c'est ainsi qu'une petite fille de 13 ans, déjà mère de l'enfant de l'homme qui l'a violée est en outre, contrainte de l'épouser. C'est-à-dire contrainte de vivre toute sa vie avec lui. 29

Il existe certes un article concernant l'attentat aux mœurs qui peut paraître plus contraignant. L'article 334 du code Pénal punit d'un emprisonnement de 6 mois à 1 an de prison et d'une amende de 50 à 250 F. « quiconque aura attenté aux mœurs, en excitant ou facilitant habituellement la débauche ou la corruption de la jeunesse de l'un ou l'autre sexe au-dessous de l'âge de 21 ans. »

Certains magistrats ont cru pouvoir utiliser cette disposition en matière de "séduction". Mais, depuis 1840, la jurisprudence a consacré une interprétation rigoureuse: l'article 334 n'est pas applicable à la séduction personnelle et directe. Un jugement du Tribunal de Niort en date du 7 décembre 1861 est sans ambiguïté à cet égard: « Il est de principe et de jurisprudence que l'individu qui a excité à la débauche pour satisfaire ses passions propres n'est point regardé comme coupable par notre législation. »30

En outre, les conditions mises par les tribunaux en matière d'habitude sont définies de manière limitative :
- Les actes délictueux ne sont pas retenus s'ils n'ont eu lieu qu'une seule fois. Ainsi, un jugement, en appel, en date du 1er juillet 1904, relaxe un peintre accusé de délit d'excitation de mineurs à la débauche dans son atelier de Montparnasse: « Considérant que, bien que les actes de débauche relevés contre X ont bien eu lieu avec le concours successifs de différentes personnes, et qu'ils aient été répétés dans la soirée du... , on ne saurait trouver dans ces faits, si dégradants et si dépravés qu'ils soient, l'habitude ; qu'en effet, ils ont été accomplis de 9 heures à minuit et n'ont fait l'objet que d'une seule et même séance.»31 La plainte conjointe de plusieurs victimes n'est pas ici considérée comme recevable.
- Ces actes requièrent d'autres témoins que la seule victime: « Les actes de lubricité commis sur les mineurs alors que le prévenu ne s'est livré à ces coupables pratiques que lorsqu'il était seul avec l'un d'entre eux et qu'ainsi les actes honteux par lesquels il a satisfait ses instincts dépravés n'ont eu d'autre témoin que celui de ces mineurs qui en était la victime. Il s'en suit que la réitération de tels actes ainsi accomplis ne saurait constituer l'habitude exigée par l'article 334 », affirme la Cour de Cassation, un an plus tard. 32

Par ailleurs, l'enlèvement d'une fille mineure - au terme de l'alinéa 2 de l'article 340 du code pénal qui pose la responsabilité du séducteur - n'est pas reconnu sans preuve de séquestration. C'est ce qu'a jugé la Cour de Bordeaux le 3 juin 1885 dans le cas d'une enfant de 15 ans qui travaillait comme ouvrière et qu'un homme riche avait emmené clandestinement dans son château où il l'avait rendue mère. 33

Enfin, l'entreprise n'étant pas considérée comme un lieu public, les outrages publics à la pudeur, prévus par l'article 333 de code Pénal ne peuvent y être dénoncés. L'arrêt de la Cour de Cassation, en date du 16 juin 1906, pose la doctrine :  « A la différence de l'accusation d'attentat à la pudeur, la prévention d'outrage public à la pudeur n'a pas élémentairement pour objet la répression des actes impudiques en tant que commis à l'égard d'une personne déterminée, Elle a pour but d'une manière spéciale, la réparation du scandale causé par de tels actes et la protection due aux tiers qui peuvent être témoins. C'est ce scandale même qui fait le criminalité de l'acte et non pas essentiellement l'atteinte individuelle portée à la pudeur de la personne qui en a été l'objet. » 34
Là où il n'y a ni publicité, ni témoin, il n'y a pas de victimes et donc pas de délit. À moins qu'il ne faille écrire : il n'y a de victime que s'il y a témoin.

Les nombreux observateurs - qui à la fin du XIx" siècle, se sont penchés sur ce problème de la séduction - ont posé le lien entre l'état de cette législation et la croissance du nombre de femmes salariées, dans l'industrie notamment.

Le juriste Amblard, considère en 1908, qu'il "n'est point de question plus actuelle et plus angoissante"35, tandis que Julie Daubié, une fois encore précurseuse, a établi, dès 1866 lien « dans la législation moderne » entre "la déchéance de l'ouvrière et les primes d'encouragement données à de riches séducteurs...Par une inconséquence et une aberration inexplicables, c'est le jour où la femme franchit le seuil de la fabrique que la loi française brise tout lien moral. »36
Pour cette raison, elle affirme vouloir inscrire sur la porte des manufactures « ces mots sinistres, amnistie de toutes les turpitudes : les enfants naturels sont à la charge des mères. » 37

C'est en effet, sans conteste, les violences des patrons et des contremaîtres qui, sous couvert de "séduction", sont les plus fréquents, sans doute aussi les plus scandaleux. Pourtant, aucun des nombreux ouvrages consacrés à la "séduction dolosive" parus encre 1880 et 1920 ne mentionne de décision de jurisprudence relative à l'entreprise.

Non seulement les pouvoirs sexuels des hommes sont protégés par l'interdiction de recherche de paternité, par l'autorisation d'avoir une maîtresse hors du foyer con jugal, par la législa6on en matière de prostitution qui confère aux prostituées l'entière responsabilité de leur "conduite", mais en outre, c'est - en toute justice - que les hommes sont garantis dans leur droit à la possession sexuelle des jeunes filles, indépendamment de toute appréciation sur les moyens employés, ou sur les rapports de force en présence.

Cette quasi-impunité sexuelle masculine, suggère à Julie Daubié des réflexions pertinentes quant aux conséquences que celle-ci peut avoir en matière de pénalisation du viol. « Dès lors que nos tribunaux déclarent solennellement que toute corruption directe des filles mineures mêmes est un droit civil, nous sommes illogiques en recherchant le viol commis presque tous les jours par des individus qui ont momentanément manqué de l'occasion, de l'argent ou de l'autorité nécessaire à la satisfaction régulière de leurs passions. » 38

Un poème, écrit, en 1912, par le doyen du Barreau de Paris, publié par la Gazette des Tribunaux, principale revue juridique française nous révèle sans doute mieux que de longs discours la perception par la justice de la notion de contrainte sexuelle, et donc sur la conception même des violences sexuelles. La situation évoquée - et sans doute vécue - par le Doyen est qualifiée de "charmante idylle" et présentée comme "la troublante rencontre du poète avec une jeune paysanne". Le voici39:

Voici le bois où sont les muguets blancs
Que je cueillis un matin avec Jeanne
Un peu défaite et les cheveux aux vents,
Elle a perdu son bouquet et. .. son âne.
Heureux Vingt ans !

Bonjour, Jeannette , où vas-tu par les champs ?
Ah! quel accent avait ma voix émue.
Car je t'aimais et c'était le printemps...
Ne rougis pas, enfant, tu fus vaincue.
Par nos vingt ans!

La légitimation par le droit des atteintes aux droits de la personne humaine - ici, ceux des femmes et des enfants - provoque des réactions et donc une évolution de l'opinion. Le nombre d'enfants privés d'état civil, la mortalité infantile, les infanticides, les avortements, la prostitution, la violence - notamment sexuelle - croissent dans des proportions alarmantes. Pour reprendre la formule de Julie Daubié, la séduction a notamment pour conséquence la croissance du nombre des « femmes perdues et des enfants trouvés ».

Les statistiques citées par elle montrent que le nombre d'attentats à la pudeur sur les enfants double de 1825 à 1836, et triple de 1836 à 1850. Et, depuis 1850, la progression a été si ascendante que ces délits, qui, de 1825 à 1836, ne formaient pas le cinquième des accusations contre les personnes en représentent plus de la moitié en 1869. 40

Malgré toutes les restrictions posées par les lois, la proportion des "délits contre les mœurs" est sept fois plus forte, de 1876 à1880 que de 1826 à 1830. 41 Et, à la session de la Cour d'assises de Paris, fin novembre 1882, l'institution judiciaire est obligée d'avoir deux sections pour juger des attentats à la pudeur ou viols, 4 jours sur 11 et 5 jours sur 12. 42

Abel Pouzol affirme en 1902, que depuis une cinquantaine d'années, la magistrature (est) effrayée par la multiplicité et la gravité de certains faits ». 43

L'irresponsabilité masculine provoque de telles injustices que c'est l'équilibre social même qui est remis en cause. Des juristes s'attachent à réfuter les fondements de cet ordre juridique inique et s'engagent dans un combat pour sa révision. Au nom d'une certaine conception de l'ordre social, de la justice, de l'institution familiale et de la protection des femmes.

La justice elle même est accusée. « Le nombre d'acquittement pour viols et autres attentats à la pudeur, même s'il s'agit d'enfants au-dessous de 15 ans, est scandaleux » dénonce, pour sa part, M. Charles Dupin au Sénat le 25 juin 1867.
Et, pour Julie Daubié, c'est parce que « la loi commet tous les jours des forfaitures contre l'ordre naturel »44 qu'elle ne peut plus s'appliquer.

En matière d'infanticide, par exemple, alors que certains jurés des Cours d'assises appliquent aux femmes la loi dans toute sa rigueur, d'autres tentent d'en compenser profonde injustice par l'indulgence. De fait, nombreux sont les acquittements en faveur des femmes, le plus souvent seules inculpées. «Les jurés ne pouvant frapper les deux coupables, absolvent le seul que la loi leur livre » constate lucidement, en 1883, un avocat, ancien substitut. 45

Dès lors, ni la sévérité des tribunaux, ni leur mansuétude n'apparaît comme juste. Et faute de trouver une justification dans le principe d'égalité devant la loi, les décisions de justice apparaissent rarement fondées.

Dans une thèse de droit, consacrée à La séduction soutenue à Paris en 1908, on peut lire ce jugement sans concession : "Notre loi est injuste et mal faite. La justice amène sur le banc d'infamie celle qui a eu tous les ennuis, qui a couru tous les dangers et laisse libre celui qui a eu tous les plaisirs et ne veut point en assumer la responsabilité.
Le vrai coupable, c'est le séducteur ; il est la cause déterminante, quand il n'est pas le complice, et malgré cela il peut aller la tête haute, comme conquérant, fier de victoires à la Pyrrhus qu'il a remporté sur un ennemi incapable de se défendre, sur une victime que sa misère sociale et sa détresse morale mettaient à sa discrétion. »
46   

Les réactions souvent violentes du public en d'assises s'expliquent notamment par la disproportion d'appréciation un même crime, mais aussi par l'équivalence des peines pour des crimes de nature fort différents: « Le glaive de la loi a cessé de fonctionner contre les coupables parce qu'il faudrait frapper trop de monde et aussi parce qu'on ne peut atteindre des deux coupables que celui qui l'est le moins... La justice est déconcertée et donne le spectacle de la protection sociale qui s'évanouit et du retour à des procédés de barbarie qu'on légitime. » 47

La loi provoque donc des effets que l'on qualifierait de pervers si on ne les savait inscrits au coeur même de la logique sociale. Les citoyens se font eux-mêmes justice : les hommes parce que la loi le leur permet, les femmes par impossibilité de s'en prévaloir.

Dès lors, certains juristes, exceptionnellement au nom de la défense des droits des femmes (l'exemple le plus remarquable est Léon Richer), plus fréquemment, au nom de la défense de la famille, mettent à nu les bases d'un ordre inégal de plus en plus inacceptable et contesté.

Le pouvoir accordé aux hommes est ainsi devenu, dans ses excès - que l'on ne peut plus cacher - porteur d'une en cause même de l'institution dont ils devaient être les garants. Portalis n'a-t-il pas affirmé que l'obéissance de la femme est un hommage rendu au pouvoir qui la protège? C'est alors la famille même - base fondamentale de l'édifice social qui est remise en cause.

La législation doit donc évoluer : « Les séducteurs ne sauront longtemps faire carrière. Il y va de l'intérêt général, de l'avenir même famille. » 48Et, au-delà, de l'équilibre social.

Car, ce rapport inégal entre hommes et femmes contraint à poser le problème de la séduction, non seulement sous l'angle moral mais aussi en termes d'inégalité sociale et sexuelle et donc en termes politiques. « L'homme est fois le plus riche, toujours le plus fort; est-ce pour cela que la loi vient secours ? Est-il équitable, est-il égalitaire que certaines classes servent aux plaisirs de certaines autres ? », s'interroge, en 1879, Louis Legrand dans livre consacré au Mariage et aux moeurs en France. Et il poursuit : « C'est parmi les pauvres que la séduction moissonne ses victimes et la vertu devient ainsi l'apanage de l'aisance. Quelle paix sociale est possible dans de pareilles conditions et comment un siècle de démocratie ne se révolte-t-il pas contre ce côté aristocratique de la débauche ? »49

Un avocat, ancien substitut, exprime, en 1883, la même indignation. Non seulement « c'est la fille pauvre qui souffre du régime qui en fait une proie offerte au libertinage des classes aisées, mais, en outre, la loi, en assurant l'impunité au séducteur, se fait la complice de l'homme riche et permet la spéculation sur la misère. Qui ne sent combien cela est odieux et comment ne pas surprendre le sentiment de cette inégalité, le secret de ces haines, de ces révoltes qui attisent la guerre des classes inférieures contre les riches et dont il n'est pas un magistrat, un avocat qui n'ait eu la douloureuse confidence". 50

L'enjeu politique que pose l'impunité de la séduction n'est pas moins que celui d'une aggravation des conflits sociaux entre les riches et les pauvres. Julie Daubié évoque, pour sa part, l '« irritation (des ouvriers) lorsqu'ils n'ont pu prémunir leurs femmes et leurs filles contre un déshonneur, pain quotidien du ménage. Alors leur visage est morne, leur œil vindicatif ; ils courbent la tête, mais ils nourrissent, dans leur coeur, contre l'ordre social une haine profonde et des projets de vengeance qui ne sont que trop incurables. » 51
Pour enfin évoquer - pour mieux la conjurer ? - « la logique impitoyable qui parle de sacrifier à ses convoitises autant de femmes de la bourgeoisie que la bourgeoisie a sacrifié de filles du peuple. » 52
La menace est brandie...

La comparaison entre les différentes formes de délits et de crimes fait apparaître clairement que les violences contre les femmes, les jeunes filles et les enfants sont souvent beaucoup moins sévèrement punies que les plus légères atteintes à la propriété.

Dans la société française, ni le vol, ni l'escroquerie, ni l'abus de confiance - sévèrement réprimés en matière de biens - ne s'appliquent en effet à la protection de l'individu-e, même mineur-e : "On condamne celui qui extorque une signature et l'on ne pourrait condamner ces fripons qui s'adressent à des mineurs pour leur extorquer un consentement.
On condamne l'individu qui voulant se faire remettre de l'argent fait usage d'une fausse qualité, emploie des manœuvre frauduleuses et l'on ne pourrait condamner ces escrocs de l'hyménée qui séduisent leur fiancée et l'abandonne.
On condamne, pour abus de confiance, l'homme qui abuse d'un blanc-seing et l'on ne pourrait condamner ces misérables qui abusent de leur situation, de leur autorité, de leur influence, de leur fortune et de la confiance qu'ils inspirent pour détourner une jeune fille et la flétrir à jamais".
 53

Un certain nombre de juristes s'attachent alors à récuser les fondements de cet ordre - qu'il faut bien appeler patriarcal - où la protection des biens prévaut sans conteste sur celle des femmes et des enfants. Alexandre Dumas dans sa pré1àce à La Dame aux camélias, se fait l'écho de cette réalité. "Le jour, écrit-il, ou la société déclarera que l'honneur d'une femme et la vie d'un enfant sont des valeurs comme une douzaine de couverts ou un rouleau d'or, les hommes regarderont à travers la vitre sans oser les prendre et l'idée viendra de les acquérir et non de les voler".

L'injustice ne s'arrête pas là.

S'ajoute à l'opprobre social qui pèse sur la jeune fille séduite, l'enfantement non désiré qui décide de toute une vie. Quant au séducteur, non seulement sa réputation n'est pas entachée, mais selon Léon Richer, qui récuse cette double morale : "elle s'accroît en raison directe du nombre de ses bonnes fortunes, c'est-à-dire de ses trahisons. Trahir une pauvre fille, est-ce que cela compte ! Il faut bien que jeunesse s'amuse. La femme est un gibier d'amour : tant pis pour celle qui se laisse prendre ! »
Et il poursuit, avec bon sens ou feinte naïveté : « Je n'ai jamais pu comprendre comment une action qui a besoin du concours de deux personnes est flétrissante pour l'une des deux seulement et, chose bizarre, pour celle à qui revient, dans l'affaire, la moindre part de responsabilité. » 54

Cette législation est d'autant plus inique que la présomption qui fait de la femme un être traité, pour tous les actes de sa vie, en mineure ou en incapable, mise sous tutelle, est, sur le plan sexuel, renversée : supposées majeures et donc responsables, à l'âge où elles sont sexuellement disponibles aux hommes, les jeunes filles, pourtant civilement mineures, peuvent être enfermées des maisons de prostitution ou embarquées par la police des mœurs, sur simple suspicion d'avoir provoqué du regard les passants.

Aussi, souvent les mêmes auteurs qui critiquent l'interdiction de recherche de paternité récusent, en des termes très proches, les arguments justifiant les droits masculins acquis, en matière de séduction, qualifiée dorénavant de "dolosive".
Ils s'attaquent notamment aux arguments les plus couramment évoqués, à savoir : la possibilité d'"abus" mais aussi de scandales ainsi que la question de la difficulté de la preuve.

Pour ces auteurs, Emile Accolas, Amédée de la Joncquières, Léon Richier, Abel Pouzol, l'"abus" ne réside pas dans la possibilité reconnue aux femmes du droit de prévaloir des manœuvres de séduction pour demander réparation des dommages qu'elles auraient subis, mais dans l'absence de défense de leurs droits propres.

C'est l'impunité du délit - pour le ‘séducteur’ - qui fait le scandale, et non l'usage abusif - par la victime - de la loi.

Déjà, à la fin du XVIIIe siècle, Emile Accolas avait lui aussi dénoncé cet argument évoqué pour refuser toute avancée des droits des femmes : « L'argument se fait vieux qui consiste à retourner contre la règle le péril possible de l'abus». 55

L'argument selon lequel les hommes seraient à la merci de femmes est récusé, par ailleurs, par le rappel de la loi sur la diffamation qui protège les personnes s'estimant injustement accusés. Cette loi, en effet, en cette matière comme en d'autres, « assure la sanction du droit de chacun d'être respecté dans son honneur et sa considération ». 56

En tout état de cause, comme le rappelle Léon Richer : « Y aurait-il des abus à redouter, ce ne pourrait être une raison pour paralyser l'exercice d'un droit primordial.»57 Et, comme l'affirme positivement Butel: « rien n'empêche de subordonner l'exercice de l'action à toutes les garanties propres à en prévenir les abus ». 58

Quant à l'argument de la difficulté de la preuve, présenté comme rédhibitoire par ceux qui défendent le statu quo, sa portée est fortement relativisée.
Tout d'abord, ces juristes rappellent que cette exigence n'est pas spécifique au délit de séduction. Et, avec bon sens, Léon Richer constate que l'on "retrouve bien les voleurs et les assassins que l'on n'a pas vus commettre leur crime et que les juges d'instruction ne renoncent pas pour autant à poursuivre les affaires qui leur sont confiées, sous prétexte qu'ils n'ont pas la certitude d'aboutir". 59

D'un point de vue plus strictement juridique, Emile Accolas rappelle enfin les fondements constitutifs de notre système judiciaire: « La preuve par le juge n'est jamais qu'une probabilité plus ou moins probante ; il y a toujours place pour l'erreur dans son jugement, car la preuve n'est jamais adéquate aux faits à prouver. Les législations positives dominées par la nature des choses reconnaissent deux espèces de probabilités ; les unes, dans lesquelles le fait à prouver est susceptible d'être constaté par un aveu, un témoignage écrit ou oral ; les autres où l'ensemble des circonstances guide seul l'intervention du juge. » 60

Il existe donc deux sortes de preuves, en matière de séduction dolosive, comme en d'autres : la constatation d'un fait qui donne la certitude absolue et celle fondée sur la présomption, sur une série de raisonnements, de déductions, dont le magistrat apprécie la valeur, en son intime conviction.

Il reste alors, pour les défenseurs du statu quo, comme ultime argument, la crainte du scandale qui est, selon Emile Accolas, « l'arme de toutes les lâchetés, le masque de toutes les hypocrisies ». 61

Plus précisément encore, Abel Pouzol estime que « la seule et vraie raison difficilement avouable à la tribune, par laquelle on l'on vient nous objecter éternellement le scandale quand nous demandons de modifier l'état de choses actuel, c'est la divulgation de faits et de gestes peu flatteurs et peu honorables généralement pour l'homme défendeur à des procès de ce genre. C'est la mise à jour de pas mal de lâchetés humaines et de reculades de conscience. » 62

Julie Daubié enfin défend pour sa part une thèse radicale, selon laquelle « tout ce qui est susceptible de preuve appartient à la publicité et tout ce qui appartient à la justice doit être réprimé » et iconoclaste (et avant-gardiste) lorsqu'elle affirme vouloir, au nom des droits imprescriptibles de la justice, que l'on cesse "de tracer, en fait de moeurs, des distinctions si insensées entre la vie privée et la vie publique ». 63

Les controverses sur la reconnaissance des conséquences de la séduction et la contestation d'une législation inadéquate et injuste ouvrent la voie aux débats séduction dolosive par abus d'autorité.

Les débats se focalisent autour du problème de la responsabilité respective des hommes et des femmes.

Une première thèse, en accord avec l'esprit du code, soutient l'entière, voire même de la plus grande responsabilité de la femme en matière de séduction.
Un arrêt de la cour de Bastia, en date du 28 août 1854, pose la doctrine : « Attendu que les relations intimes qui ont existé entre les deux parties ont été le résultat d'un entraînement réciproque et d'une volonté libre et réfléchie ; que l'on ne saurait sérieusement soutenir, dans de telles circonstances, qu'une femme être admise à réclamer par la voie judiciaire le prix de sa faiblesse, de son déshonneur ou de son libertinage... »64

Le fondement de cette analyse se présente comme justifié, pour l'homme par la biologie et pour la femme, par la morale.
La liberté sexuelle, définie comme un instinct ou un besoin, est entendue comme un droit masculin ; elle fait loi.

Soixante ans plus tard, dans sa thèse, Jean Dabert défend cette même analyse, au nom de l'argument - si tant est que le terme puisse être employé - selon lequel : « la société ne saurait ressembler à un vaste couvent où la chasteté serait obligatoire en dehors du mariage ». 65
Ce juriste considère, en tout état de cause, que « d'une façon générale, l'individu [lire: un homme] - ne commet aucune faute morale lorsqu'il accomplit un acte conforme à sa nature et à sa destinée ».
Quant à la femme « en s'abandonnant à l'homme, elle a prévu et bravé les rigueurs de l'opinion qui la poussaient à rester vertueuse. Elle est donc moralement plus coupable que l'homme qui n'a eu qu'à donner libre cours à ses instincts. Ainsi puisque sa faute morale est de beaucoup supérieure à celle de l'homme, il est bon de lui laisser l'entière responsabilité du préjudice qui en découle directement. » 66

De telles appréciations, qui marquent encore fortement les attendus judiciaires en matière de séduction, évoluent, au début du XXe siècle ; les filles séduites font naître des sentiments plus favorables, tandis que la conduite sexuelle des hommes devient progressivement l'objet des interrogations des magistrats.

Certains juristes, plus nombreux, récusent cette thèse et estiment certes que « si la femme séduite ne peut jamais se dire innocente », la responsabilité de l'homme doit néanmoins être posée. C'est la position défendue par Amédée de la Joncquières en 1878 qui considère que « si la faute est commune, la responsabilité y est cependant fort inégalement partagée ». 67

Mais c'est le juge Magnaud, dans un jugement célèbre, en date du 23 novembre 1898, qui, le premier, inverse l'analyse en matière de responsabilité. Et, pour contourner les oppositions de la loi, il utilise l'article 1382 du code civil: « Tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à la réparer. »

Il s'agit d'une jeune ouvrière de Château-Thierry, E. Michaud, qui, séduite par un fils de famille, se retrouve, seule, sans moyen, pour élever son enfant :  « Attendu que c'est par le fait de S... à ne pas exécuter sa promesse de mariage qu'Eulalie M. et son enfant se trouvent dans le plus complet dénuement et que le défendeur est tenu de réparer la faute résultant de son grave délit ; attendu au surplus que l'homme qui noue des relations intimes suivies avec une femme est en faute, aussi bien et même plus que celle-ci, en raison de son ascendant moral de n'avoir pas prévu les conséquences possibles; que lorsqu'un enfant naît de ces relations et que l'homme s'est, comme dans le cas d'espèce, reconnu le père, il serait souverainement injuste de laisser la charge entière à la femme seule qui a déjà eu toutes les douleurs et les risques de la maternité ; que la faute de l'homme est au moins égale à celle de la femme dans celle de l'entretien de leurs relations ; que la naissance de l'enfant est tout autant le fait de l'un que de l'autre ; qu'en faisant concevoir cet enfant à cette femme, il lui a créé une charge, c'est-à-dire un préjudice; que ce préjudice est d'autant plus grave pour la femme qu'elle se trouve dans une situation particulièrement difficile pour s'établir ensuite par le mariage ; que l'homme qui cause à au préjudice en doit la réparation dans la proportion de la part pour laquelle il y a contribué, et ce en vertu de l'article 1382 du code civil ; que déjà ce principe est consacré par la jurisprudence lorsqu'il y a eu de la part de l'homme des promesses faites ou a contrainte morale exercée de façon à obtenir de la femme un abandon complet…
Condamne S. à servir à la demanderesse".
68

Ce jugement fort critiqué, est qualifié de "subversif", de "bizarre" et son auteur fut accusé d'être un mauvais juriste.
Les considérations qu'il emploie ont été jugées par ses détracteurs comme fondés «plutôt sur des considérations humanitaires que sur une science juridique à toute épreuve» 69, jugement qui, loin d'être en soi une critique ne fait que dévoiler les limites d'une science juridique, la relativité de ses fondements, comme la faible place accordée à "l'humain".

Ce jugement est de fait profondément novateur. Le juge Magnaud considère qu'il y a un coupable et une victime et non pas deux coupables, et, sans abandonner la notion de faute commune, fait référence à celle, plus moderne, de responsabilité, considérée dans le cas d'espèce, comme inégalement partagée.

D'autres vont encore plus loin en déresponsabilisant totalement la jeune fille séduite, au nom d'une innocence présumée; seul celui qui s'est servi de son pouvoir pour la pervertir devrait donc être considéré comme responsable. En 1885, un avocat à la Cour d'appel de Lyon, dans une thèse de droit, défend l'idée selon laquelle si des patrons, des chefs d'ateliers, des maîtres « sont trop sévèrement punis quelques galanteries, où serait le mal ? Cela les obligerait à être plus respectueux, plus dignes... Ils n'avaient qu'à ne pas se permettre ces familiarités". Et il se pose justement la question de savoir "si celles-ci sont toujours aussi anodines que cela." 70

Ce postulat de la supposée responsabilité a priori des hommes porte en elle-même, de manière tout aussi inacceptable, celle de l'irresponsabilité des femmes, laquelle ouvre la vole à la logique de la victimisation des femmes.
Reconnaître que les femmes sont les victimes d'un ordre masculin n'est pas synonyme de leur enfermement dans un statut de victimes auquel elles ne peuvent - et doivent - échapper.

Sous la pression des faits, en l'absence de tout texte positif, la jurisprudence introduit le concept de "séduction dolosive".
Lorsqu'à l'appui de plainte, la jeune fille fait état contre son séducteur de "manœuvres dolosives" pour la séduire, la surprendre ou vaincre sa résistance, ou lorsqu'elle établit que ce dernier a eu recours à une fallacieuse promesse de mariage, ou qu'il a abusé de la supériorité due à son âge, de sa position sociale, de son influence, les tribunaux estiment qu'il y a là un délit dont la victime a le droit de demander réparation.

Mais ce délit ne peut être reconnu que si elle est à même de prouver conjointement la contrainte et sa résistance à cette contrainte.

Par manœuvres dolosives, les juristes entendent : « toute espèce d'artifice qui a pour but de tromper la fille séduite et de la faire consentir à des relations intimes qu'elle refuse de nouer » 71, ou : « tous artifices ou manœuvres employées pour surprendre son consentement ou vaincre sa résistance ». 72
Quant à " l'abus d'autorité" il existe « toutes les fois qu'un individu, quel qu'il soit, pour obtenir des complaisances de sa victime, se sera servi de l'ascendant que sa situation peut lui donner sur elle ». 73

Les tribunaux ont la charge de déterminer manœuvres et abus de pouvoirs et d'en dresser la liste.

Le premier délit reconnu est la promesse de mariage, « employée comme moyen de séduction, de mauvaise foi, avec intention de ne pas la tenir, et uniquement comme ultime moyen d'arriver à ses fins ».74 C'est le plus couramment évoqué.

Mais cette reconnaissance ouvre la voie à la prise en compte d'autres moyens de pressions. Aussi la jurisprudence ne s'arrête pas en chemin et progressivement élargit l'interprétation, autour de la notion de "contrainte".

Sont alors incluses de fait "toutes les situations où les relations illicites sont la conséquence d'artifices et manœuvres employés par l'homme, le consentement de la femme [ayant été] surpris […] Il y a lieu dans ce cas à réparation du préjudice subi. » 75

En 1861, pour la première fois, la Cour de Dijon donne l'interprétation 1a plus large de la notion d'abus de situation sociale et d'autorité: « L'inégalité d'âge, d'intelligence, de position sociale et même de physiques ne permet pas de douter qu'il n'y ait eu à l'égard de la jeune B. une contrainte morale exclusive d'un consentement intelligent et d'entraînement volontaire. Dans ces conditions, la réparation toute entière appartient au séducteur. » 76
Le cas évoqué était celui d'une enfant de 13 ans et demi qui venait de faire sa première communion, avait été placée comme domestique et séduite par le frère âgé de 24 ans, de sa patronne.
Cette interprétation novatrice intègre, dans sa neutralité théorique, des faits tels que l'abus de l'ascendant résultant de la qualité de patron, de contremaître, de maître, que des jugements ultérieurs mettront mis en relief.

Mais l'arrêt qui eut le plus de retentissement est rendu par la Cour de Caen, le 10 juin 1862, en faveur d'une jeune fille séduite à l'âge de 16 ans, par M. L. âgé de 51 ans, marié et père de famille, avec lequel elle a eu six enfants.
Il est condamné à lui payer 4 000 francs, plus une rente viagère de 500 F. ainsi qu'une somme de 5 000 F. annuels pour chacun des enfants jusqu'à leur 18e année, accompagné d'une rente viagère de 250 francs.

Voici les attendus du jugement :
«…Considérant que la faute dont la fille G. se prétend la victime ressort non seulement des lettres de L. mais des autres faits constants au procès ;
que l'intimée avait à peine 18 ans... ;
que L. avait le double de son âge, qu'il était dans une position élevée tant par sa fortune que par ses relations ;
que, pour vaincre une résistance qu'il avait d'abord éprouvée, puisqu'il traite de "sacrifice" la chute de la fille G., il a dû employer des manœuvres dolosives auxquelles une jeune fille innocente et pure ne pouvait résister ;
que cette séduction qui ne peut être comparée aux séductions ordinaires dans lesquelles on ne saurait trouver un coupable et une victime,
constitue donc, de la part de L. une véritable faute dont il doit la réparation, puisqu'il y a eu préjudice souffert.

Or, considérant que la fille G. par suite de ses relations coupables avec lui, a vu son avenir brisé (L. le dit dans ses lettres) ;
que, sans la séduction dont elle a été la victime, elle aurait pu vivre honnêtement et devenir une mère de famille honorable;
que c'est par le fait de L, qu'une pareille existence lui est refusée ;
qu'elle n'a pas appris un métier qui eut pu lui permettre de subvenir à ses besoins, et que c'est encore par la faute de l'appelant qu'elle a été privée de cette ressource ;
qu'il lui a donc causé un préjudice grave, dont aux termes de l'article 1382, il est responsable. »
77  

Cet arrêt définit la séduction par l'existence de manœuvres dolosives, précise les circonstances aggravantes de l'abus de situation, d'expérience, enfin d'inégalité d'âge.

Mais, dans tous les cas, la preuve doit être nettement établie de la relation de cause à effet entre ces manœuvres, qui doivent être antérieures aux relations sexuelles et la séduction.

La jurisprudence élargit ensuite cette interprétation à la contrainte morale, définie comme : « l'état de fait qui place la fille vis-à-vis de son séducteur dans une situation d'infériorité, telle que le don d'elle-même n'a pas été entièrement libre et a été déterminé par des considérations indépendantes de sa volonté. » 78

Cette contrainte morale peut résulter de la supériorité d'âge, de la situation sociale et de l'abus d'autorité.

Un jugement est rendu, en 1879, en faveur d'une jeune fille de 16 ans séduite par un parent de 45 ans dont elle est la domestique.
Celui-ci est intéressant dans la mesure où il reconnaît dans la situation même de subordination, une faute, indépendamment de la violence exercée :
« Considérant, sans qu'il y ait lieu à aucune recherche, qu'il est suffisamment démontré par les faits qui précèdent, que B. a entretenus avec Eugénie G., pendant qu'elle était chez lui des relations intimes ;
que le seul fait de relations, dans les conditions où elles se sont établies, indépendamment de violence physique exercée sur la jeune fille, constitue à la charge de B., homme de 45 ans, une faute grave qui a causé à la fille G. un préjudice et qu'il est tenu de le réparer ;
qu'en effet l'âge de la jeune fille comparée au sien, sa qualité de parent, sa qualité de maître, la délégation d'autorité qu'il avait de la famille d'Eugénie G., lui faisait un devoir de conscience de la surveiller et de la diriger, à plus forte raison de la respecter ;
qu'en admettant qu'elle n'ait pas opposé toute la résistance dont elle était capable, son consentement ne peut être considéré comme spontané ;
que son isolement, la disposition des lieux, son état de dépendance, sa situation d'orpheline, les démarches par B. pour la retenir lui permettaient difficilement de se soustraire à l'ascendant moral de son maître et de s'opposer à l'accomplissement de ses désirs.

Condamne B. à 100.00 francs de dommages et intérêts.» 79

Citons enfin ce jugement rendu, dans le même sens, en 1888, à l'encontre d'Isidore X., en faveur de Maria Z., laquelle « prétend que, voulant résister à son séducteur, elle n'a cédé qu'à une sorte de violence, tout à fait malgré elle, à la suite de manœuvres dolosives » :
«Attendu que l'on ne saurait méconnaître que, pour l'accomplissement de ses désirs, Isidore X. a usé à la fois de la familiarité résultant des relations de famille et de l'habitation commune, de la supériorité que lui donnait sa force, son expérience, son âge, sa fortune, sa position de fils du maître, vis d'une employée ;
qu'en admettant que Maria Z. n'ait pas opposé toute la résistance dont elle était capable, son consentement ne peut être considéré comme ayant été spontané et libre,
qu'elle n'a cédé tout au moins qu'à contrainte morale. »
80

La jurisprudence est cependant fluctuante, car en plus du rapport d'autorité, entrent en ligne de compte dans l'appréciation des tribunaux, l'âge respectif des protagonistes, leur condition sociale, la durée des relations.

Une telle évolution suscite critiques et résistances : si, pour certains juristes, ces situations sont certes « dignes de pitié », ils estiment que la jurisprudence fait cependant « fausse route », car, en ouvrant la voie à de telles excuses, les tribunaux créent «involontairement une véritable présomption de manœuvres dolosives, tirées de certaines qualités spéciales, celle de maître ou de patron. Cette présomption risque fort d'avoir pour conséquence de faire payer au maître le plaisir du marmiton ou du palefrenier. . . »81

Plusieurs jugements refusent toute évolution et s'en tiennent au cadre juridique posé par les rédacteurs du code.

Au cours des vingt dernières années du XIXe siècle, plusieurs auteurs demandent l'intervention du législateur en vue d'une pénalisation de la séduction dolosive.

Dès 1876, une proposition de réforme législative est faite par un avocat, Albert Millet, auteur d'un livre intitulé : De la séduction. 82

Plus tardivement, Ernest Legouvé, dans son Histoire morale des femmes, publiée en 1890, affirme que cette loi doit exister, car « il est impossible qu'une société vive avec un tel cancer au coeur ». 83

En 1894, dans une thèse consacrée à l'avortement, M. Montier considère cette législation, déjà appliquée dans plusieurs pays étrangers, comme étant « de bonne justice ».84

En 1902, enfin, dans son livre sur La recherche de paternité, Abel Pouzol affirme qu'il faut « avoir le courage d'envisager cette nécessité d'une sanction pénale de la séduction dolosive ». 85

Cette même année, le député Maurice Collin dépose, le 14 novembre 1902, sur les bureaux de la Chambre une proposition de loi reprenant les propres termes du projet Millet, rédigé 25 ans auparavant.

Ce projet a pour but de modifier les articles 331 et 335 du code pénal relatifs à l'attentat à la pudeur et à l'excitation de mineurs à la débauche et de créer un nouveau délit, celui de séduction frauduleuse.

Certes limité aux femmes mineures, il est cependant novateur en ce sens qu'il nomme et incrimine la séduction frauduleuse, l'abus de pouvoir étant alors une circonstance aggravante du délit. On doit aussi noter que "l'imputation calomnieuse" est incluse dans la proposition de loi.

Maurice Collin invoque des arguments pertinents pour appuyer sa démarche : « Il est une séduction qu'il faudrait frapper plus sévèrement, car elle apparaît plus particulièrement odieuse : c'est la séduction qui emprunte, tout au partie de sa puissance, à l'autorité de droit ou de fait dont le séducteur est investi sur sa victime.
On ne peut par exemple ignorer le cynisme avec lequel certains employeurs abusent des femmes placées sous leurs ordres.
Sans doute, ils ne font point appel à la violence, mais quand une pauvre fille se sait menacée de perdre son gagne-pain si elle n'accepte pas les caresses du misérable qui la paie, il y a là une sorte de viol moral, non moins odieux que le viol physique.
Contre un pareil abus, la loi doit protéger toutes les femmes. Quand il s'agit de mineures, il est inadmissible qu'elle reste muette et si elle frappe la séduction frauduleuse des mineures, il est indispensable qu'elle se montre ici particulièrement sévère. Certes, il y a aura toujours des filles séduites et abandonnées. Mais tout au moins, pour agir sans risque, les séducteurs devront s'attaquer aux femmes que le législateur peut légitimement présumer capables de se protéger elles-mêmes. »

C'est dans cet esprit que sera rédigée une proposition d'un article code pénal, ancêtre de la loi sur le harcèlement sexuel, votée le 2 décembre 1991 : « Quiconque aura séduit une jeune fille mineure, âgée de plus de 15 ans en employant des manœuvres frauduleuses ou des promesses mensongères abusant de la confiance, des faiblesses ou des passions de cette mineure pour extorquer son consentement, sera puni d'un emprisonnement de 6 mois au moins et 2 ans au plus et d'une amende de 100 à 2 000 francs.
Si le séducteur d'une mineure, âgée de plus de 15 ans, est de la classe des personnes qui ont autorité sur elle, s'il est son tuteur, son professeur, son patron ou son maître, s'il est serviteur à gages de la fille séduite ou des personnes qui ont autorité sur elle, s'il est fonctionnaire ou ministre des cultes, la peine sera de 2 ans à 5 ans de prison et l'amende de 500 à 5 000 francs.
`Le délit de séduction frauduleuse ne pourra être poursuivi que sur de la fille séduite, ou de ses pères, mère ou tuteur.
Toute personne convaincue dans une plainte de ce genre, porté une imputation calomnieuse, sera punie d'emprisonnement de 6 mois à 2 ans et d'une amende de 100 à 2 000 francs. 
86  

Ce projet dont la portée ne concernait pourtant que les mineures, soutenu par les féministes, 87 ne fut ni voté, ni même discuté.

Dix ans après ce projet avorté, la loi du 16 novembre 1912 concernant la recherche de paternité prévoit parmi les conditions permissives de cette recherche, les cas de séduction accomplie à l'aide de manœuvres dolosives, abus d'autorité ou de promesses de mariage ou de fiançailles.

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Notes de bas de page
1 Ferdinand Brunetière, La recherche de paternité, La Revue des deux Mondes, 15 septembre 1883. p. 356.
2 Perreau, Discours du Tribunal, cité par F. Civeyrel, De la séduction, Thèse, Montpellier, 1935, p. 116.
3 Jean-François Fournel, Avocat au parlement, Traité de la séduction considérée dans l'ordre Judiciaire, Paris, Demonville, 1781.
4 Jean Dabert, De la responsabilité civile du séducteur, Thèse, Faculté de Droit, Paris, Imp. de H. Jouve, p.56.
5 Sur les débats entre Bonaparte et Cambacérès, cf., Emile Accolas, Les enfants naturels, Librairie de la Bibliothèque Nationale, 1871,p. 173-174.
6 Julie Daubié, La femme pauvre au XIX' siècle, Paris, Guillemin, 1866, p. 15.
7 Ibid., p. 186.
8 Léon Richer, Le code des femmes, Paris, E. Dentu, 1885, p. 221.
9 Commentaire de l'article 340, Code civil.
10 M. Rossi, Traité de droit Pénal, cité par Louis Désiré Legrand, Le mariage et les moeurs en France, Hachette, 1879. p.340-341.
11 Commentaire de l'article 340 du Code civil.
12 Cité par Julie Daubié, op. cit., p.102.
13 Marcadé, Rapport au Conseil d'Etat, 17 février 1810, in Louis Legrand , Op. cit. p. 545-546, cité aussi Jean Amblard, De la séduction, Université de Paris, Faculté de droit, Paris, A. Rousseau, 1908, p. 50.
14 Cité notamment dans Abel Pouzol, La recherche de paternité. Étude critique de sociologie et de législation comparée. Bibliothèque de sociologie internationale, Paris. V. Giard et Brière, 1902, p. 231.
15 Tribunal d'Aix.11 août 1873. cité par Amblard. Op. cit.p.114.
16 Discours de l'avocat général Servan, cité dans Emile Accolas, Op. cit., p. 147 à 156.
17 Abel Pouzol. Op. cit. p.315.
18 Julie Daubié. Op. cit., p. 82.
19 Cité pat Albert Gigot, Ancien Préfet de police, La séduction et la recherche de paternité, in La Réforme Sociale, 1er février 1902,
20 Essai Sur la condition de la femme en Europe et en AmérIque, Paris, Auguste Ghio, 1882, p. 404.
21 Frédéric Le Play, L'organisation du travail selon la coutume des ateliers et la loi du décalogue, E. Marne et fils: Tours, Paris, E. Dentu, p. 196.
22Garçon, Code pénal annoté, p. 849, cité dans Louis Poughon, De la séduction envisagée au double point de vue civil et pénal, G. Gres et Cie, Paris, 1911, p. 40.
23 Cité dans Louis Poughon, Op. cit., p. 39.
24 Il faudra attendre l'année 1945 pour que les adolescent-es de moins de 15 ans puissent être concerné-es par cet article de loi.
25 lbid.
26 Cité dans Louis Legrand, Op. cit., p. 345.
27 Ernest Legouvé, Histoire morale des femmes, Paris, G. Sandré, 1897, p. 65.
28 Ferdinand Brunetière, La Revue des Deux mondes, art. cit., p. 377.
29 La Gazette des Tribunaux, 13 et 14 mars 1905
30Cité dans Léon Richer, Le code des femmes, Op. cit., p. 133.
31 La Gazette des Tribunaux. 1er juillet 1904.
32 Ibid, Cour de Cassation, Chambre criminelle, 19 mars 1905.
33 Albert Gigot, Op. cit., p. 9.
34 La Gazette des Tribunaux, 24 juin 1906.
35 Jean Amblard, Op. cit., p. 3.
36 Julie Daubié, Op. cit., p. 182.
37 Ibid., p. 59.
38 Ibid. p. 63
39 La Gazette des Tribunaux, 18 et 19 novembre 1912.
40 Julie Daubié, Op. cit., p. 181.
41 Ibid.
42 Cité dans: Essai sur la condition des femmes en Europe et en Amérique. Op. cit. p.410
43 Abel Pouzol, Op. cit., p. 3
44 Julie Daubié. Op. cit., p. 24.
45 F. Butel, Avocat, Ancien substitut, La répression de la séduction, Réforme Sociale., 15 mai 1885, p. 502
46 Jacques Amblard, De la séduction, Thèse, Faculté de Droit, Paris 1908, p. 177.
47 Essai sur la condition des femmes en Europe et en Amérique, op. cit., p. 408.
48 Abel Pouzol, Op. cit., p. 316.
49 Louis Legrand, Op. cit., p. 84-85. .
50 F. Butel, Op. cit., p. 501.
51 Julie Daubié, Op. cit., p. 4.
52 Ibid. Op. cit., p. 200.
53 Abel Pouzol, Op. cit., p. 318.
54 Léon Richer, La femme libre, Op. cit., p. 118 et 120.
55 Émile Accolas, Op. cit. p, 81.
56 Abel Pouzol, Op. cit., p. 221.
57 Léon Richer, Le code des femmes, Op. cit. p. 267.
58 F. Butel, Op. cit. p. 503.
59 Léon Richer, Le code des femmes, p, 248,
60 Emile Accolas, Op. cit., p. 95-94.
61 Ibid., p. 117.
62 Abel Pouzol, Op. cit., p. 227.
63 Julie Daubié, Op. cit., p. 98.
64 Cité par Jean Dabert, Op.cit.p.32
65 Ibid. p.139-140.
66 Ibid. p. 24
67 Amédée de la Joncquières, De la preuve de la filiation en droit romain et de la recherche de paternité en droit français, Thèse, Faculté de droit de Paris, Imp. Goupy et Jordan, 1878, p. 78.
68 Cité par Jean Amblard, De la séduction, Thèse de droit, Université de Paris, A Rousseau, 1908,1 à 121.
69 lbid., Sur le juge Magnaud, cf., André Rossel, Le bon juge, A l'enseigne de l'arbre verdoyant Editeur,1983, p.29.
70 Léon Durand, Avocat à la cour d'appel de Lyon, De la famille hors la loi. Thèse Droit, Faculté de droit de Lyon, 1885, p. 13-14.
71 Jean Amblard, Op.cit.,p. 121.
72 Jean Dabert, Op. cit., p, 44.
73 Louis Poughon, De la séduction envisagée au double point de vue civil et pénal, G. Grès et Cie, Paris, 1911, P. 96,
74 Jean Amblard, Op. cit. p. 122,
75 Jean Dabert, Op. cit., p, 66,
76 Dijon, 16 avril 1861, 0.61. 5.423.
77 Caen, 10 juin 1862, D. 62. 2,129, cité dans Jean Amblard, Op. cit., p. 123 à 125.
78 Ibid. p.129.
79 Bourges, 28 mai 1879, D. 80. 2. 111, cité dans Amblard, Op.cit., p. 132.

Dans le même sens, on peut citer l'arrêt de la Cour de Paris en date du 16 mars 1892 (Dalloz, 93. 2, 541) et l'arrêt de la Cour de Dijon du 1er décembre 1868 (Dalloz, 68.2.248) cité in A. Gigot, op, cil., p. 10,

80 Avallon, 18 janvier 1888, D. 92, 2. 309, cité dans Amblard, Op. cit., p, 131.
81 Jean Dabert, Op., cit., p. 88,
82 Albert Milet, De la séduction, Paris. A. Cotillon. 1876.
83 Ernest Legouvé, Op.cit p, 73.
84 Cité par Louis Poughon, Op.cit p. 65
85 Abel Poujol, Op.cit. p. 313.
86 Journal officiel, Documents Parlementaires, Annexe No 446, Séance du 14 novembre 1902, p. 280 à 282.
87 René Rambaud, La prostitution des mineures. La Fronde. 17 décembre 1902.

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