Harcèlement sexuel. Droit de cuissage
Livre : Le droit de cuissage
 Marie-Victoire Louis

Chapitre III. La dépossession du corps de femmes ; la subordination des êtres

Le droit de cuissage. France, 1860 - 1930
Éditions de l'Atelier
Février 1984
p. 67 à 92

date de rédaction : 01/10/1983
mise en ligne : 16/10/2006 (texte déjà présent sur la version précédente du site)
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Les patrons acceptent volontiers les ouvrières
parce qu'elles sont des instruments plus souples,
plus dociles que les hommes.
Les ouvrières n'ont pas, comme les ouvriers, d'esprit de corps1.


Est-ce vraiment émanciper la femme
que de vouloir la précipiter
à corps perdu dans les ateliers ? 2

Au XlXe siècle, le processus de séparation du corps et de la force de travail est, pour les femmes, largement inachevé. La grande spécificité du travail féminin, c'est que, dans le prolongement des logiques familiales, les différents droits d'usage du corps des femmes ne sont pas autonomisés. Qu'il s'agisse du corps dégradé, dénudé, caché, déformé, du corps affiché ou faire valoir, c'est bien lui qui est asservi, approprié. Aussi, ce qui importe, ce sont moins les formes - souvent contradictoires - des contraintes corporelles vestimentaires qui sont imposées aux femmes, que le fait que ces contraintes leur soient imposées, du fait de leur sexe.

C'est bien le corps même des femmes qui est au coeur d'un dispositif d'assignations différenciées. Celles-ci évoluent de la contrainte à la prostitution à la virginité contrôlée, de la promiscuité sexuelle à la ségrégation des sexes, de la négation de leur féminité à l'imposition de stricts canons vestimentaires.

Néanmoins, progressivement, les femmes s'attachent à se réapproprier leur corps, à fixer les limites de l'exploitation, à dissocier ce qui est de l'ordre du travail et du privé, à ne vendre que leur force de travail.

Aline Valette cite, sans le nommer, un philosophe du Second Empire selon lequel "le travail de la femme, c'est la promiscuité absolue dans l'isolement absolu". 3

C'est probablement au coeur de cette apparente contradiction que l'on peut comprendre les processus de dépossession collective du corps des femmes au travail, lesquels ouvrent la voie et légitiment l'appropriation singulière sexuelle.
L'analyse de ces formes de dépossession du corps des femmes est indissociable de celle du droit de cuissage.

L'usine est, par excellence, le lieu de la dépersonnalisation qui, selon l'historienne américaine Joan Scott, "contraste étonnamment avec l'intimité du milieu familial. Sur les gravures et les photos, des rangées de jeunes femmes se tiennent au garde à vous devant les métiers. La représentation de nombreuses ouvrières dont la posture, les vêtements, la coiffure sont identiques permet d'apprécier la taille de l'entreprise. Ces images confèrent au travail une uniformité et une impersonnalité étrange pour l'époque." 4

Les ouvrières, emprisonnées dans l'atelier, attachées aux machines, emmurées l'étroitesse de leur condition, isolées entre elles pour le plus grand profit de la concurrence, divisées par une multiplicité de statuts professionnels sont soumises à une implacable uniformité et dépossédées de toute individualité.

Un dénommé M. Rocher, à qui l’on a demandé de définir la filature - l'industrie textile étant celle qui emploie le plus grand nombre de femmes à la fin du XIXe siècle - répond, en 1898, sans états d'âme : "C'est une femme et de l'eau chaude."5 Le singulier utilisé par lui donne en outre une idée de la valeur accordée à chacune d'entre elles.

Les ouvrières sont vêtues identiquement, dans des alignements sans faille, fondues dans la masse, parfaitement interchangeables. Les tenues maisons, les blouses, les uniformes obligatoires accompagnés d'interdictions ou d'impositions vestimentaires strictes sont les symboles les plus voyants de cette appropriation du corps des femmes par l'entreprise et de cette négation d'elles-mêmes.

Comme les femmes mariées, mais aussi les religieuses et les prostituées, les travailleuses perdent souvent leur nom en travaillant hors de chez elles. Un nom, un prénom propre est le signe d'une identité ; ils supposent une personnalité, une histoire propre. "Marie, c'est très gentil aussi, et c'est court. Et puis toutes mes femmes de chambre, je les ai appelées Marie. C'est une habitude à laquelle je serais désolée de renoncer. Je préférerais renoncer à la personne" déclare son nouveau patron - le fétichiste des bottines - à Célestine, dans le roman d'Octave Mirbeau, Le journal d'une femme de chambre. "Ils ont tous cette bizarre manie de ne jamais vous appeler par votre nom véritable, constate-t-elle, désabusée, elle à qui l'on a déjà donné tous les noms de toutes les saintes du calendrier".6

Cette dépersonnalisation des employées de maison est la plus connue. Mais cet usage se retrouve aussi dans l'industrie comme dans les bureaux ; c'est rarement par leur nom de famille, mais par leur prénom, quand elles ne doivent pas en changer, qu'elles sont appelées.
Dans certains cas, c'est même par un simple chiffre qu'elles sont nommées. Un médaillon en laiton où un nombre est inscrit tient lieu de reconnaissance pour Aline Vallette, lorsqu'elle est embauchée à l'usine : "Me voilà étiquetée, écrit-elle, je ne suis plus une femme, je suis un numéro". 7
Dans la bourgeoisie, on va même jusqu'à mettre une cagoule sur le visage de la nourrice lorsque l'enfant dont elle a la charge pose, face au photographe ; sans visage, elle est alors vraiment un substitut de fauteuil ou de peau de bête. 8

Cette dépersonnalisation, plus aggravée pour elles que pour les ouvriers, ne leur est pas spécifique ; la manufacture, l'usine sont pour tous et toutes "le lieu de l'obéissance, de la hiérarchie, du mépris". 9 En revanche, les ouvrières sont, plus spécifiquement - sinon exclusivement, du m dans la grande majorité des cas, -l'objet de pratiques qui mettent à nu, humilient et dégradent les corps.

Si "attenter à sa propre pudeur, c'est renoncer à sa qualité d'homme" 10, que dire alors de celle d’une femme ?

C'est autour du corps dénudé, comme offert à tous, des ouvrières des filatures du Nord que se concentre l'attention. Elles travaillent, à la fin du siècle dans une atmosphère surchauffée, variant entre 28 et 36 degrés, imprégnée d'odeurs nauséabondes provenant des bassins d'eau nécessaires au lavage des laines.
Les contremaîtres ne manquent pas, en outre, selon les témoins et les styles de l'époque, "au besoin, d'assouvir leur bestiale passion sur ces femmes qui travaillent, les seins, les bras, les pieds nus".11 Et Marcelle Capy évoque pour nous, à la veille de la guerre, le défilé des fileuses, quittant l'usine, "gamines de quinze ans, jambes, bras, poitrine au vent ; les cheveux mouillés, les joues rouges et suantes, un sac humide sur les reins, un chiffon d'indienne sur les seins, elles offrent à l'air libre leur chair blême... Il en sort toujours de ces fillettes en sueur et si peu vêtues. " 12
C'est aussi la description des sucrières qui, " les nerfs tendus, les traits contractés sont débarrassées de presque tous leurs vêtements".13

Rien n'est conçu pour faciliter la présence des femmes au travail; tout est fait pour leur enlever leur identité corporelle et affective, ainsi que tout sentiment de sécurité, dans une logique de dénégation et de mise à nu.
L'usine n'est pas la place des femmes; c'est à elles d'assumer les conséquences de leur présence.
Ces cumuls de sujétion rendent particulièrement difficile la situation des femmes salariées confrontées à un monde d'hommes; leurs collègues ne manquent pas, alors, de profiter des occasions, ainsi offertes. Ainsi, les ouvriers et ouvrières de la métallurgie de chez Schneider à Harfleur sont, dans les années 1920, véhiculés quotidiennement - le voyage dure une heure - de Honfleur à Hoc dans de véritables wagons à bestiaux, sans lumière et sans banc. Une ouvrière " écœurée se plaint que les femmes sont victimes de fâcheuses méprises, l'obscurité étant complice des agissements de certains ouvriers inconscients, qui abusent de la situation". Au point que l'une d'entre elles, enceinte, est obligée, pour se protéger, d'allumer une bougie et de se tenir dans un coin. "Bien que cette situation ne soit pas drôle, cela fait rire tout le monde". 14
La militante, qui nous transmet cette scène de vie, rend responsables de cette situation "les gros requins de la métallurgie" qui ne s'intéressent pas à la situation morale des ouvrières. Mais, de fait, ici, ce qu'elle dénonce implicitement, c'est l'inégalité des rapports entre les sexes, au sein même de la classe ouvrière ; ce sont bien ses camarades hommes qui ne respectent pas les femmes et se moquent d'elles. Mais, en tant que communiste, elle ne peut les accuser formellement d'immoralisme, de mépris des femmes, au risque de rompre la solidarité de classe, ou de reprendre à son compte les jugements bourgeois sur les ouvriers. C'est ainsi qu'elle reconnaît que ses camarades masculins peuvent à la fois abuser de la situation - ce qui pose leur responsabilité - et les qualifier d'inconscients - ce qui les déresponsabilise.

Se laver, se déshabiller, aller aux toilettes apparaissent comme l'occasion de contrôles supplémentaires, comme autant de façons de les humilier en leur rappelant qu'elles ne sont malgré tout que des femmes.
Si la suppression de la fouille est une vieille revendication ouvrière, les femmes doivent la subi plus longtemps15 et surtout différemment des hommes ; d'autant que ce son parfois des hommes qui effectuent ces fouilles sur des femmes.

Dans les manufactures des Tabacs, celle-ci est quotidienne et très mal supportée par les ouvrières ; elles doivent se mettre en rang dans la cour en attendant les préposé-es chargé-es de cette tâche. En 1900, elle n'a plus lieu que 4 à 5 fois par mois, à l'improviste, sur l'ordre de l'ingénieur ; elle peut être publique, si elle est superficielle ou à huis clos si elle est complète. 16

En 1925, dans l'alimentation, en région parisienne, les vendeuses sont fouillées tous les jours ; ce procédé est qualifié, par L'Ouvrière, de "suprême humiliation, de procédé ignoble et dégradant". 17

Quant à l'hôpital Tenon, à Paris, en 1926, c'est un dénommé Bouscary, concierge de son état, "un bien triste sire, d'un sans gêne incroyable", qui se permet non seulement de fouiller tout le monde à l'entrée, mais s'arroge en outre le droit de "palper les femmes afin de se rendre compte qu'elles ne cachent rien d'interdit aux malades". 18

Sous couvert de contrôler la fauche, voire de rechercher un objet volé, il arrive que les femmes soient contraintes, régulièrement ou exceptionnellement, de se déshabiller complètement ; le cas est relevé dans les usines, les ateliers, le commerce.

Les vestiaires, le seul espace qui leur soit propre sont eux aussi sont fouillés : aux Jambons français, le chef du personnel qui "passe chaque jour ou presque les vestiaires en revue et ne trouve jamais (le contrôle) assez minutieux".19

Mais souvent, les femmes - c'est aussi le cas des hommes - n'ont pas de vestiaires propres et n'ont que de simples clous pour accrocher leurs affaires. Lorsqu'ils existent, ils sont trop étroits, rarement personnels, n'ont pas de fermeture de sûreté, tandis que ce qui peut y être déposé est étroitement réglementé.

Dans les années 1920, chez un fabricant d'articles de voyages, "chacune accroche ses vêtements là où elle peut, les uns sur les autres, n'importe où, dans la poussière et le cambouis". 20 Dans une fabrique de briques réfractaires, dans le Vaucluse, les ouvrières doivent se déshabiller "dans l'encoignure d'un pilier"21 ; chez Motte, "alors que le directeur a pour lui deux bureaux, dans un endroit où tout le monde passe" 22; tandis qu'à l'usine Dunlop, hommes et femmes se déshabillent "pêle-mêle".23

Mais cette promiscuité sexuelle n'a pas la même signification pour les hommes et pour les femmes : à la Manufacture des Tabacs du Havre, en 1897, les ouvrières déplorent que "le surveillant se promène devant la porte d'entrée de leur vestiaire lorsqu'elles se déshabillent". 24

Dans les toilettes des femmes se pratique un voyeurisme quasi-institutionnel ; on peut y lire des graffitis, anonymes ou non, où les propositions obscènes et les dénonciations ont libre cours. Sous couvert de contrôle du temps, en 1926, à la Brasserie polaire du Havre, pour aller aux lieux d'aisances, il faut demander la clé au contremaître "qui surveille attentivement la fréquence des besoins des ouvrières". 25

Les règles des femmes, tabou par excellence, peuvent être l'objet d'une surveillance humiliante de la part d'hommes qui jouent sur la honte que de nombreuses femmes éprouvent vis-à-vis de leurs corps pour leur rappeler leur statut inférieur. 26

Des questions, des insinuations sur leur vie sexuelle, souvent présentées comme autant de plaisanteries, révèlent la volonté de posséder, d'humilier au plus intime des êtres. Un commis au sanatorium Clemenceau - dont on précise que la seule capacité est d'avoir été officier en temps de guerre - reçoit ainsi une jeune fille arrêtée une journée pour maladie : "Comment ça se fait-il que vous soyez malade ? C'est-il vos règles qui vous fatiguent ou autre chose ? Vous pouvez me répondre ; je dois tout entendre. S'il y a quelque chose qui vous gêne, il faut me le dire."27 Les termes employés sont révélateurs : la réponse aux questions qu'il pose relève plus de la contrainte que de l'autorisation.

Sous couvert d'embauche, certains employeurs ou supposés tels arguent de la nécessité d'un contrôle médical, pour effectuer, comme aux prostituées "en carte" des "visites sanitaires". C'est à l'occasion de campagnes contre la traite des blanches, que certaines de ces pratiques se dévoilent.

En 1902, une jeune modiste de 18 ans, Henriette V., engagée par l'Office central des concerts, rue du Faubourg Saint-Martin, signe un contrat pour se produire à Capetown. Les employeurs, MM. Hayum et de Beaucourt, avant de prendre le train pour l'embarquement, l'emmènent dans un hôtel proche de la gare Saint Lazare "pour voir si elle est bien constituée pour la danse"28, puis la conduisent chez un médecin qui établit qu'elle "n'est atteinte d'aucune maladie vénérienne". Au magistrat stupéfait qui lui demande si le fait d'avoir été examinée "sous toutes les coutures" ne l'a pas mise en éveil, celle-ci répond : "M. Hayum m'a dit que tous les passagers de bateaux anglais étaient soumis à cette formalité par crainte de la fièvre typhoïde". 29

En 1907, une jeune femme de 23 ans ayant déposé une annonce de recherche d'emploi reçoit une lettre d'une supposée actrice de la Comédie Française. Celle-ci vient, selon les termes de la lettre, de se séparer de son ancienne femme de chambre anglaise qui a "attrapé une maladie intime" ; aussi exige t-elle que la postulante soit vue par son docteur. Un citoyen informé explique à la future victime que cette lettre est l'oeuvre d'un malandrin qui "veut abuser de son inexpérience de la vie". Il saisit la police. 30

Le corps des femmes au travail gêne et embarrasse ; il ne doit pas troubler le bon ordonnancement de l'espace de travail. Quand il n'est pas indûment exposé, on le fait disparaître sous des tenues qui le gomment, le déforment, lui enlèvent toute féminité.
Si la culture ouvrière masculine permet aux ouvriers de s'identifier au travail productif, si la force physique, voire la saleté, identifiée à la virilité, est perçue comme la reconnaissance de leur statut31, il n'en est pas de même pour les femmes.
À l'inverse, cette dégradation des corps justifie qu'elles soient encore plus mal traitées. Ces femmes ne sont que des caricatures de féminité, jouent un rôle de repoussoir ; elles ne peuvent plus alors inquiéter l'ordre des sexes.

Situées au plus bas de l'échelle de la reconnaissance ouvrière, les ouvrières ne peuvent même plus faire valoir les attributs caractéristiques de leur sexe. Elles portent sur elles la marque de leur déchéance. Leurs vêtements sont le signe de la valeur qu'on leur accorde: blouses poisseuses, moites de la sueur de la veille des wheeleuses; tabliers de toile à sac, raides à se tenir debout tout seuls des raffineuses de sucre, gris de poussières pour les trieuses de charbon, humides et sales pour les ouvrières des filatures; haillons imprégnés d'huile des garnisseuses de cardes; vêtements imprégnés d'une "odeur effroyable, fade, écœurante, indélébile" des sardinières de Saint Guénolé. Une station d'une heure dans cet enfer putride rend bons à jeter les vêtements de ceux qui n'aiment point transporter partout avec eux une atmosphère sui generis, intolérable aux narines qui n'y sont pas accoutumées." 32
Comme les sardinières, on reconnaît dans la rue, une ouvrière des filatures se reconnaît à son odeur. 33

Rien ou presque n'est prévu pour que les ouvrières puissent se nettoyer ; elles doivent souvent rentrer chez elle dans un état physique pitoyable.
Si des lieux de toilette sont prévus sur les lieux de travail, les femmes peuvent en être exclues.
Ainsi, dans les mines d'Anzin, la direction construit de nouveaux bains -douches en 1926 ; les femmes n'ont pas été prises en compte et les trieuses n'y ont pas droit. 34
Aux usines Dunlop, en 1923, l'ouvrière quitte l'usine "le visage encore recouvert d'une couche de graisse laissée par la poussière de caoutchouc mêlée aux vapeurs d'essence". 35
À Rouen, celles qui travaillent avec de l'esprit-de-sel n'ont pas de lavabos et doivent se laver à l'essence. 36
À Apt, à quelques rares exceptions près, des centaines de femmes travaillent, des heures durant, dans la chaleur provoquée par la cuisson des fruits, sans que les confituriers n'aient prévu de lavabos. 37

Les toilettes, lorsqu'elles existent, ne sont pas nettoyées par la direction ; il n'y a pas de lumière, pas d'eau, pas de savon.
Au Havre, en 1926, à la maison Gisels, "tout est dégoûtant, depuis le lieu de travail, en passant par le vestiaire, mais surtout les W. C. Plutôt que d'installer des toilettes hygiéniques et propres, le directeur a trouvé plus simple de transformer ses trieuses en vidangeuses. 38 Toutes les ouvrières de la maison doivent nettoyer à tour de rôle. Celles qui refusent sont mises à la porte." 39

Certes, les usines de femmes n'ont pas le monopole de la saleté, mais le statut de la propreté n'est pas le même selon les sexes. Un mineur, noir de poussière de charbon, arbore son identité professionnelle sur son visage, tandis que sa femme est supposée l'attendre au logis pour le laver dans le tub dont elle a eu soin de faire chauffer l'eau. Une femme au visage noir porte sur elle l'infamie de son statut et suscite quolibets et railleries. C'est le cas des "filles à cailloux" qui sont la risée d'une partie des ouvriers parce qu'elles sont toutes noires, lorsqu'elles reviennent du travail. 40

Il faut insister sur les conséquences de cette dévalorisation généralisée du corps des femmes dans la production; puisqu'il est si dévalorisé, pourquoi le protéger ? Dans les travaux domestiques, à la campagne notamment, beaucoup d'entre elles n'accomplissent-elles pas déjà des activités de "bêtes de somme" ?
De fait, les femmes ont souvent été employées dans des emplois physiquement très durs.
Michelle Perrot a noté qu'au début du XIX e siècle, les chantiers de construction, de terrassements, les chemins de fer, emploient des femmes. 41

On peut aussi parler de celles qui, dans les caves de Champagne, "doivent fournir un travail d'hommes"42, des confiturières d'Apt dont le travail est "au-dessus de leurs forces" 43, des trieuses de charbon qui "accomplissent un métier de forçat" 44, des domestiques, " plus particulièrement encore de couleur, capables de porter de lourds fardeaux et d'assurer les services les plus lourds"45, ainsi que des ouvrières des imprimeries sur métaux, qui "manient par jour 7 à 8 000 kilos et plus de fer".46

Citons, en outre, pour la fin du XIXe siècle, les exemples suivants, les wheeleuses dans la fabrication du tulle sont employées dans des conditions "qui réclament une position des plus pénibles et un extrême déploiement de force. Les hommes sont unanimes à trouver que cette besogne ne devrait pas être laissée aux femmes."47

Quant aux pousseuses du Creusot, - des centaines de femmes en 1899 - elles travaillent, douze heures par jour, exposées à toutes les intempéries, occupées à empiler dans des brouettes les résidus de charbon. "Pour 32 sous par jour, il faut qu'elles aient chargé et roulé 25 brouettes contenant chacune un hectolitre de charbon ; et lorsque le temps est pluvieux, que la poussière du charbon s'attache aux doigts engourdis et que la tâche épouvantable n'a pu être remplie dans la journée, une diminution est encore faite sur le dérisoire salaire qu'on ose offrir à ces femmes en échange d'un travail qu'on n'imposerait point à des forçats." 48

Enfin, les sucrières de Lebaudy sont employées, "à une tâche où les hommes peineraient terriblement, dans une atmosphère suffocante, viciée par une intense poussière de sucre, et par 60 degrés de chaleur. Ces femmes vont comme des automates et font des efforts comme des bêtes de somme, donnant toute leur énergie pour s'acquitter d'une tâche qui les accable, qui les exténue." 49
Enfer des femmes, paradis des hommes, n'est-ce pas ainsi que l'on décrit la tradition dans les raffineries de sucre ?

Tous ces témoignages expliquent, au XIXe siècle, les recours à la métaphore de l'esclavage, de la servitude, pour évoquer le travail des femmes.
Cette réalité gênante de la condition des femmes au travail a été occultée par l'histoire ; elle remet en effet en cause le discours sur leur faiblesse supposée qui justifiait la protection dont on les accablait.
Cette réalité a aussi contribué à renforcer la prégnance par la culture ouvrière de l'image de la femme au foyer comme le symbole de la santé, de la stabilité et de la prospérité d'une maisonnée.

À cette dégradation des corps, se surimpose - imposé collectivement ou singulièrement - un contrôle du corps, de sa mobilité, de ses fonctions naturelles.

Les cheveux courts apparaissent dans les années 1920 comme des symboles d'indépendance ; nombreux sont les pères et maris qui s'opposent formellement à cette nouvelle coiffure. En 1926, un époux demande et obtient le divorce de ce fait. 50

Il n'est donc pas étonnant que ces impositions se trouvent sur les lieux du travail.
En 1925, aux Magasins Réunis de Bar Duc comme à Halluin, à la maison Defretin, en 1927, à Paris, aux magasins du Louvre, il est interdit de se faire couper les cheveux. Dans ce dernier cas, le directeur menace de renvoi celles qui ont "les cheveux coupés et [celles qui ont] les bras nus". 51
En 1925, une jeune fille décrit sa stupéfaction de s'être entendue proposer un emploi aux écritures à 14 francs par jour au journal Le Matin, à cette unique condition. 52

Dans certains cas, pour humilier les récalcitrants pour moraliser en enlaidissant, on impose la coupe de cheveux. Raser la tête des "mauvaises têtes" - dont on vend la chevelure aux fabricants de perruque - est courant dans les institutions catholiques du Bon Pasteur.

Dans certains ateliers de couture, en 1900, "pour que les ouvrières n'aient pas prétexte à flânerie et ne puissent se lever de leur tabouret, les cabinets sont fermés dans la journée et les besoins pressants sont interdits. Le robinet d'eau est aussi fermé. Dame, c'est la conséquence du verrouillage lieux d'aisance ! " dénonce l'une d'entre elles. 53

Demander la permission d'aller aux toilettes est la pratique au Bon Marché en 1906 : il faut en référer au chef de rayon qui, suivant sa disposition, accorde ou n'accorde pas la liberté de satisfaire à ses besoins. 54

L'autorisation peut être aussi décidée arbitrairement, à heures fixes, pour toutes : elle est limitée à dix minutes par jour pour les demoiselles des téléphones en 1909, 55à deux fois dix minutes par jour, après le coup de cloche réglementaire, dans la chaussure, en 1931. Les femmes s'y précipitent "telles des sauvages : il faut faire vite, car elles sont nombreuses". 56

C'est sur les normes vestimentaires que la discipline se fait particulièrement stricte et contraignante. Mais, quel que soit le critère, qui lui-même évolue, l'essentiel est, qu'en marquant le statut, il fonde le pouvoir.

Aux magasins du Louvre, les vendeuses n'ont pas le droit de porter des bas clairs57; chez Baze, dans les Bouches-du-Rhône, les commises doivent être uniformément vêtues de soie noire 58; chez Pillot, dans la chaussure, c'est d'une blouse blanche qu'il faut se vêtir. 59

L'inspection peut être quotidienne et l'on peut être "renvoyée" chez soi pour "se rhabiller". Mais cet uniforme qui marque la distance entre l'employée et les clientes peut avoir aussi la fonction de marquer la distance entre elles-mêmes et d'accentuer les rivalités. Dans les grands magasins à Paris, "la lingerie porte des robes de laine, les confections sont vêtues de soie. Les lingères parlent de leurs voisines avec des moues révoltées d'honnêtes filles". 60

Les magasins reprennent aussi les modèles de pensionnats qui ont fait leurs preuves : à Nice, aux Galeries Lafayette, "le cortège uniforme des robes et costumes noirs réglementaires fait penser, tant les vendeuses sont jeunes, à un pensionnat d'écolières en habit noir." 61

On peut aussi se voir imposer, d'"avoir de la toilette", au gré des critères des employeurs : chez Walline à St-Denis, le patron veut que les ouvrières soient habillées "à son goût". Une ouvrière porte un béret. Il lui en fit l'observation :
- Je veux vous voir en chapeau.
L'ouvrière lui répliqua :
- Un chapeau coûte 30 francs ; ce béret me revient à 5 francs, car c'est moi qui l'ai fait.
Le patron paya. Mais, nouveau scandale. L'ouvrière cette fois était trop coquette et ce fut un motif de renvoi. 62

En 1897, les institutrices se voient formellement interdire par le directeur de l'enseignement primaire de la Seine, le costume spécial, sorte de jupe-culotte pour laquelle La Fronde fait de la réclame, qu'impose, à l'époque, l'usage de la bicyclette.
L'argument qui leur est opposé est qu'elles ont " besoin du respect des élèves et de la considération des parents". La note de service poursuit ainsi: "Nous entendons que notre personnel enseignant veille à ce que jamais sa tenue ou son attitude ne donne prise au soupçon, ou matière à raillerie." 63

Ces conseils de conformité sociale liés à cette interdiction vestimentaire peuvent aussi être interprétés comme une réprobation de l'indépendance des femmes dont la bicyclette est à l'époque le symbole.
En 1894 encore, une dénommée Lanjallée - la fille Lanjallée selon la terminologie des tribunaux - est condamnée par le tribunal correctionnel de Paris à 15 jours de prison pour avoir utilisé la bicyclette, "les jupons retroussés, sans pantalon, avec aux jambes de simples chaussettes". Motif : outrages publics à la pudeur. 64

Dans certains métiers - où la présentation joue un grand rôle -les femmes sont elles-mêmes un faire-valoir de l'entreprise ; dans le commerce, elles sont un argument de vente. Là encore, sur d'autres critères, la toilette est réglementée : " La vendeuse est dans le magasin l'objet qui flatte au premier coup d'œil. Elle fait parfois à elle seule la fortune de la maison. Parée dès huit heures du matin, elle pousse à la vente par son charme et ses manières." 65 C'est en ces termes que les demoiselles de magasins étaient décrites en 1840 ; ils sont encore adéquats pour la fin du siècle.

Mais ce fut surtout sur l'interdiction faite aux vendeuses de s'asseoir, durant leur journée de travail, dans les magasins que l'attention se concentre.

Un comité de "dames" de Paris animé par la Marquise de la Tour du Pin prend l'initiative, en 1888, d'une pétition adressée aux grands magasins. Celle-ci dévoile le sens caché de cette interdiction : "Il s'agit d'assurer d'une manière constante à la clientèle le service d'un personnel toujours diligent et en éveil." 66 Au nom d'une solidarité entre clientes et vendeuses, ces femmes aisées, conscientes des conséquences pour la santé du fait de rester debout toute la journée, demandent que cette coutume "qui a quelque chose d'inhumain" soit abrogée.
Les directeurs résistent. Ce serait, selon eux, transformer le magasin en salon où l'on cause ; les employées auraient tendance à ne pas se lever à l'arrivée des clientes. De fait, ce qui est exigé d'elles, c'est une disponibilité permanente.
Une loi - dite loi des sièges - est cependant votée, le 1er février 1901. Mais dans la mesure où elle ne s'applique qu'aux femmes, certains patrons utilisent cet argument pour renvoyer leurs employées et embaucher des hommes.

L'organisation hiérarchique du travail reproduit et aggrave la dépendance de ces femmes par rapport aux hommes, en analogie avec les fonctions traditionnellement dévolues aux femmes dans la famille.

On sait que l'expérience des couvents usines s'est exclusivement limitée aux femmes67; elles sont par ailleurs beaucoup plus nombreuses que les hommes à être logées sur le lieu même de leur travail.
La plupart du temps, elles y sont étroitement surveillées ; il leur est interdit de recevoir quiconque et les horaires et le règlement de ces dortoirs sont quasiment ceux des pensionnats.
C'est la situation des ouvrières en soie, des fileuses de la Drôme, de l'Ardèche et du Gard, des ouvrières en brosserie de Rennes, des fromagères de Roquefort.
Ce type de logement se maintient pour les infirmières et les vendeuses qui se voient cependant progressivement attribuer de petites chambres individuelles.

Si ces solutions ont surtout été proposées aux orphelines, si elle a facilité la mobilité géographique des jeunes filles et contribué à élargir leurs horizons, en contrepartie, elles accroissent l'état de dépendance de ces femmes vis-à-vis de leurs employeurs.

Aux magasins du Louvre, si une jeune fille n'observe pas la discipline qui lui est imposée, l'administration lui enlève son logement. 68
Et lors de la grève des ouvrières fleuristes de Hyères, en 1907, ce sont celles qui logent chez les patrons qui ont brisé la grève. 69

Les tâches attribuées aux femmes sont souvent une perpétuation des formes traditionnelles du travail domestique : les femmes balaient, nettoient les ateliers, les toilettes, font les courses, voire les repas. N'est-ce pas leur vocation  naturelle ?

Dans les filatures de lin en 1914, les ouvrières doivent, non seulement nettoyer elles-mêmes les métiers, mais aussi balayer l'atelier. Le temps passé à cette opération qui a lieu le samedi après-midi à partir de 4 heures n'est pas payé et celles qui refusent cette corvée sont frappées d'une amende de 5 à 10 sous. 70

C'est également le cas chez Cartier-Bresson, où le temps fecté au nettoyage, étant pris sur le temps de travail, empêche de se faire des primes. 71À Marseille, en 1923, une ouvrière qui travaille dans une imprimerie se plaint que "toutes les femmes, et elles seules, sont obligées, a l'heure réglementaire de nettoyer les machines". 72
Enfin, dans le Nord, à l'usine Guillemaud Aîné, non seulement celles-ci sont, seules, chargées de nette les métiers "afin de faire honneur à Messieurs les actionnaires " en visite à l'usine, mais elles doivent en outre fournir le savon, la potasse et le pétrole nécessaires. 73La gratuité du travail domestique inclut ici jusqu'à ses moyens de production matériels.

Quant à la grève des fileuses en soie de 1908 au Viga, elle e lieu sur ces motifs : suppression de la taxe de 1 % sur les balais, suppression des amendes, suppression du nettoyage en dehors des heures de travail. 74

Dans le commerce, aussi, le cumul du travail salarié et des tâches domestiques se perpétue.
Dans les petites boutiques, l'employée fait aussi couramment fonction de domestique ou de manutentionnaire.
Un syndicat des laitiers crémiers dénonce les dures conditions de ce travail, où l'on commence à 5 heures du matin pour terminer à 10 heures du soir, et où "les employées font toutes les corvées, depuis le portage du lait jusqu'à l'astiquage des cuivres et le ménage de la patronne". 75

En ce qui concerne les uniformes des femmes au travail, il est significatif que ce soit à elles de les acheter, les nettoyer, voire les confectionner, comme dans les Tabacs où - contrairement aux hommes - seul le tissu leur est fourni. C'est à elles, à la maison, de le couper et de le coudre. Madame Jacoby, déléguée au Comité central du Congrès national des Tabacs de 1911, refuse ce qui, pour elle, est une obligation indue : "Quand j'ai donné ma journée de travail à l'administration, j'ai en rentrant chez moi des soins à donner à mon ménage ; je n'ai pas le temps à me mettre à confectionner des tabliers ; je ne veux pas réduire mon salaire pour en payer la confection." 76

Violences physiques, punitions, amendes, coups et menaces de coups, gestes obscènes, injures ne sont pas l'apanage des femmes, mais elles en supportent incontestablement, avec les apprentis, les formes les plus humiliantes et en sont les cibles privilégiées.

Le recours à la violence physique se retrouve sur les lieux du travail. Cette violence y est cependant beaucoup moins fréquente qu'elle ne l'est dans les familles. On note que dans les mines, les surveillants jettent en plein hiver de l'eau froide sur les trieuses, "pour les obliger à continuer leur travail". 77Et chez Chauvet à Orléans, il est courant de "distribuer des gnons aux gamines incapables de se rebiffer". 78

Celles-ci sont beaucoup plus souvent pratiquées sur les femmes les hommes.

Lors de la grève des casseuses de sucre de l'usine Lebaudy apprend que celles-ci, pour une tablette tachée de leur sang - le sucre exerçant sur leurs doigts l'action d'une râpe -, sont condamnées à un certain nombre de jours de balais, travaux de nettoyage, corvées. Le tarif est de quinze jours de balai pour un morceau de sucre taché dans un carton. Et si elles persistent à se blesser, c'est la mise à pied. La "pêche" - spécialité de l'usine - consiste pour les punies, à rester une heure à genoux à trier les morceaux de sucre tombés dans les déchets. 79

Les ouvrières du pétrole sont elles aussi l'objet de punitions. Avant la Première Guerre mondiale, elles doivent, alors, lorsqu'elles ont été surprises en train de parler, gratter à sec, toute une journée, la peinture sèche des vieilles caisses, ce qui leur emplit la bouche, la gorge, de poussières nocives. 80

Il en est de même - en moins pénible ? - dans les magasins : les punies sont assignées aux réserves, à la manutention81 - comme dans les bureaux.
Dans les Postes, des dimanches de punition sanctionnent les retards, même de faible durée, et les employées peuvent être retenues après l'heure, sans justification. 82
Tout est fait pour infantiliser ces femmes salariées, les maintenir dans des relations de dépendance personnelle qui perpétuent l'infériorité de leur statut au sein de la famille.
Cette réalité du monde du travail n'est pas pour autant acceptée sans réactions. Un article publié dans La Fronde, en 1889, explique à qui veut bien l'entendre que les dames employées dans "les postes ne sont plus des enfants et que le téléphone n'est plus une école". 83

Les injures adressées aux femmes sont révélatrices des statuts auxquels on les affecte, comme de la manière dont on les traite.
Les métaphores par lesquelles on les désigne sont de trois ordres.
Elles sont grossièrement nommées en relation avec le règne animal : vachères, grosses vaches, bourriques, troupeaux d'oies, espèces de veaux, tas d'huîtres, les poules, les bêtes, mais aussi avec le règne végétal : poires blettes, vieux citrons.
En ce qui concerne le règne humain, c'est par analogie avec les prostituées qu'elles sont le plus couramment désignées : grues, gourgandines, petits jupons, gonzesses, rôdeuses, péronnelles, traînées.
Mais elles sont aussi désignées comme des bonnes à rien ou des moins que rien, voire des canailles, mais aussi comme des fainéantes, des maladroites.
Le langage est en général soit scatologique, soit sexuel, toujours dénégateur.

Si la subordination hiérarchique est la pierre angulaire des relations du travail, les formes qu'emprunte l'expression de l'autorité sont indiscutablement marquées - lorsqu'elles s'adressent aux femmes - par celles qui prévalent dans les familles. C'est parce que le pouvoir hiérarchique s'est coulé dans le moule du pouvoir familial, que la division sexuelle des tâches a pu si aisément se perpétuer dans le salariat ; elles aggravent donc les formes plus connues de l'exploitation.

En règle générale, les conditions matérielles de travail placent les femmes dans un rapport de subordination : postes sédentaires, isolés, plus souvent que pour les hommes rémunérés au rendement ; mobilité étroitement surveillée, travaux répétitifs, dénués de responsabilité surtout quand l'équipe comprend des hommes.
Les hommes seuls ont la maîtrise de la technique. L'interdiction légale pour une femme de réparer une machine en marche, instaurée par le décret du 21 mars 1914, est l'expression la plus claire de cette discrimination sexiste, fondant institutionnellement la dépendance technologique des femmes par rapport aux hommes.
Dans certains ateliers, les contremaîtres font délibérément attendre les ouvrières avant de réparer leurs machines ; se traduit par une paye réduite à la fin de la quinzaine.84
Quelles que soient leurs aptitudes, leurs capacités, leur productivité, elles sont, à de rares exceptions près, maintenues aux niveaux hiérarchiques inférieurs à ceux des hommes.
Les postes qui leur sont affectés sont majoritairement fondés sur le principt nécessaire maintien de cet ordre.
Ce sont les hommes qui, dans la grande majorité des cas, embauchent, décident des arrêts de travail, de l'affectation des postes, des amendes, des promotions, des salaires, rédigent les règlements intérieurs, dépannent les machines, organisent l'agencement intérieur de l'espace de travail.
Cette division sexuelle du travail peut expliquer que les femmes sont souvent affectées aux postes de travail les plus fatigants, les plus dangereux pour la santé. Julie Daubié évoque cette réalité : "Les femmes sont généralement occupées aux travaux homicides". 85

Il arrive aussi dans certains cas - ainsi aux filatures - que "les travaux les plus répugnants, les plus durs, les plus affreux sont exécutés par des mères". 86 Et des femmes enceintes peuvent être transférées à des postes plus durs que ceux qu'elles avaient avant leur grossesse.

La notion de qualification paraît presque incongrue pour les femmes : servantes de l'homme comme de la machine, elles doivent être disponibles - mobiles ou attachées - et ne sont pas reconnues pour elles-mêmes.
Femme-machines ou femmes-toutes-mains, c'est la machine qui définit leurs fonctions et à laquelle elles s'adaptent. Elles sont alimenteuses, scieuses, lingoteuses, rangeuses, peseuses, fileuses, dégringoleuses, pousseuses, dans les sucreries ; traîneuses, empoteuses, glaceuses, frotteuses, émailleuses dans la fabrication des pipes de Saint Omer; tisseuses, dévideuses, tordeuses, canneteuses, tavelleuses, remondeuses, ourdisseuses dans la filature lyonnaise; compteuses, ouvreuses, classeuses, étireuses, équarisseuses, brosseuses, débordeuses, plaqueuses, monteuses pour la préparation des peaux de lapins; peintres, gratteuses, futeuses, encaisseuses dans les industries du pétrole; survideuses, tamboureuses, dévideuses, wheelleuses dans l'industrie du tulle mécanique; cigareuses, cigarettières paqueteuses, robeuses, dégarnisseuses, emboîteuses, époulardeuses dans les Tabacs; apprêteuses, finisseuses, étoupeuses, brunisseuses, chez les bateuses d'or; jupières, corsagières, manchières, apprêteuses, garnisseuses dans la couture; cotières, piéteuses, dévideuses dans la bonneterie, mais toujours ou presque non qualifiées.

Notons à cet égard que la langue française - présentée comme si réfractaire à la féminisation du vocabulaire (notamment en matière de métier) - ne l'est pas ici. Une avocate, une écrivaine est refusée comme un outrage à la langue ; l'emploi d'aucun des termes de métiers dits non qualifiés n'a, au XIXe siècle, choqué personne.

Plus que la non-reconnaissance de leurs qualifications, c'est la quasi-impossibilité de promotion offerte aux femmes que les travailleuses dénoncent.

La différence systématique des salaires apparaît comme la preuve de l'impossibilité pour une femme d'obtenir un emploi élevé et rémunérateur.

Dans les banques, l'avancement des employées ne dépasse pas les échelons supérieurs des postes subalternes.87 Dans les Postes, en 1902, les hommes, seuls, peuvent prétendre aux emplois de chefs. Les féministes réagissent: "N'est-il pas inacceptable, monstrueux, de condamner certains êtres à ne jamais s'élever au-dessus de certains travaux, quelle que soit leur valeur, à ne jamais pouvoir améliorer leur sort, quelle que soit leur activité, leur énergie. C'est là une forme renouvelée de l'esclavage. La Révolution, en brisant les cadres privilégiés, en abolissant maîtrises et jurandes, a libéré l'activité masculine. Seule la femme voit encore devant ses efforts s'élever les vieilles barrières d'autrefois ; son activité reste entravée. Elle demeure l'esclave que la Révolution n'a pas affranchie" écrit Renée Rambaud dans La Fronde88

Les rares promotions, les augmentations parcimonieuses relèvent moins de la reconnaissance de leur valeur propre et de leurs mérites qu'elles n'apparaissent comme un témoignage de liberalité, une récompense dont on doit être redevable.

L'exemple de cette lettre administrative, datée de juin 1897, en est un exemple significatif :

Chemin de fer PLM.
4ème division. Contrôle.
1er bureau. 212 rue de Bercy.

Madame,

J'ai l'honneur de vous annoncer que, sur ma proposition, Monsieur le chef d'exploitation, a bien voulu accorder une gratification de 10 frs (ou plus) pour votre bon travail. Je vous serais très obligé de me retourner la présente, comme l'accusé de réception.

Le chef de division.

NB. L'employée doit mettre ici ses remerciements et signer89.

Non seulement les femmes sont embauchées dans des postes ou des fonctions où elles ne peuvent concurrencer les hommes, mais on leur abandonne aussi ceux dont les hommes ne veulent plus.

Si l'histoire syndicale a surtout retenu les dangers, pour les hommes, de la concurrence des femmes, elle a eu tendance à occulter le fait que la seule présence des femmes peut avoir comme conséquence une promotion des hommes, ou tout au moins éviter ou retarder un processus de déqualification.

En 1898, Louis Frank, auteur d'un essai La condition politique de la femme, tente d'expliquer aux hommes - inquiets - des dangers du travail féminin - pourquoi leurs craintes devaient être vaines. "L'emploi des femmes ne peut causer à l'homme aucun préjudice réel, car on confiera généralement aux commis et aux auxiliaires féminins des occupations secondaires qui répugnent à l'homme et dans lesquelles les femmes apporteront plus d'ordre, des soins plus minutieux, une ponctualité plus grande.
L'Etat, de son côté, a un très sérieux intérêt à abandonner aux femmes tous les travaux accessoires dont les hommes s'acquittent fort mal et que des employées rempliront beaucoup mieux. Ce sera même temps rendre un grand service aux hommes eux-mêmes que de les tenir à l'écart d'une série d'emplois inférieurs de bureaux. La plupart de ces emplois sont en sans avenir, mal rétribués, et l'homme à la longue finirait par s'y abrutir".
La Fronde qui reproduit ce texte d'un auteur qu'elle considère comme féministe, estime cependant qu'il exprime " naïvement, dans son ingéniosité égoïste, toute la pensée masculine". 90

Pour reprendre un constat de Stuart Mill, dans les Principes de l'économie politique, " le sexe (des femmes), à lui seul, constitue, une cause de dépréciation de leur travail".91 En effet, si les femmes sont moins payées que les hommes, c'est parce qu'elles le sont sur des critères qui relèvent plus du maintien de l'ordre masculin que d'une logique strictement professionnelle.
Les conditions de calcul du salaire marquent la différence. Dans l'industrie, les femmes sont souvent payées à la pièce et les hommes à la journée; dans l'administration, les femmes à la journée et les hommes au mois : c'est le cas dans les postes, les chemins de fer, au Crédit Lyonnais.

On relève ainsi nombre d'exemples qui montrent que les critères d'ordre familial ou moraux décident aussi du salaire des femmes.

À la fin du XIXe siècle, la morale veut que lorsqu'une employée de maison est enceinte sans être marié, elle soit renvoyée. On retrouve le cas dans les usines du Nord. Si on veut, par charité, la garder, il est normal d'en profiter pour baisser son salaire. C'est ce qui est arrivé à Eulalie Michaud, qui "enceinte des œuvres d'un fils de famille", est licenciée de l'atelier de passementerie où elle travaille, puis, reprise au salaire de 12 francs par mois au lieu de 50. 92

En 1897, à Armentières, on prête à un industriel de la ville l'intention de renvoyer toutes les "filles mères" et les "filles" enceintes travaillant dans son tissage. 93
En 1901, les nourrices filles gagnent 45 francs, les femmes mariées, 60 frs.94
À Caen, en 1923, le patron d'une imprimerie qui "veut de la moralité" paie une « fille mère » 1 franc de moins que les autres ouvrières.95

Dans certaines industries, si le mari est employé à l'usine, la femme gagne 1 franc par jour de moins que ses compagnes. 96 Les femmes elles-mêmes acceptent plus aisément la faiblesse de leurs salaires ; c'est d'abord en référence à la gratuité du travail domestique qu'elles le jugent. Jeanne Bouvier raconte dans son livre sur la lingerie, comment en 1884, à l'ouverture de la manufacture de la Motte, le directeur se rappelle avoir entendu de divers côtés : "Est-ce bien vrai que l'on paie en argent ? " 97

Il apparaît, à travers les exemples cités que, pour être appréhendé, le travail des femmes doit être d'abord saisi dans son rapport avec le pouvoir masculin.

Mais ce pouvoir est pluriel; il recouvre de multiples fonctions, de multiples rôles, au sein de plusieurs institutions : l'Etat, la famille, l'usine ou le bureau.

Les hommes défendent ainsi globalement dans leurs rapports aux femmes des intérêts le plus souvent convergents; mais ceux-ci peuvent s'avérer différents, voire contradictoires. En outre, tous les hommes ne profitent pas également de cet ordre patriarcal; nombreux sont ceux qui en souffrent, même si cette réalité est le plus souvent cachée.

Le capitalisme, pour sa part, s'est tout à la fois coulé dans cet ordre familial masculin, mais il en a aussi profondément bouleversé l'agencement
Pour permettre aux classes dirigeantes de préserver leurs pouvoirs, il a en effet mis en oeuvre des stratégies de gestion du personnel, en contradiction avec les logiques traditionnelles.
Les sexes, loin d'être posés comme complémentaires, ont pu être délibérément mis en concurrence.
Ainsi, des hommes sont employés dans des emplois traditionnellement considérés comme féminins (les vendeurs en lingerie par exemple) tandis que certaines femmes - peu nombreuses - peuvent être payées plus que certains hommes. Sans même évoquer le fait plus connu que des femmes travaillent alors que des hommes son au chômage.

Dès lors, les frontières sont brouillées, les antagonismes surgissent ; l'angoisse et l'agressivité à l'encontre des femmes s'expriment.
La division sexuelle du pouvoir n'épouse plus exactement la division sexuelle du travail.  

C'est ainsi que l'on peut comprendre pourquoi, progressivement, les salaires ne seront plus exclusivement définis par le sexe. La mise en concurrence des hommes par rapport aux femmes peut avoir, dans certains cas, pour conséquence une revalorisation relative des salaires des femmes. Et dans certains cas limites, encore peu nombreux, le sexe importe peu ; seule compte la productivité de chaque salarié-e.

Cette mise en concurrence entre les sexes est traversée par d'autres contradictions. Les femmes entretiennent avec ces pouvoirs masculins des rapports qui varient au gré des formes qu'ils prennent ; elles peuvent les intérioriser, les subir contre leur gré, les reproduire passivement, mais aussi lutter contre eux, par la ruse, le mensonge, la vengeance, l'affrontement individuel ou collectif, physiquement violent ou non.
Ces réactions dépendent aussi de leurs interlocuteurs, selon qu'ils sont patrons, supérieurs hiérarchiques, collègues ou - beaucoup plus rarement - hommes situés à des niveaux hiérarchiques inférieurs au leur.
Elles dépendent aussi de leur statut familial, selon qu'elles sont mariées, divorcées, veuves, mères célibataires, chefs de famille, mais aussi de leur classe sociale, laquelle peut-être ou non celle de leur mari.

Enfin, dans cette complexe division sociale et sexuelle du travail, l'ambivalence des différentes fonctions maritales, maternelles, productives, domestiques et sexuelles se reproduit dans le salariat. L'identité des femmes sur leur lieu de travail reste profondément marquée par la perpétuation de l'ambivalence de ces fonctions.

Le dialogue suivant imaginé par Léon Frapié, sociologue avisé des rapports entre les sexes au tournant de ce siècle, nous révèle comment cette ambivalence se retrouve dans la perception masculine du travail des femmes.
La scène qui réunit plusieurs collègues a lieu au moment de l'annonce de l'embauche des femmes dans la Fonction Publique :
- Vous connaissez la nouvelle, messieurs ? lança-t-il. On va féminiser les ministères.
Simultanément tous les collègues dressèrent le nez, comme fait un chien auquel on présente un morceau de sucre.
Cadouran continua :
- Chaque employé sera associé à une employée.
Minet ouvrit son coeur :
- Chic, je fourrerai tout le travail à mon associée.
Alors, Monsieur Jadot, cria Lapalette, au lieu d'avoir un Monsieur Minet devant vous, vous aurez une petite minette.
Blanblan fut le seul à ne pas rire. Il grinça et montra la face d'un paysan capable d'asssassiner sa mère par cupidité.
- C'est un abus ! Les femmes ne sont bonnes à rien. Il ne manquerait plus que cela, qu'elles viennent nous voler nos places !
Jadot intercéda, suppliant, respectueux :
- Voyons, Monsieur Blablan, soyez indulgent !
- Selon la règle, les femmes bénéficieront de la mauvaise besogne ; elles manieront de lourds dossiers, elles avaleront la poussière. Vous ne pouvez pas leur refuser cela ; tous les défenseurs de la famille vous prouveront que les femmes sont par destination naturelle des filtres à poussière.
- Et puis, dit Marcellin, joyeux, les femmes monteront à l'échelle faire des recherches dans les cartons du haut.
Aussitôt éclata un feu d'artifice de bons mots... "
98

Le processus de construction de la mixité de l'emploi ne fut donc ni linéaire, ni constant, ni exempt de contradictions, entre les sexes d'abord, entre l'intérêt purement économique de l'utilisation de la force de travail féminine et la défense de l'ordre des familles, ensuite.
Les mécanismes de la mise en oeuvre de la division sexuelle du travail ne peuvent donc être analysés de façon binaire à une opposition hommes / femmes. Dans chaque situation historique donnée, les rapports de genre ne peuvent être que conceptuellement construits. Cette opposition n'en est pas moins fondamentale; l'appropriation sexuelle du corps des femmes, dont le droit du cuissage est l'expression la plus claire, en est la marque la plus évidente.

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Notes de bas de page
1 Claude Weyl, La réglementation du travail des femmes dans l'industrie, la loi du 2 novembre 1892. Paris, Larose 1898, p. 13
2 L'Ouvrier du Havre, cité par l'Echo des tabacs, août 1903
3 Aline Valette, L'hygiène dans l'atelier. La Fronde, 20 mars 1898.
4 Joan Scott, Les femmes et la mécanisation du travail, Pour la science, Novembre 1982, p. 111.
5 La Fronde, cité par Aline Vallette, La filature lyonnaise, 24 février 1898.
6 Octave Mirbeau, Le Journal d'une femme de chambre, roman, Paris, E. Fasquelle, 1927, p. 12.
7 Aline Valette, L'usine de la lampe Osram, La Bataille syndicaliste, 30 septembre 1913.
8 Souvenir personnel d'une photo de famille.
9 Marie-Hélène Zylberberg-Hocquard, L'ouvrière dans les romans populaires du XIX ème siècle, La Revue du Nord N° spécial. Histoire des femmes du Nord. 1981, p. 629.
10 Jean-Claude Bologne, Histoire de la pudeur, Paris, O. Orban, 1986, p. 325.
11 Léon Wolke, Chair à travail, chair à plaisir, Le Libertaire, 13 novembre 1896.
12 Marcelle Capy, Midi à la porte d'une filature, La Bataille Syndicaliste, 3 avril 1914.
13 La Bataille syndicaliste,  L'enfer des raffineries, 14 mai 1913.
14 L'Ouvrière, Chez Schneider à Harfleur, 10 décembre 1925 et 10 février 1926.
15 La fouille des vendeuses se pratiquait encore au Prisunic des Champs Elysées en 1953, cf. L'employé du commerce, C. G. T. Février 1953.
16 M. H Zylberberg-Hocquard, Les ouvrières d'Etat, Le Mouvement Social, Oct-décembre 1978, p. 102
17 L'Ouvrière, L'exploitation des travailleuses de l'alimentation, 3 décembre 1925.
18 Ibid. À l'hôpital Tenon, 19 août 1926.
19 Ibid. Jambons français, 20 janvier 1926.
20 Ibid. Chez Sylvain Roche, 27 janvier 1927.
21 Ibid. À Bollène, 15 janvier 1925.
22 Ibid. Chez Motte, 9 avril 1925.
23 Ibid.,La femme à l'usine Dunlop, 21 avril 1923.
24 L'Echo des Tabacs. Janvier 1897.
25 L'Ouvrière, Brasserie Polaire, 16 septembre 1926.
26 Concernant l'humiliation par les règles sur les lieux du travail, pour une période plus récente, on pourra se référer à : Collectif, 18 millions de bonnes à tout faire, Syros, 1978, p. 141 ; Suzanne Van Rokengem, in Les Cahiers du Grif, F. N, 1974, Une grève pour rien, Les femmes font la fête, Les femmes font la grève, décembre 1974. p. 41 ; les Cahiers du féminisme, Contre les agressions sexistes, Au Brésil, mars/avril 1980.
27 L'Ouvrière, Un commis au sanatorium Clemenceau, 19 Février 1925.
28 Concernant les violences sexuelles sur les jeunes filles, sous couvert d'exigences professionnelles, notamment dans la danse, pour une période plus récente, on pourra se reporter à l'histoire d'Albina, l'hôtesse de l'air dans le roman de Julia Voznescenskaya Le Décaméron des femmes, Actes Sud, 1988.
29 Le Rappel, Un infâme trafic, 3 mai 1902.
30 Archives de police de Paris, Dossier Traite des blanches.
31 Lion Murard et Patrick Zylberman, Le petit prolétaire infatigable ou le prolétaire régénéré, Recherches, Novembre 1976.
32 Osmont, Les sardinières de Saint Guénolé, La Fronde.15 octobre 1901.
33 Thierry Leleu, Scènes de la vie quotidienne, Les femmes dans la vallée de la Lys, 1870-1920, La Revue du Nord, No Spécial, Histoire des femmes du Nord, 1981, p. 661.
34 L'Ouvrière, Dans la mine, 7 mai 1926.
35 Ibid. Aux usines Dunlop, 21 avril 1923.
36 Ibid.Chez Desmarais, 22 octobre 1925.
37 Ibid. Conserves de fruits, 15 décembre 1923.
38 Concernant une période plus récente, sur le rôle joué par les ouvrières dans le nettoyage des toilettes, on pourra se référer à : M. V. Louis, La lutte des femmes de Bekaerk-Cockerill, Les Cahiers du Grif, La mise à nu, Septembre 1983, p.14.
39 L'Ouvrière, Au Havre, 26 avril 1926.
40 Ibid., Les filles à cailloux, 25 août 1925
41 Michelle Perrot, Travaux de femmes au XIXe siècle, Le Mouvement Social . Oct-décembre 1978, p. 8.
42 L'Ouvrière, La fabrication du vin de champagne, 10 novembre 1923.
43 Ibid., Industries confiturières d'Apt, 30 septembre 1926.
44 Ibid., Dans les mines de charbon, 2 juillet 1925.
45 Ibid., Lucie Collard, La crise des domestiques et la main-d'oeuvre de couleur, 14 avril 1923.
46 Ibid., Marseille, 12 mai 1923.
47 La Fronde, Au pays du tulle, 17 avril 1898.
48 Ibid., Les femmes au Creusot, 4 octobre 1899.
49 Marcel Laurent, L'enfer des raffineries, La Bataille Syndicaliste,14 mai 1913. Pour une description plus récente de l'univers des sucreries, on pourra se référer au livre de Christiane Peyre, Une société anonyme, préface d'Albert Memmi, Julliard,1963.
50 L'Ouvrière, Les lois françaises en désuétude, 8 Juillet 1926.
51 lbid., Gare aux cheveux coupés et aux bras nus, 2 juillet 1925,
52 lbid., Au journal Le Matin, 16 avril 1925.
53 La Voix du Peuple, Dans la couture, 1er décembre 1900.
54 Le Libertaire. La vie au Bon Marché, 4 novembre 1906.
55 La Révolution, L'exploitation des femmes, 26 février 1909.
56 L'Ouvrière, Chez Pillot, 16 janvier 1931. Pour une description récente du contrôle urinaire dans les entreprises, on pourra se référer à : Cette violence dont nous ne voulons plus, No. 7, Syndicalisme et Sexisme, Mars 1988, p. 13 à 16.
57 L'Ouvrière, Au Louvre, 21 mai 1925.
58 lbid., La misère en robe de soie, 4 juin 1925.
59 Ibid., Chez Pillot, 16 janvier 1931.
60 Françoise Parent Lardeur, Les demoiselles de magasins, Paris, Les Editions de l'Atelier/Editions Ouvrières, 1965, p.102..
61 L'Ouvrière, Aux employées de Nice, 14 mai 1925.
62 lbid., Chez Walline à St-Denis, 13 janvier 1931
63 La Fronde, Les institutrices et la bicyclette, 25 décembre 1897.
64 La Gazette des Tribunaux, Tribunal correctionnel, 7 Octobre 1894.
65 Françoise Parent Lardeur, Les demoiselles de magasins, Op. cit., p. 22.
66 André Lainé, Les demoiselles de magasins à Paris, Op. cit., p. 204.
67 Sur les couvents usines, on pourra se référer à Jules Simon, L'Ouvrière, Op. cit., Louis Reybaud, Rapport sur les ouvriers vivant du travail de la soie, Op. cit., p. 188 ; Jeanne Bouvier, La lingerie et les lingères. Op. cit. p. 337
68 Fenelon Gibon, Employées et ouvrières, Lyon, E. Vitte, 1906, p. 236.
69 L'Humanité, Grève des ouvrières fleuristes de Hyères, 22 décembre 1907.
70 La Bataille Syndicaliste, Filatures de lin, 29 mars 1914.
71 L'Ouvrière, 24 décembre 1925.
72 lbid., Marseille, 12 mai 1923.
73 Ibid., Région du Nord, 19 mars 1925.
74 L'Humanité, Grève des fileuses en soie au Vigan, 2 décembre 1908.
75 M. Compain, Les femmes dans les organisations ouvrières, Paris V. Giard & Brière, 1910, p. 37.
76 Cité par Marie-Hélène Zylberberg-Hocquard, Les ouvrières d'Etat, Le Mouvement Social, Octobre-décembre 1978, p. 100. Cf., aussi : Le libertaire. À Lyon, une pharmacie élégante cour Moraud. 15 février 1896.
77 L'Ouvrière, Dans les mines du Pas de Calais, 8 avril 1926.
78 Le Père Peinard, Le bagne Chauvet, 18 juillet 1897.
79 Léon et Maurice Bonneff, Les ouvrières aux mains usées, L'Humanité. 16 mai 1913.
80 Ibid., Léon et Maurice Bonneff, Les ouvrières pétrolières, 16 octobre 1913.
81 L'Ouvrière, Les employées, 15 décembre 1923.
82 La Fronde, Ces demoiselles du téléphone, 29 juillet 1898.
83 Ibid.
84 L'Ouvrière, 23 Bd Sadi Carnot, C. A. M Ateliers, 30 septembre 1926
85 Julie Daubié, La femme pauvre au XIX ème siècle, Op. cit., p. 38.
86 Aline Valette, Dans la filature lyonnaise, La Fronde. 24 Février 1898.
87 Melle Schirmacher Kache, Le travail des femmes en France, A. Rousseau, Paris, Mémoires et documents du Musée social, 1902, p. 353.
88 Renée Rambaud, La femme dans le service des postes, La Fronde. 20 mai 1902.
89 Ibid., Melle Chevreuse, Les employées de chemin de fer, 1er septembre 1898.
90 Ibid., Bureaux de femmes, 17 février 1898.
91 Stuart Mill, ciré dans Claude Weyl, La réglementation du travail des femmes dans l'industrie, 1898.
92 André Rossel, Le bon juge, A l'enseigne de l'arbre verdoyant, Ed. 1983, p. 29. Sur Eulalie Michaud, cf. p. 198 de ce livre.
93 Thierry Leleu, Scènes de la vie quotidienne des femmes dans la vallée de la Lys, 1870-1920, La Revue du Nord. Op. cit., p. 659.
94 Tony D'Ulmès, Ventres de filles, ventres de femmes, La Fronde, 22 octobre 1901
95 L'Ouvrière, Dans le Calvados, 2 juin 1923.
96 Ibid., A l'huilerie franco-coloniale, Dans la Gironde, 17 septembre 1925.
97  Jeanne Bouvier, La lingerie et les lingères, Bibliothèque sociale des métiers, O. Doin, 1928, p. 369.
98 Léon Frapié, Marcelin Gaillard, Paris, Calman-Lévy, 1902, p. 168. 169.

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