Prostitution. Proxénétisme. Traite des êtres humains
 Marie-Victoire Louis

Chapitre I : L'environnement politique, juridique,
économique : travaux des femmes , pouvoirs des hommes

Le droit de cuissage. France, 1860-1930
Éditions de l'Atelier
Février 1984
p. 23 à 45

date de rédaction : 01/10/1983
mise en ligne : 03/09/2006 (texte déjà présent sur la version précédente du site)
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La situation de la femme se ressent toujours
de sa servitude primitive à travers toutes les législations
où l’homme seul a fait les lois ;
l'idée de son droit à la possession de la femme
a persisté et domine encore aujourd'hui la vie toute entière
1

L'influence indiscutée du préjugé de sexe
a présidé à l'élaboration de toutes les lois,
et ces lois, à leur tour, réagissent
sur l'opinion publique et concourent au maintien
du préjugé qui les a inspirées
2.

Au XIXe siècle, les femmes sont entrées dans le salariat sans avoir conquis préalablement la libre disposition de leur corps et sans que les barrières juridiques, politiques et sexuelles qui ont été posées pour les maintenir dans la dépendance de leurs pères et de leurs maris aient été levées. La Révolution française et son avatar napoléonien les ont même considérablement renforcées. Léon Richer, un grand juriste et un grand féministe français de la fin du XIXe siècle 3 caractérise ainsi la situation des femmes à cette époque : « Dans le mariage, elle est serve ; devant l'instruction nationale elle est sacrifiée, devant le travail, elle est infériorisée, civilement elle est mineure, politiquement elle n'existe pas. » 4

La législation politique, civile et pénale est fondée sur des distinctions de sexe. La sphère de liberté des femmes face aux pouvoirs des hommes, dans les familles, dans les manufactures ou les entreprises où elles sont employées, peut être appréciée indépendamment de la connaissance de ce contexte légal formellement discriminatoire.  

Selon le code civil de 1804 qui, tout autant que la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, fonde la société française moderne, la femme n'est libre ni de sa personne, ni juridiquement responsable de ses enfants. Par une dénégation du principe d'égalité, la femme doit obéissance à son mari, tandis que le père est seul investi de l'autorité paternelle. Ni son corps, ni l'usage de son corps, ni sa force de travail, ni ses biens ne lui appartiennent. C'est en mineures ou en incapables, « passant de la tutelle de {leur] famille celle de [leur] son mari », selon les termes de Bonaparte, que les femmes travaillent à l'extérieur du domicile conjugal. Assimilées aux enfants, elles peuvent même être traitées plus injustement qu'eux ; en effet, pour les enfants mâles, la situation d'inégalité juridique est transitoire, alors que celle des femmes, fondée sur leur sexe, est définitive. Elle se renforce même avec le mariage.

La non-existence politique des femmes est l'expression de leur dépendance singulière. «Dans notre législation telle qu'elle est, écrit Victor Hugo, la femme possède pas, elle n'este pas en justice, elle ne vote pas, elle ne compte pas, n'est pas. Il y a des citoyens, il n'est pas de citoyennes. » 5

En 1880, la Chambre refuse de voter une proposition de loi qui, sans remettre en cause le principe de la tutelle masculine, aurait accordé des droits civiques aux femmes mariées. Et en 1902, le sénateur Paul Strauss peut assimiler à un même niveau d'inciter : « les femmes, les mineurs, les étrangers et les repris de justice », sans qu'aucune réaction se fasse entendre 6 De fait, l'article 1124 du code civil qui est encore en vigueur sous cette forme au lendemain de la Première Guerre mondiale ne considère en fait comme incapables que « les mineurs, les interdits, les femmes mariées dans les cas exprimés par la loi ». Les revendications des féministes en matière de droits civils pour les femmes restent, au début du siècle, lettre morte. «Le Code est quasi intouchable, il y va de l'équilibre social», écrivent Laurence Klejman et Florence Rochefort. 7
Aucune femme ne fait partie, en 1903, de la commission de révision de ce code.

Les articles 6 et 7 du code civil affirment respectivement : « Les droits de l'homme en société sont politiques ou civils » 8; « L'exercice de droits civils est indépendant de la qualité de citoyen, laquelle ne s'acquiert et ne se conserve que conformément à la loi constitutionnelle ». Ces articles sont clairs : les femmes sont exclues de la citoyenneté.
N'étant ni éligibles ni électrices, elles sont donc soumises à des lois à l'élaboration desquelles elles ne prennent pas part.
Les réformes législatives sont donc dépendantes du bon vouloir des parlementaires et des ministres que les femmes doivent gagner à leur cause, sans que ceux-ci puissent en attendre des avantages électoraux.
Toute proposition de réforme législative qui risque de remettre en cause les privilèges masculins, de mettre à mal les intérêts des classes dirigeantes, ceux des maris et des pères de famille n'a que peu de chances d'être votée. D'autant que les revendications des femmes sont aisément considérées comme portant atteinte à l'ordre social et hiérarchique, à l'ordre moral et sexuel.

Les femmes n'ayant pas légalement de droits civils propres, c'est à leur père, puis à leur mari de décider ce qu'elles doivent ou ne doivent pas faire. La double contrainte des articles 213 et 214 du code civil est l'expression de cette tutelle : « Le mari doit protection à sa femme, la femme doit obéissance à son mari ». «La femme est obligée d'habiter avec le mari et de le suivre partout où il juge bon de résider ». Certes, l'article 214 précise que « l'époux est obligé de la recevoir et de lui fournir tout ce qui est nécessaire pour les besoins de sa vie, selon ses facultés et son état ». Néanmoins, ce devoir reste largement formel, dans la mesure où, en tant que chef de la communauté, il gère seul les biens communs. Son autorité, en revanche, n'a rien de théorique : des débats juridiques ont lieu pour savoir dans quelle mesure, avec quelle efficacité, il est possible de faire appel à la puissance publique pour ramener une épouse à son époux 9. En 1911, une femme mariée est condamnée à réintégrer le domicile conjugal, dans un certain délai, sous astreinte pécuniaire 10.

La violence masculine n'est pas une cause de séparation de corps, tandis que l'on peut évoquer la "conduite" d'une femme, ses "torts" pour excuser la violence du mari.

En 1896, selon un jugement du tribunal civil de Blaye : « Il est du devoir des magistrats de bien rechercher les causes des sévices relevés par l'un des époux envers l'autre et d'en rechercher le véritable caractère. Les sévices relevés à l'encontre de l'un des époux, lorsqu'ils n'ont aucun caractère d'habitude et de continuité, sont excusés par la conduite scandaleuse de l'épouse du demandeur. » 11

De fait, le silence de la loi sur les violences masculines les amnistie trop souvent. Plus encore, il n'est pas rare que les tribunaux cautionnent, justifient ce pouvoir conféré aux hommes de "corriger" leurs femmes. La lecture de la Gazette des Tribunaux est édifiante: nombre d'inculpés ayant battu, violenté leurs femmes répondent tranquillement en justiciers, sûrs de leur bon droit.

La jurisprudence évolue cependant timidement dans le sens d'une diminution des pouvoirs du mari.
Un jugement de la Cour d'appel de Bastia, en du 20 août 1902, affirme : " Si, en principe, la femme mariée ne peut se soustraire au devoir de la cohabitation avec son mari, cette obligation est corrélative aux devoirs du mari. La femme ne peut notamment être contrainte d'habiter avec son mari qu'autant qu'il peut la recevoir dans un logement convenable et muni de ce qui est nécessaire aux besoins de la vie. En outre et par application du même principe, la cohabitation ne peut être imposée à la femme qui est, de la part de son mari, l'objet d'outrages et d'injustices graves ou de sévices, alors même qu'elle n'a pas formé une demande de divorce ou de séparation de corps. » 12

Ce droit à l'obéissance dont le mari peut se prévaloir, implique que la femme doive se soumettre à ses désirs. La femme ne se donne pas, elle se doit; le corps, le sexe des femmes appartiennent aux hommes qui en contrôlent l'usage. Les rapports sexuels sont, pour les femmes uniquement, une obligation incluse dans le contrat de mariage.
Selon un jugement en date du 23 février 1899 : " l'abstention du mari de remplir le devoir conjugal n'est pas, à elle seule, une injure grave entraînant une séparation de corps, lorsqu'il n'est pas établi qu'elle a été volontaire."  13
Dans ce contexte, c'est à l'épouse qu'incombe, en l'absence de témoin, la charge de la preuve. Les conditions ouvrant droit au divorce pour cause de violences sexuelles, sont le plus souvent fonctions de l'interprétation, cautionnée par les tribunaux, qu'en donne l'époux.
En 1908, une femme dépose une demande de divorce pour sodomie; elle est déboutée de sa demande. Même «si les agissements du mari constituent un abus de ses droits sur la femme, ils ne peuvent motiver une demande de divorce que s'ils ont pour but de nuire à la santé de la femme ou de lui rendre la vie impossible » déclare le jugement. Le mari a reconnu dans une lettre que « ces procédés intimes ont pu porter atteinte à la santé de sa femme ». Cependant il avait demandé pardon pour « avoir fait une chose qu'il croyait inoffensive et dans le but de lui faire plus de plaisir et de se l'attacher davantage. » 14

Selon Portalis, l'un des principaux rédacteurs du code civil, « la femme est destinée, par la nature, aux plaisirs d'un seul homme ». Le devoir de fidélité est donc, pour elle, absolu ; seule la femme est passible de prison en cas d'adultère. En outre, selon la jurisprudence, il suffit que le comportement de l'épouse ait prêté à confusion pour qu'elle puisse légalement être tenue pour responsable d'avoir rompu le contrat de mariage.

Un jugement en date du 14 août 1894 précise : « Le refus par le mari de recevoir sa femme au domicile conjugal ne constitue pas une cause de divorce et n'a pas de caractère injurieux, s'il est justifié par la légèreté de la conduite de la femme. La violation des devoirs conjugaux ne consiste pas uniquement dans les actes d'infidélité que réprime l'article 229 du code civil (Le mari pourra demander le divorce pour cause d'adultère), la légèreté de sa conduite, son manque de réserve, son mépris des convenances lorsqu'ils vont jusqu'à mettre toutes les apparences contre elle, le fait de supporter certaines familiarités compromettantes, doivent être considérés comme de véritables outrages au mari, constituant des injures graves suffisantes pour motiver de la part de celui-ci une demande séparation de corps. » 15

Pour sa part, le mari, accusé d'adultère avec une femme mariée, n'est pas personnellement poursuivi ; il n'est que le complice de l'adultère d'une femme mariée. «La loi d'accord avec les mœurs, c'est-à-dire avec les préjugés, affirme Léon Richer, accepte ses infidélités. »16
Seul le mari "qui a entretenu une concubine dans la maison commune" peut être pénalement poursuivi pour adultère ; il n'est alors passible que d'une amende (Article 230 du code civil). À cette exception près, l'adultère du mari est admis. Il est légal pour un homme d'avoir une maîtresse, si elle vit sous son toit sans être "entretenue"; il peut donc avoir pour maîtresse sa salariée ou introduire sa maîtresse dans son domicile, s'il la rémunère. En outre, puisqu'il est chef de communauté et, à ce titre, seul responsable des "biens communs", le mari peut donc, au besoin, user du salaire ou de la dot de sa femme, pour entretenir sa maîtresse. Le cas n'est pas rare.
La jurisprudence tente de réagir s'il est prouvé que le mari a payé l'appartement de sa maîtresse, l'adultère du mari peut être considéré comme une « injure grave ». 17
La loi sur le divorce pose civilement en matière d'adultère l'égalité entre hommes et femmes ; en matière pénale, la loi reste inchangée18 .

Au nom de cet univoque devoir de fidélité, la loi va jusqu'à excuser « le meurtre commis par l'époux sur l'épouse ainsi que son complice en flagrant dans la maison commune ». (Article 324 du code pénal). «Nos codes autorisent encore le mari à punir l'adultère de la femme, écrit le sociologue Charles Letourneau, en 1903, c'est-à-dire à se faire juge et bourreau dans une cause où il est trop intéressé. » 19
Les jurys d'assises élargissent considérablement l'interprétation de cet article. De fait, nombre de crimes commis par l'époux, aussi le concubin, en dehors de la maison conjugale, sans flagrant délit et sur simple suspicion d'adultère, sont eux aussi, considérés comme excusables. L'invocation de l'honneur ou de la passion, de l'inconduite réelle ou supposée d'une femme suffit souvent à légitimer ces crimes. Les autopsies effectuées sur les jeunes filles assassinées informent les jurys de l'état de leur hymen : vierges, elles sont jugées moins responsables du crime dont elles sont les victimes. Assassinats, meurtres, tortures, viols, violences exercées par des hommes sur des femmes sont monnaie courante.

En 1911, la féministe Madeleine Pelletier écrit : « Il ne se passe pas de jour sans que les journaux regorgent d'assassinats de femmes sans que personne n'y prenne garde » . 20 La même année, la Gazette des Tribunaux établit un constat quasi semblable: « Un mari qui vitriole sa femme, c'est un fait si banal qu'il mérite à peine d'être constaté.» 21 C'est essentiellement lorsque le crime est accompagné de vol, lorsque l'on pressent qu'il a été motivé par l'intérêt matériel, que l'assassin est condamné. "Elle me trompait, je l'ai tuée": cette défense ouvre la voie, sinon à l'impunité, du moins à toutes les circonstances atténuantes.
L'indulgence des tribunaux en la matière encourage ces crimes qualifiés de passionnels et constitue de fait une reconnaissance du droit qu'a le mari se faire justice soi-même, sans autre forme de procès. En 1901, un Luxembourgeois qui a froidement assassiné sa femme de cinq balles de revolver répond au juge : « Je croyais que la loi française autorisait le mari à tuer sa femme adultère. » 22 Cet étranger n'est pas le seul à le croire, c'est aussi « le fait de gens du monde et de certains littérateurs». 23
Le "conseil" donné par A Dumas fils aux maris trompés est sans ambiguïté : " Tue-la".

Mais on se souvient moins, dans le même sens, des écrits du père du socialisme français, Proudhon : « J'estime que, comme le Romain, le mari a sur la femme un droit de vie et de mort...[droit qu'il codifie en précisant} les cas où un mari peut tuer sa femme. Il s'agit de l'adultère, l'impudicité, la trahison, l'ivrognerie et la débauche, la dilapidation et le vol, l'insoumission obstinée, impérieuse, méprisante. Et si la femme résiste en face, il faut l'abattre à tout prix. » 24

Certains juristes tentent d'expliquer que l'excuse légale n'est pas acquittement, qu'il s'agit, en l'espèce, d'"excuse atténuante" et non pas d'"excuse absolutoire". 25 De fait, l'exercice est difficile.
Nombre de jugements, dans leur tranquille assurance de défendre les droits des hommes à la propriété de leurs épouses, sont sereinement barbares.

On note, cependant, quelques réactions ponctuelles de magistrats qui vont à l'encontre de l'approche dominante.
Lors d'un procès d'assises, en 1897, l'avocat général affirme : « La passion ne saurait être une excuse, elle se trouve dans tous les crimes quels qu'ils soient et ne peut faire échec à ce principe, aujourd'hui consacré par tant de luttes, que la personne est libre dans son coeur, dans son corps et dans sa personne. » 26
Et en 1901, un autre avocat général termine ainsi sa plaidoirie: « Monsieur de Cornulier a-t-il vengé son honneur? Non, il a assassiné sa femme. Le caractère passionnel d'un crime n'est pas un talisman qui excuse. » 27 Enfin la même année, M. de Monzie peut terminer son discours d'ouverture de la conférence des avocats à la Cour d'appel, consacrée au jury contemporain et au crime passionnel par l'affirmation suivante : « Le progrès humain consiste à affirmer davantage la valeur de la vie par-dessus les contingences du désir, de l'orgueil et de la haine. »28

Ces rares appréciations humanistes ne sont cependant guère représentatives du fonctionnement de la justice de l'époque.

Selon l'article 217 du code civil, « la femme, même non commune ou séparée de biens, ne peut donner, aliéner, hypothéquer, acquérir à titre gracieux ou onéreux sans le concours du mari dans l'acte ou son consentement par écrit. »

Non seulement le mari administre les biens communs du ménage, mais, en outre « il a seul l'administration des biens dotaux pendant le mariage. » (Article 1549 du code civil). Il peut les vendre, les aliéner et les hypothéquer, sans l'autorisation de sa femme et n'est même pas contraint de lui allouer une somme proportionnelle à sa dot, pour ses dépenses et ses besoins. À tout le moins, peut -il être convenu, par contrat de mariage, que la femme bénéficiera "d'une partie de ses revenus, pour son entretien et ses besoins personnels". (Article 1549 du code civil)
Le mari a, en outre, « la gestion de tout le mobilier, revenus, intérêts et arrérages, de quelque nature que ce soit, échus ou perçus pendant le mariage. » (Article 1401 du code civil) Il a enfin « l'administration de tous les biens personnels de sa femme. » (Article 1428 du code civil)
Le législateur a même été jusqu'à interdire au mari d'émanciper sa femme : selon l'article 223 du code civil, « Un mari ne pourra, par aucune convention, même par un contrat de mariage, donner à sa femme le pouvoir général d'aliéner ses immeubles. » Même en cas de séparation de corps et de biens, la femme ne peut vendre ses immeubles. Elle ne peut non plus accepter une donation sans le consentement de son mari. (Article 934 du code civil)

Selon le régime de droit commun - le régime communautaire qui, à Paris, au début du siècle, représente la situation de plus de 85 % des ménages 29- ni les biens, ni le fruit du travail des femmes, ni leur salaire ne leur appartiennent.
Ainsi, pour être dépossédée, il n'est pas besoin d'épouser un mari peu scrupuleux, il suffit qu'il soit légaliste.

Certains pensent d'ailleurs « qu'en France, c'est moins l'autorité maritale qu'ils exercent sur leurs femmes qui intéresse les hommes que la mainmise sur leur fortune que cette autorité leur confère. »  30

Quelques timides réformes législatives sont néanmoins votées lois du 9 avril 1881 et du 20 juillet 1898 relatives à la création de caisses d'épargne autorisent la femme mariée, quel que soit son contrat, à ouvrir un livret ; celle de mars 1906 permet à une femme de garder des biens de ses enfants mineurs.

En vertu de l'article 215 du code civil, une femme ne peut « ester en jugement sans l'autorisation de son mari ». Même lorsqu'elle peut avoir à plaider contre son propre mari, l'autorisation de celui-ci est nécessaire à moins qu'il ne s'agisse d'une demande de séparation de biens ou de corps.
Ainsi en arrive-t-on à des situations telles que celle-ci : En 1909, un mari est accusé d'une tentative de meurtre sur la personne de sa femme qui, à titre de partie civile, lui réclame 1 franc de dommages et intérêts. Le jour du procès, alors que le mari, à qui l'on vient de retirer les menottes, est dans le box des accusés, le Président fait remarquer à la victime qu'elle ne peut se constituer partie civile contre son époux, sans son accord. Le prévenu, compréhensif, accorde son autorisation. Il est condamné à six mois de prison. La partie civile se voit reconnaître ses droits. La somme allouée à l'épouse est alors versée à la communauté, gérée par le mari assassin de son épouse. Pour la Gazette des Tribunaux, «c'est une ironie de la procédure », mais affirme-t-elle: "la forme est souveraine en la matière". » 31

En revanche, si la femme est poursuivie « en matière criminelle ou de police, l'autorisation du mari n'est pas nécessaire. » (Article 216 du code civil)

Faut-il rappeler en outre que les avocats, les procureurs, les jurés d'assises sont exclusivement des hommes ? Citons, pour information, les professions des jurés d'assises, le 20 avril 1900. Il y a : sept commerçants, six dirigeants d'entreprises, trois rentiers, trois négociants, trois employés, deux propriétaires, deux pharmaciens, deux médecins, un vétérinaire, deux fonctionnaires (un à la Chambre des députés, un à l'Intérieur), un architecte, un inspecteur de boucherie, un fabricant de talons, un mécanicien, un emballeur. On ne compte ni chômeur, ni ouvrier. 32

L'interdiction pour les femmes d'exercer le métier d'avocate sera levée par un arrêt rendu en ce sens par la Cour d'appel de Paris en 1897. La loi du 30 juin 1899, votée par 312 voix contre 160, le confirmera33. La première plaidoirie, en Assises, d'une avocate, Maria Vérone, date de 1907.

Plusieurs initiatives féministes menées notamment par l'association, l'Avant-Courrière créée en 1893 et dirigée par Madame Jeanne Schmall aboutiront à ce qu'en juin 1905, une loi autorise la femme mariée à passer outre l'interdiction de son mari pour ester en justice.

Dans le cadre étroitement défini par la loi, les femmes obtiennent des hommes ce qui n'est pas encore un droit mais un privilège : la possibilité de travailler à l'extérieur du foyer familial. Interdictions, exigences et autorisations masculines décident donc de l'emploi des femmes. Ainsi, le jour où le jour où le mari autorise sa femme à travailler, il affirme son droit de maître ; quand la femme se prévaut de cette autorisation, elle reconnaît son état de dépendance.

Si le consentement du mari, avant embauche, est cependant le plus souvent tacite, son accord écrit peut être exigé. Le cas est encore relevé, en 1923, à l'hôpital de Brest, pour les sages-femmes ayant réussi le concours d'entrée de la profession. 34Ce droit est absolu et s'applique également pour un engagement contracté par la femme avant son mariage. La validité d'un contrat de travail est subordonnée à celle du contrat de mariage.

C'est dans les professions du spectacle, jugées plus dangereuses pour "l'honneur" du mari, où les femmes sont plus indépendantes, que la jurisprudence est la plus importante et la plus stricte.
En 1901, le Tribunal civil de la Seine considère qu'en engageant une femme mariée et en la faisant jouer, malgré le refus formel du mari, un directeur de théâtre a commis "manifestement une faute".35 Quant au Tribunal civil de Nîmes, il rappelle, la même année, que ce droit marital « comporte comme sanction la faculté pour le mari de réclamer une réparation pécuniaire à tous les directeurs de théâtres ou organisateurs de spectacles qui, dans un intérêt de lucre, s'associent à la résistance que la femme oppose à l'autorité maritale. » 36
Comme le rappelle, sans ambiguïté, en 1904, la doctrine, le droit qu'a un mari d'interdire à sa femme de sa profession « n'étant pas contestée,  cette dernière est tenue de s'y soumettre. » 37

La jurisprudence élargit cependant la sphère, encore bien limitée donc, de la liberté des actrices. Ainsi un jugement de la cour d'Appel de Montpellier du 17 novembre 1902 examine le cas de l'une d'entre elles autorisée par son mari à monter sur scène. Celui-ci prétend - en échange - avoir accès à sa loge. L'arrêt rejette la prétention du demandeur : ayant autorisé sa femme à entrer au théâtre, il a, de fait, « renoncé à la suivre partout où l'exercice de sa profession l'entraînait. » 38
En cas de contestation, comme le note la juriste féministe Yvonne Netter dans sa thèse consacrée à L'indépendance de la femme mariée dans son activité professionnelle, publiée en 1923, les tribunaux tiennent en général compte des objections du mari. Ils statuent rarement en faveur de la femme, lorsque le motif invoqué par le mari qui veut empêcher sa femme de travailler est d'ordre moral, "comme si le prétexte de dignité et de morale empêchait l'arbitraire." 39

C'est ainsi qu'en vertu du devoir d'obéissance qui leur est dû, les maris, en cas de risques réels ou supposés de pressions sexuelles exercées par les hommes avec lesquels leurs femmes travaillent, sont légalement à même d'exiger de leur femme, de leur fille qu'elles quittent leur emploi. Non seulement, les hommes décident donc de la vie professionnelle de leurs épouses, mais c'est à eux que la loi confère l'exclusivité de la défense de leur réputation, de leur honneur.
Ainsi, si une femme repousse les avances de son patron ou d'un contremaître, et que ceux-ci, pour se venger, l'accusent publiquement de coucher avec tous les hommes de l'entreprise, elle ne peut les attaquer en diffamation, qu'avec l'autorisation de son mari. Encore faut-il que ce dernier croie à sa version des faits, qu'il ne l'oblige pas à démissionner pour couper court à la rumeur, ou qu'il ne décide pas de régler entre hommes l'injure faite à sa femme : "Vous avez vu beaucoup de procès en diffamation intentés par des hommes. En avez-vous vu beaucoup à la requête des femmes ?"40 s'interroge Léon Richer qui constate que la réputation des femmes n'est pas pour autant généralement ménagée…

Cette dépendance des femmes vis-à-vis de leur mari est aggravée en matière de biens et de salaires ; si un époux peut déposséder sa femme, il est aussi libre de disposer des revenus de son travail.

Un dénommé Groel peut être présenté, en 1895, sans commentaire, par la Gazette des Tribunaux, ainsi : « Dès qu'il marié, il s'empressa de dépenser les économies de sa femme. Il vendit peu à peu le mobilier et vécut, sans rien faire, des gains que faisait sa femme, couturière. Cette fois-ci le code ne pouvait plus l'atteindre puisqu'il était régulièrement marié. » 41
La notion de vol entre époux n'existant pas, il n'y a pas de recours possible.

Il faut attendre la loi du 13 juillet 1907, adoptée sans discussion et en urgence à l'Assemblée, par ailleurs restée muette sur l'autorisation nécessaire du mari au libre choix de la carrière de la femme, pour que soit posé le principe du libre salaire de la femme mariée. 42 Deux ans auparavant, la Gazette des Tribunaux organe officiel de la Magistrature avait pris position contre le principe de cette loi, « prétexte à des difficultés à l'intérieur du ménage… où tout finira par être différent... même les intérêts.» 43
De fait, cette loi critiquée par certains juristes « comme portant une atteinte excessive à la puissance maritale »44 a des conséquences extrêmement limitées. Certes l'article 1 pose le principe de la liberté de « la femme mariée sur les produits de son travail personnel et les économies en provenant», mais l'article 2 en réduit considérablement la portée : « En cas d'abus par la femme des pouvoirs qui lui sont conférés, dans l'intérêt du ménage, par l'article précédant, notamment en cas de dissipation, d'imprudence ou de mauvaise gestion, le mari pourra faire prononcer le retrait soit en tout soit en partie, par le tribunal civil du domicile des époux. En cas d'urgence, le président du tribunal peut, par simple référé lui donner l'autorisation de s'opposer aux actes que sa femme se propose de passer avec un tiers. » 45

Le droit du travail pose en outre à l'encontre des femmes un certain nombre d'interdictions spécifiques. D'après la loi du 19 mai 1874, les femmes de 16 à 21 ans ne peuvent pas travailler la nuit. La loi du 2 novembre 1892 élargira la mesure à toutes les femmes. Certaines professions leur sont en outre interdites. Jeanne Chauvin, dans sa thèse soutenue en 1892 : Des professions accessibles aux femmes en droit romain et en droit français, plaidera efficacement pour la suppression de toutes les incapacités, « uniques exemples d'exclusion se rencontrant encore... où les lois et les institutions prendraient des personnes à leur naissance et décrèteraient qu'elles ne seront jamais, durant toute leur vie, autorisées à concourir pour certaines positions... par une fatalité de naissance que nul ne peut vaincre. »46  

Le syndicalisme lui-même ne remet que faiblement en cause cette mainmise légale des maris sur le salaire des femmes. Ce n'est en outre que pas la loi du 12 mars 1920 que l'autorisation du mari n'est plus exigée en matière d'adhésion syndicale des femmes.

L'affaire Couriau a révélé au grand jour, en 1913, ce que pouvait être la pratique syndicale sur le terrain, au sein d'un syndicat particulièrement misogyne, il est vrai47. Emma Couriau, typographe depuis 17 ans, embauchée au tarif syndical dans une imprimerie syndiquée de Lyon, demande en 1913, son adhésion à la Chambre syndicale typographique lyonnaise. Non seulement son adhésion est refusée, mais son mari est exclu de cette Chambre, en application d'un texte datant de 1906 qui précisait que serait radié « tout syndiqué lyonnais marié à une femme typote, s'il continuait à lui laisser exercer son métier». Le responsable syndical lyonnais, Botinelli, à qui Louis Couriau tente d'expliquer « qu'il ne se sent pas en droit d'interdire à sa femme de travailler », 48lui conseille « d'user du droit d'autorité que la loi confère au mari sur sa femme.» 49 Le même Botinelli avait pu se vanter d'avoir « procédé sans haine et sans brusquerie (à) l'éviction de la femme dans l'atelier de typographie. Ainsi (en 30 ans), sans faire de bruit nous avons réussi à faire sortir plus de 100 femmes de l'atelier.» 50

Pour Emma Couriau, cette double exclusion révèle, c'est que : « la haine du sexe que l'on a voué aux femmes va jusqu'à se venger bassement sur les époux. » 51

Le jugement de Madeleine Pelletier, en 1912, selon lequel « la classe ouvrière sera la dernière à venir au féminisme » est, à cet égard, sans doute juste. 52

Très faiblement syndicalisées, très largement dépourvues de protection syndicale, le plus souvent perçues par leurs collègues masculins comme des jaunes, les femmes ne sont défendues, dans les instances paritaires, que par des hommes, y compris dans les industries presque exclusivement féminines.

Ce n'est que par une loi du 15 novembre 1908 que les femmes peuvent être éligibles aux Prud'hommes. La première femme élue, en novembre 1909, sera Mademoiselle Josselin de la section : " Couture et lingères".

Si l'accès au travail salarié est la condition nécessaire pour que les femmes aient accès à une vie plus autonome, le processus fut long et douloureux. En outre, pour nombre de femmes, le salariat ne les a pas préservées de la prostitution, lorsqu'il ne les y a pas contraintes. Jules Guesde avance, en 1884, l'analyse selon laquelle: « En période capitaliste, la femme ne peut vivre elle-même de son travail. Elle ne trouve dans la vente de sa force musculaire et intellectuelle qu'un complément tout au plus d'existence. Outrageusement réduit, son salaire l'oblige à demander le reste à l'homme, en tant que mâle : mari, amant ou passant. Elle est condamnée en d'autres termes à faire commerce de son sexe, devenu son principal ou unique moyen d'existence. »53
Vingt ans plus tard, une féministe, partisane de l'affranchissement intégral des femmes, néo-malthusienne convaincue, Nelly Roussel, reprend cette idée : « Il n'est guère de métier, où les femmes ne puissent, même par le travail le plus acharné, subvenir complètement à leurs besoins et à ceux de ses enfants. Et ce qui fait son esclavage, ce sont peut-être moins les chaînes légales, l'injurieux article du code civil lui prescrivant l'obéissance que la nécessité où elle se trouve, neuf fois sur dix, de recourir à un homme qui l'aide à vivre et qui souvent abuse de la situation pour l'humilier ou l'asservir. Mariage régulier, union illégitime ou galanterie, c'est toujours la même chose pour une femme, toujours la même situation aussi périlleuse qu'humiliante: livrer son corps à un homme en échange du pain quotidien... Si l'amour se glisse au foyer, c'est par hasard et par exception. » 54
La liberté des femmes, dont « le salaire tombait un peu plus bas que ce qui est indispensable pour lui procurer la subsistance » 55est alors bien limitée : « Pour combler le vide, elle est trop souvent obligée de se rappeler quelle est femme.»56

Toutes les enquêtes le démontrent : à l'exception de quelques rares secteurs (métiers de la couture), fonctions (ouvrières qualifiées, contremaîtresses) et statuts précis (fonction publique), le salaire féminin ne peut être qu'un complément de revenu fourni, par la famille, le mari ou le compagnon, par la prostitution plus ou moins occasionnelle, ou par les deux à la fois. Si le code civil maintient les femmes dans une situation de dépendance vis-à-vis des hommes, l'institutionnalisation de la notion de salaire d'appoint les maintient dans leur dépendance économique. Même lorsqu'elles arrivent à s'en sortir, c'est au prix de lourdes privations. Vivre de son seul salaire, c’est vivre dans la pauvreté et l'isolement. Comme elles ne peuvent aisément, seules, aller au restaurant, danser, s'amuser, sortir, elles « prennent quelqu'un ».

L’analyse des budgets des jeunes salariées le démontrent sans ambiguïté: il n’y a pas de place pour le superflu, pour les plaisirs de la vie. Aussi, « l'à-côté qu’elles se procurent leur offre, déplore Aline Valette, socialiste et féministe, avec la satisfaction de leurs goûts ce que le travail jusqu'à épuisement ne saurait leur donner: la possibilité de vivre et de sentir vivre. »

Le recours à la prostitution comme nécessaire complément final ou comme condition de survie est une réalité dénoncée, de manière récurrente tout au long du XIXe siècle. Mais ce qui inquiète les moralistes, c’est moins l'atteinte à la dignité des femmes que la « dépravation des mœurs » et la dissolution de la famille ouvrière qu'elle entraîne. Il faut donc prendre les appréciations sur les contraintes sexuelles pesant sur les femmes, très marquées par le moralisme ambiant, avec beaucoup de précautions.

Distinguant mal ce qui sépare la prostitution de l'union libre ou de l'aide ponctuelle ou durable d'un homme, ces appréciations tendent à accorder la même signification à l'aide d'un mari, d'un concubin, d'un amant, voire d'un maquereau. Aussi, il est rare que les analyses dissocient le concubinage et la prostitution, assimilés dans une même condamnation. Celles-ci projettent l'image du mariage bourgeois sur les unions prolétaires et cachent souvent mal l'aspiration de leurs auteurs à maintenir les femmes sous d'étroites tutelles.

À la fin du XIXe siècle, le concubinage n'est plus nécessairement synonyme de mauvaises moeurs que dans la bourgeoisie. Une femme, lors d'un procès, en 1894, répond au Président du tribunal qui semble émettre une appréciation négative sur son statut matrimonial: «Il y a de parfaites honnêtes femmes qui vivent ainsi, (en concubinage) parce que les nécessités de la vie les y ont forcées.»57 S'il est vrai que pour beaucoup de femmes, le concubinage est un moyen d'échapper aux contraintes légales du mariage, il n'est pas non plus une panacée, dès lors que la frontière qui le sépare de la prostitution n'est pas, elle non plus, clairement tracée.

Cette approche moraliste se double chez les ouvriers, les syndicalistes, les hommes de gauche, d'une autre inquiétude, moins aisément reconnue. C'est souvent hors de leur milieu que les filles du peuple trouvent des solutions, mais aussi aspirent à l'amour. Ce sont des étudiants, des fils de famille provinciaux et parisiens mais aussi de «vieux messieurs un peu mûrs mais distingués»58 qui fréquentent les cafés et les bals et arpentent les trottoirs à la sortie des ateliers. Ce sont eux qui ont les moyens d'offrir une aide ponctuelle ou durable, des cadeaux, un bijou, une robe, une mise en ménage à ces maîtresses à bon marché, qu'il est facile de quitter quand vient le moment de faire un beau mariage. Mais ces midinettes, grisettes et lorettes, ne sont-elles pas aussi attirées par ces hommes, certes, plus ou moins jeunes, mais sans doute mieux habillés, plus raffinés, sans doute moins violents que les hommes de leur milieu ? Non seulement, ces étudiants, ces bourgeois les aident à avoir une vie plus facile, mais ils leur ouvrent des horizons sans doute plus larges que ceux offerts par les hommes du peuple. Dans la classe ouvrière masculine, on n'apprécie guère ces fréquentations. La presse libertaire exhorte les femmes du peuple « à garder leur beauté et leurs caresses pour le compagnon qu'elles auraient librement choisis... à ne pas s'offrir aux bourgeois apoplectiques. »59

De fait, elles sont légion, celles qui vivent dans un équilibre, toujours instable, entre les différentes formes de sexualité marchande et le travail  salarié. Nombre d'employeurs prennent pour acquis cette réalité, dont ils entendent tirer profit. Aux ouvrières qui revendiquent un salaire décent, certains patrons répondent: «Vous êtes jeune et gentille, prenez un ami vous aider»60; « Vous n'avez qu'à faire le trottoir»61, ou enfin: «vous avez toujours le soir pour compléter.62»

Un entrepreneur affirme à une ouvrière berlinoise: «Cela me désole, mais que voulez-vous que j'y fasse? On ne m’achètera pas mes corsages un pfennig de plus parce qu'ils sont cousus par des honnêtes femmes.» 63

Dès lors, pour beaucoup, la faiblesse du salaire des femmes n'est pas un problème; si elles acceptent des salaires aussi bas, c'est bien parce qu'elles trouvent l'argent ailleurs.

On peut, en effet, légitimement s'interroger sur les sources de revenus de nombre de femmes. Certaines jeunes apprenties ne sont même pas payées, d'autres ne travaillent que pour leur seul entretien. C'est le cas, en 1898, dans le commerce où les débutantes sont simplement nourries64, mais aussi, dans la couture où, en 1908 encore, «certaines usines ne recrutent que des ouvrières acceptant pour tout salaire d'être logées gratuitement. »65 Si en période faste, certaines femmes peuvent vivre seules de leur métier, qu'en est-il, dès période de chômage arrive ? Ne sont-elles pas alors contraintes de rechercher un appoint ? Ne risquent-elles pas, selon ces expressions populaires qui font si fortement image, de tomber aux hommes, de dégringoler au trottoir ? On connaît la fameuse description de Villermé qui, pendant plus d'un siècle, fit fonction, à elle seule, d'analyse sur les conséquences de la faiblesse des salaires féminins: « Si j'en crois ce qui m'a été rapporté, beaucoup de jeunes filles et de jeunes femmes dans les manufactures abandonnent souvent l'atelier dès six heure au lieu d'en sortir à huit et vont parcourir les rues dans l'espoir de rencontrer quelque étranger qu'elles provoquent avec une sorte d'embarras timide. On appelle ça quatrième quart de la journée, plus rémunérateur à lui seul que les quatre autres. » 66

Dans ses Mémoires, Jeanne Bouvier, ancienne ouvrière elle-même, un souvenir plus précis, celui d'une jeune femme qui «faisait du perlage et du pailletage aux galons. Elle ne gagnait presque rien et, le soir venu, elle descendait dans la rue demander à la prostitution ce qu'un travail de 10 à 12 heures par  jour ne lui procurait pas. » Et l'auteure poursuit : «Ce que j'en ai vu de ces jeunes filles qui ne gagnaient qu'un salaire infime. Je les aies  vues descendre dans la rue. La misère est une situation intenable et celles qui ne s’évadent pas dans le suicide, s'évadent dans la prostitution.67»

Cette association de la misère et de la prostitution est attestée par toutes les enquêtes au XIXe siècle concernant les femmes ouvrières68.
Nombreux sont les éléments qui nous permettent donner crédit à cette interprétation.

À Lille, sous le Second Empire, Pierre Pierrard fait état d'une lettre anonyme adressée au Préfet par un jeune bourgeois, «victime, comme plusieurs jeunes gens bien placés», de la vérole, qui se plaint des ravages de la prostitution. Celui-ci évoque alors «la quantité considérable de jeunes filles de 12 à 18 ans, couturières, jeunes filles de fabriques et autres, que la misère pousse à se prostituer. »69 À Belfort, en 1900, les ouvrières gagnent si peu - de 5 à 7 francs par quinzaine - qu'elles sont «forcées de s'astreindre, le soir, si elles veulent manger, à faire le commerce de leur corps.70» À Apt, en 1923, des femmes travaillant dans les conserves de fruits se contentent de salaires qui « pour le foyer, constituent des salaires d'appoint. D'autres les augmentent par des moyens que l'on devine aisément »71, commente la presse communiste. À Châteaudun, en 1926, «beaucoup de jeunes filles, presque obligées, se livrent à la prostitution»72. On note qu'il s'agit de celles qui ne peuvent compter sur leurs parents. À Dijon, la même année, «sans l'aide pécuniaire d'un père ou d'un mari, ou d'un amant, ou de la prostitution clandestine, nulle part, la femme ne peut vivre de son travail ».73 Enfin, à Saint-Omer, à l'occasion de l'enquête menée par Jeanne Bouvier sur les travailleuses à domicile dans la lingerie, l'une d'elles lui déclare qu'« avec ce qu'elles gagnent, celles qui ne sont pas aidées par un homme ne peuvent vivre sans la prostitution». Un dirigeant ouvrier confirme ces dires, après avoir précisé que «si ces proportions peuvent apparaître exagérées, elles sont absolument exactes ». Celui-ci estime à « 80 % les jeunes filles qui se prostituent avec les gens de la ville ou de la garnison et à 30 % les femmes mariées qui en font autant.»74

Alain Corbin dans son livre important consacré aux Filles de noces, récuse pour sa part « le primat de la misère. Des femmes se prostituent et dans tous les milieux parce que les structures sexuelles du moment suscitent une énorme demande et, du même coup, une fructueuse industrie. »75 De fait, cette analyse est critiquable.
Une réalité aussi complexe que la prostitution pas être appréhendée en ne tenant compte que de la ‘demande’ masculine. Les hommes seuls supposés souffrir de misère sexuelle créeraient, à eux seuls une demande à laquelle l'offre, c'est-à-dire les prostituées s'adapteraient. Simples objets sexuels passifs, sans autonomie propre, elles sont alors exclues de l’analyse des systèmes prostitutionnels. Le poids des contraintes sexuelles et qui peuvent pousser des femmes à se prostituer est alors tenu pour négligeable.

Alain Corbin affirme en outre que « l'image de la jeune vierge séduite par le fils du bourgeois ou déflorée par le fils du patron n'est qu'un stéréotype ressassé.»76 L'imagerie d'Epinal en matière de droit de cuissage n'est certes pas récusable, mais on ne peut, pour autant, ignorer la réalité que le type recouvre, au moins partiellement.

Pour étayer son argumentation Corbin avance deux arguments. Le premier repose sur le faible nombre de prostituées ouvrières dans les bordels: 11 sur 1822 à Marseille entre 1871 et 1881, aucune à La Seyne (Var) et 8 sur 471 en Seine et Oise, en 1902.77 Mais les statistiques qu'il utilise ne recouvrent qu'une partie, la plus aisément repérable, de la prostitution, plus révélatrice du système réglementariste lui-même que de la réalité prostitutionnelle qu'il est censé prendre en charge. Ne sont enfermées au bordel que les femmes qui, sans famille et déracinées, n'ont d’autre alternative sociale que d'entrer dans ce monde clos, violent, mais partiellement sécurisant. Dans cet ultime refuge, le commerce du sexe étant officiellement couvert par les autorités, ces femmes se voient sinon leur dignité, du moins le gîte et le couvert.

Certes, Alain Corbin peut, à juste titre, affirmer que «l'industrie n'est pas la grande pourvoyeuse des lupanars»78, mais à se limiter à ce constat, la question des relations entre le travail industriel salarié des femmes et la prostitution n’est pas vraiment traitée. Or, les ouvrières, comme bien d'autres femmes, sont nombreuses à rechercher dans la sexualité marchande, non pas un revenu principal, mais complémentaire, intermittent. Elles sont clandestines et échappent alors largement à la surveillance policière, et ce d'autant plus, que des réseaux s'établissent à l'intérieur même des usines, à ses abords proches, ou dans les maisons de placement. Alain Corbin use d'un deuxième argument pour dénier l'existence du droit de cuissage, lorsqu'il précise que «la prostituée, dans la très grande majorité des cas, a perdu sa virginité dans les bras d'un homme de son milieu. »79 Cette appréciation peut laisser penser que la perte de la virginité serait, pour les femmes, le critère de l'honneur. Mais n’est-ce pas surtout établir une comparaison formellement équivalente entre groupes sociaux d’inégal pouvoir ? Par ailleurs, ce constat ne relève t-il pas de l’évidence ?  
De fait, les femmes séduites, renvoyées, et souvent enceintes des oeuvres de leurs employeurs, fournissent un contingent important des femmes prostituées.

Citons pour le Second Empire, les travaux de l'historien Pierre Pierrard concernant la ville de Lille. Il nous fournit des indications qui nous permettent de mieux comprendre pourquoi des femmes demandent à entrer dans les maisons closes.  Pauline Lecomte, domestique de cabaret, Joséphine Peneau, 24 ans, et Ursule Lartigue, 18 ans, chanteuses ambulantes, Adélaïde Piédanna, 18 ans, couturière ne gagnent pas assez pour vivre. C'est aussi la situation de Sophie Vanderwenne, domestique, violée par son patron, de Sylvie Descamps qui est «sans asile, dans le dénuement» le plus absolu, de Julienne Bouillet, « fort malheureuse, qui a un enfant à charge». Eugénie Dann, 23 ans, entre en maison parce qu'elle n'a pas d'autres moyens d'existence; Zonébie Prouvost, 22 ans, est orpheline et dans un état voisin de la misère; deux de ses compagnes sont dans le même cas. Angèle Boucherie, elle aussi orpheline, estropiée de la main droite, a 20 ans et se trouve sans moyen d'existence  au point de ne pouvoir subvenir à ses besoins ni à ceux de son enfant. Enfin, Clarisse Lemarchand, 19 ans, a un enfant qu'elle essaie de nourrir en volant; aussi demande à entrer en maison.80

Citons pour la Troisième République, le témoignage du médecin-chef de la Préfecture de police de Paris, le docteur Commenge, peu suspect d'antipathie patronale. Dans son livre La prostitution clandestine à Paris, paru en 1897, il évoque, plus précisément, les conséquences cumulées de la misère et des abus sexuels des contremaîtres et des patrons : « Nous avons trouvé au dispensaire beaucoup de jeunes mineures se livrant à la prostitution clandestine après avoir été débauchées par les chefs de maison où elles travaillaient : voici, par exemple, une fille arrêtée rue de Belfond. Elle a 16 ans et demi. Elle a travaillé dans un atelier de typographie et avait été déflorée par le patron de l'établissement qui avait l'habitude de choisir dans son personnel les jeunes filles les plus jolies. Une autre jeune fille travaillait dans un atelier de fleurs ; elle avait cédé aux instances du patron qui avait possédé successivement toutes filles qui travaillaient chez lui. Celui-ci ne faisait pas de choix; il tenait à ce que tout le personnel passe sous ses fourches caudines. Un autre chef d'atelier recherchait seulement les jeunes filles non déflorées. 81»
Dans le roman d'Edmond de Goncourt, La fille Elisa, les femmes parmi lesquelles se trouve Elisa dans sa première maison close «étaient pour la plupart des bonnes de la campagne séduites et renvoyées par leurs maîtres. » 82

Il n'est pas exclu que cette crainte de tomber définitivement dans la prostitution, ait pu aussi contribuer à faire accepter aux travailleuses bien des caprices de leur maître ou de leur patron. L'alternative de la prostitution n'est-elle pas encore pire? Et l'espoir d'une situation assurée, d'une promotion, d'un établissement, que peut laisser entrevoir le fait de leur céder, n’est-elle pas, pour les femmes pauvres, aussi, une alternative sociale? Aussi, serait-il erroné de réduire la crainte de la prostitution à un stéréotype exploité par les moralistes et socialistes pour les besoins de leurs idéologies respectives. Il n'y a pas que dans les mélodrames, les romans populaires 83ou les poèmes réalistes que les filles du peuple tombent dans la prostitution.
Beaucoup d'entre elles ont cru vivre de leur travail ; nombre d’entre elles durent en outre ou alternativement vivre de leur sexe.
Ce poème de Jules Jouy, chansonnier socialiste, daté de 1894, fait écho à cette réalité.

Filles d'ouvriers84
Pâle ou vermeille, brune ou blonde
Bébé mignon,
Dans les larmes, ça vient au monde,
Chair à guignon.
Ébouriffé, suçant son pouce,
Jamais lavé,
Comme un vrai champignon, ça pousse
Chair à pavé.

À quinze ans, ça rentre à l'usine,
Sans éventail
Du matin au soir, ça turbine
Chair à travail.
Fleur des fortifs, ça s'étiole
Quand c'est girond
Dans un guet-apens,
Ça se viole
Chair à patron.

Jusque dans la moelle pourrie
Rien sous la dent,
Alors ça rentre en brasserie
Chair à client.
Ça tombe encore ; de chute en chute
Honteuse un soir,
Pour deux francs, ça fait la culbute,
Chair à trottoir.

Ça vieillit et plus bas ça glisse ;
Un beau matin,
Ça va s'inscrire à la police
Chair à roussin ;
Ou bien, « sans carte », ça travaille,
Dans sa maison ;
Alors ça se fout sur la paille ;
Chair à prison...

Progressivement, les femmes, les ouvrières surtout, dénoncent ces contraintes; ainsi, lors de la grève des boutonniers de l'Oise, en 1909, les femmes réclament de vivre de leur travail «sans avoir besoin, pour nourrir leurs enfants, de se prostituer.» 85

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Notes de bas de page
1 Madame Jeanne Schmall, La question de la femme, Publication de l'Avant-courrière, extrait de la Nouvelle Revue. 15 janvier 1894, p. 3.
2 Madame Jeanne Schmall, Le préjugé de sexe, Publication de l'Avant-courrière, extrait de la Nouvelle Revue, l er mars 1895, p. 11.
3 Sur Léon Richer, et plus globalement sur les mouvements féministes sous la Troisième République, on pourra se référer au livre de Laurence Klejman & Florence Rochefort, L'égalité en marche. Le féminisme sous la troisième République, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques & Ed.Des femmes, A. Fouque, 1989.
4 Léon Richer, Le code des femmes, Paris, E. Dentu, 1883, p. 14.
5 Victor Hugo, Lettre à Léon Richer, in Léon Richer, La femme libre, Paris, E. Dentu, 1877.
6 Journal Officiel, Sénat, Compte rendu des débats, Séance du 14 novembre 1902, p. 1126. ..
7 Laurence Klejman & Florence Rochefort, Op. cit., p. 121 et 256.
8 Dans le code civil de 1912, l'article 6 devient l'article 8, ainsi rédigé : "Tout français jouira des droits civils ».
9 Code civil de 1864, Commentaire de l'article 213,
10 La Gazette des Tribunaux, 7 mars 1911.
11 lbid., Tribunal civil de Blaye, 12 janvier 1896.
12 Ibid. Cour d'appel de Bastia, 22 août 1902,
13 Ibid. Cour de Cassation, 23 février 1899.
14 Ibid., Tribunal civil de la Seine, 18 et 19 mai 1908.
15 Ibid., 14 août 1894.
16 Léon Richer, Le code des femmes, Op. cit., p. 80.
17 Francis Ronsin, Les divorciaires, Affrontements politiques et conceptions du mariage dans la France du XIX'ème siècle, Auber. Paris Montaigne, 1992, p. 242 et 254.
18 Francis Ronsin, Op. cit., Note 5, Chapitre 6, p. 378.
19 Charles Letourneau, La condition de la femme dans les diverses races et civilisations, Paris, V. Giard & Brière, 193. p. 496. "
20 Madeleine Pelletier, La Suffragiste, novembre 1911.
21 La Gazette des Tribunaux, 18 janvier 1911.
22 La Fronde, 31 Octobre 1901.
23 La Gazette des Tribunaux, Chronique, 23 Novembre 1905.
24 Proudhon, La pornocratie ou les femmes dans les temps modernes, Paris, A. Lacroix, 1875, p. 90,1' 4.
25 La Fronde, Le mari meurtrier légal, 9 octobre 1902, cf. aussi : La Gazette des Tribunaux, 23 Novembre 1905.
26 La Gazette des Tribunaux, 31 Janvier 1897.
27 Ibid. 28 avril 1901. Concernant le procès Cornulier, on pourra se référer à: "Cette violence dont nous ne voulons plus", revue de l'Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail, No 11, Violences conjugales, Juin 1990, p. 31 à 35.
28 La Gazette des Tribunaux, M. de Monzies, Conférence des avocats à la Cour d'appel, Le jury contemporain et le crime passionnel, 14 décembre 1901. .
29 Docteur Edouard Toulouse, Les leçons de la vie, Études sociales, Paris, Librairie universelle, 1907, P. 225.
30 Carl Nicolaï Starcke, La famille dans les différentes sociétés, Paris, V. Girad et Brière. 1899, p.167.
31 La Gazette des Tribunaux, 25 juin 1909
32 Ibid. 20 avril 1900.
33 Journal Officiel Sénat, Débats Parlementaires, 27 juin 1899, partiellement reproduits dans "Cette violence dont nous ne voulons plus" N°5, juin 1987,p.14 à 16.
34 L'Ouvrière, Servitude. 7 août 1912.
35 La Gazette des Tribunaux, Tribunal civil de la Seine, 18 juillet 1901.
36 Ibid., Tribunal civil de Nîmes, 29 septembre 1901.
37 Ibid., Tribunal civil de la Seine, 24 janvier 1904.
38 Revue civile de législation et de jurisprudence, 1902, p. 214.
39 Yvonne Netter, L'indépendance de la femme mariée dans son activité professionnelle, Thèse pour le doctorat, Paris, Presses Universitaires de France, 1923, p. 28.
40 Léon Richer, Le code des femmes, Op. cit. p. 122.
41 La Gazette des Tribunaux, 14 mars 1895.
42 Pour l'historique de cette loi, cf.: A. Orillard, Avocat à la cour d'Appel, Des droits de la femme mariée sur le produit de son travail, Poitiers, Imprimerie Biais et Roy, 1897.
43 La Gazette des Tribunaux, 1er et 2 mai 1905.
44 Pour un jugement critique de cette loi, cf. Charles Defrenois, Des droits de la femme mariée sur les produits de son travail. Commentaire de la loi du 13 juillet 1907, 1908. p. 12.
45 Loi du 13 juillet 1907 relative au libre salaire de la femme mariée et à la contribution des époux aux charges du mariage, Journal Officiel du 15 juillet 1907.
46 Jeanne Chauvin, Des professions accessibles aux femmes en droit romain et en droit français, Thèse, Paris, E. Giard & Brière, 1892, p. 154.
47 Cf., "Cette violence dont nous ne voulions plus", L'affaire Couriau, N° 7, Syndicalisme et sexisme, Mars 1988. p.33 à 38.
48 La Vie Ouvrière, Juillet 1913.
49 La Bataille Syndicaliste, 14 septembre 1913.
50 Botinnelli, La Typographie française, 16 août 1913.
51 Emma Couriau, La Bataille Syndicaliste, 21 août 1913.
52 Madeleine Pelletier, La classe ouvrière et le féminisme , La suffragiste, Juillet 1912.
53 Jules Guesde, A propos du divorce, Le Cri du peuple.12 juin 1884.
54 Nelly Roussel, A Henri Duchemin, Le Libertaire, 13 au 20 février 1904.
55 Charles Benoist, Les travailleuses de l'aiguille à Paris, Paris, L. ChaIley, 1895. p. 20.
56 Aline Valette, Les ouvrières et les syndicats, La Fronde, 10 juillet 1898.
57 La Gazette des Tribunaux. 20 juillet 1894
58 Terre Libre. Organe syndical d'action directe, Les midinettes, 15 au 15 octobre 1910.
59 Le libertaire, L'antichambre de la prostitution, 8 février 1930
60 L'Ouvrière, La juste colère d'une ouvrière, 9 avril1925
61 Ibid., Chez Citroën, 1er Mai 1927
62 La Revue féministe, Charles Fuster, L'ouvrière à Berlin, Octobre 1898, p. 15.
63 Ibid
64 La Fronde, Les demoiselles de magasin, 20 août 1898.
65 L'Humanité, Léon et Maurice Bonneff, Enquête sur les conditions de travail et la rémunération d dans la couture, 14 septembre 1908.
66 Dr. Louis René Villermé, Tableau de l'état physique et moral des ouvriers employés dans les manufactures de coton et de laine, Paris, J. Renouard et Cie, 1840, p. 226.
67 Jeanne Bouvier, Mes Mémoires, Une syndicaliste féministe, 1876/1935, Paris, J. Revaard et Cie, Réédité par La Découverte. Maspero, p. 90.
68 Cf., notamment, Jules Simon, L'Ouvrière, 1861 ; Paul Leroy Beaulieu, Le travail des femmes au XIX ème siècle, 1888 ; Louis Bonnevay, Les ouvrières à domicile, 1896 ; Comte d'Haussonville, Salaires et misères des femmes, 1900 ; Charles Benoist, Les ouvrières de l'aiguille à Paris, 1895 ; Georges Renard, L'Ouvrière à domicile, 1927.
69 Pierre Pierrard, La vie ouvrière à Lille sous le Second Empire, Bloud et Gay, 1965, p. 214.
70 La Voix du peupleLe droit du seigneur, 30 décembre 1900.
71 L'Ouvrière, Conserves de fruits, 15 décembre 1923.
72 Ibid. Dans l'Eure et Loire, 28 janvier 1926.
73 lbid, 23 septembre 1926.
74 Jeanne Bouvier, La lingerie et les lingères, 1928, p. 287.
75 Alain Corbin, Les filles de noces, Misère sexuelle et prostitution (XIX' siècle), Paris Champs, Flammarion.  1982, p. 83.
76 lbid., p. 73.
77 lbid., p. 79 et 80.
78 Ibid. p. 78.
79 Ibid. p. 73.
80 P. Pierrard, Op. cit., p. 217.
81 Dr. O. Commenge, La prostitution clandestine à Paris, Ed. Schleicher, Paris, 1897, p. 16.
82 Edmond de Goncourt, La fille Elisa, 1876, Coll.10/18, p. 47
83 La Revue du Nord, Marie-Hélène Zylberberg-Hocquard, L'ouvrière dans les romans populaires au XIX ème siècle.1981.
84 Le Père Peinard, Jules Jouy, Filles d'ouvriers, 30 mai 1894.
85 La Voix du Peuple, Le droit du seigneur, La grève dès boutonniers de l'Oise, 20 novembre 1909.

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