Violences des hommes à l’encontre des femmes
 Marie-Victoire Louis

À propos des violences, de la prostitution, de la traite, de la sexualité…

Chronique Féministe
Université des femmes
Violences : une stratégie patriarcale
Bimestriel .N° 62. Mai/juin 1997
p .10 à 19

date de rédaction : 01/03/1997
date de publication : 01/06/1997
mise en ligne : 18/10/2006 (texte déjà présent sur la version précédente du site)
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Marie-Victoire Louis, qui fut présidente de l'AVFT, mène depuis plusieurs années une réflexion radicale sur les violences faites aux femmes et sur la prostitution. Nous lui avons demandé de répondre aux questions que nous nous posions dans le cadre de ce dossier. Le texte qui suit est le résultat d'une mise au point progressive, tant des questions que des réponses ; mise au point que Marie-Victoire Louis a réalisée avec rigueur et patience. Nous l'en remercions vivement.

***

M-V.L. : Ce silence est révélateur - en Belgique comme ailleurs - d'un refus d'analyser les mécanismes de production de la violence qui sont liés à la sexualité masculine. Aucune société ne dit que la violence, qu'elle soit étatique ou « privée » est essentiellement une violence exercée par des hommes ; aucune société ne dit que les violences dites «privées » à l'encontre des femmes sont le moyen privilégié de leur exclusion de la sphère « publique »; aucune société ne dit que les hommes censés, dans le cadre élargi de la famille, « protéger » les femmes de la violence des « autres » hommes sont les principaux producteurs de ces violences ; aucune société ne dit que les femmes a peur des hommes. Et qu'elles ont raison d'avoir peur. C'est sans doute là le tabou universel qu'il faut briser si l'on veut que cesse cette violence. Et qu'enfin la parole des femmes et leurs dénonciations soient entendues et que leur vie soit appréciée à la même aune que celle des hommes. Or, il n'en est rien. Faute d'analyse qui prenne en compte la dimension sexuée de la violence, les présupposés sexistes se reproduisent et s'aggravent, produisant des angles aveugles de l'analyse qui ont des conséquences dont on voit quotidiennement les manifestations dans les commissariats, les cabinets d'avocats, chez les juges d'instructions, dans les prétoires.

Voici, pour la France, une terrible illustration récente de la manière dont la police et la justice « traitent » ces violences et procèdent aux enquêtes

Le 12 février 1997, quatre jeunes filles, Isabelle et Audrey Rufin, Peggy et Amélie Merlin disparaissent au retour du carnaval du Portel dans le Nord de la France. Dix jours après leur disparition, le 22 février, deux frères, condamnés respectivement à 15 et 10 ans de prison pour viols, agressions et meurtres de jeunes filles, et libérés 1 après 9 et 7 ans de prison, sont mis en examen pour séquestration, viols et assassinats des quatre jeunes filles.
Les mères de ces jeunes filles n'ont été ni écoutées - elles n'ont été reçues qu'une fois en 10 jours d ’"enquête" par le Procureur de la République de Boulogne, Gérard Lesigne -, ni entendues.
Alors que tous ceux et celles qui connaissaient ces jeunes filles étaient unanimes pour dire qu'il ne pouvait s'agir d'une fugue : elles étaient parties sans argent, ni papiers, ni vêtements, elles étaient déguisées et n'avaient aucune raison de fuir, le procureur est, lui, persuadé du contraire et ne lance qu'une simple « recherche dans l'intérêt des familles »: « Quand quatre jeunes filles disparaissent, on pense toujours à une fugue. Je traite ce type d'affaires plusieurs fois par semaine. On pouvait donc penser que ce n'était pas inquiétant, surtout à l'âge de 20 ans ». Il affirme même aux parents qu'elles ont été vues « par des gens sérieux », à Paris, dans un bowling : « leurs prénoms se seraient même affichés sur un tableau enregistrant les scores », tandis que des policiers affirmaient : « Disons que c'est le genre de jeunes filles qui ont le profil de fugueuses potentielles».
Or, dès le lendemain, plusieurs témoins avaient affirmé avoir aperçu les quatre jeunes filles abordées par deux hommes dans une camionnette. Ce sont alors les familles qui font le travail que la police ne fait pas, notamment de distribuer l'avis de recherche dans toute la région. «Comme on ne voulait pas nous croire, on a fait l'enquête nous-mêmes avec l'aide des journaux. C'est comme cela que l'on a eu des renseignements sur les deux types et la camionnette. On les a communiqués aux policiers, mais là aussi, ils n'ont pas trop bougé ».
Il faudra attendre une semaine après la disparition des quatre jeunes filles pour que la police judiciaire de Lille prenne en charge l'enquête.
Les familles des jeunes filles apprendront par la radio la nouvelle de leur mort tandis que la presse sera informée avant elles des résultats des autopsies. Une fois découverts les jeunes corps violés et assassinés, les éloges incessants faits à la « dignité des familles », les « hommages » martelés rendus aux victimes, la volonté explicitée de « calmer les esprits », la récupération de l'Église - qui arrangeait tous les puissants - finissent par étouffer les critiques à l'égard de la police comme de la justice.
La réaction de Jacques Chirac s'étant déclaré " horrifié et bouleversé par cet acte de sauvagerie" mais qui avait seulement demandé que « justice soit faite » a aussi joué un rôle dans cette volonté d'empêcher l'émergence du scandale naissant. Et le débat - qui n'a jamais abordé la question des violences contre les femmes - finit par se circonscrire à celui du « drame de la récidive » et de la « peine de mort ». Il est alors devenu un problème de politique intérieure française sur le Front National.

Il faudrait d'ailleurs, à cet égard - plutôt que de simplement jeter l'anathème sur les partisans de la peine de mort - tenter de comprendre ce qui, dans l'expression de cet appel à la loi du talion, relève aussi du sentiment d'injustice concernant la manière dont les victimes sont traitées par la Justice.

Cependant, les critiques des familles et de l'opinion publique à l'égard de la justice française sont de plus en plus difficiles à étouffer et la presse les a, malgré tout, relayées :
- «C'est terrible de voir comment la justice les a traitées »;
-  «Ce qui est en commun avec l'affaire Dutroux, c'est qu'on a l'impression d'avoir été abandonnées par la justice qui défend plus les coupables que les victimes»;
- «Ils mettent ça sur le compte de la misère; c'est la faute à la justice».
..
pouvait-on lire notamment.

Si, en France, des affaires Dutroux n'éclatent pas, ce n'est pas faute de scandales à dénoncer de même nature, c'est tout simplement parce que les pouvoirs en place sont encore - pour combien de temps ? - suffisamment puissants et liés entre eux pour les empêcher d'émerger.

Le classement sans suite par le procureur général d'Aix-en-Provence de la plainte mettant en cause des magistrats niçois - sans même que les enfants ayant dénoncé des sévices sexuels aient été entendus - n'en est que la triste illustration. Pourtant le Comité international pour la dignité de l'enfant avait attiré publiquement l'attention sur « la carence de la justice française  ». 2

M-V.L. : En effet, de plus en plus, la question des violences exercées par des hommes à l'encontre des femmes de tous âges et des enfants des deux sexes est « traitée » sur le seul fondement du critère d'âge3 , évacuant ainsi l'analyse des pouvoirs masculins sur les femmes et les enfants. Le message qui est alors transmis est que ces violences sont légitimes à l'encontre des femmes adultes.
De fait, la défense des droits de l'enfant tend progressivement à se substituer à celle de la défense des droits des femmes mettant un point d'arrêt à l'avancée de ces vingt dernières années en matière de dénonciations des violences contre les femmes. Ce processus contribue donc au maintien de l'invisibilisation de la domination masculine qui produit et légitime ces violences.

L'ajout de la section « L », consacrée à la « petite fille » 4 dans le rapport final de la 4e conférence mondiale de l'ONU sur les femmes de Pékin doit être lu - et c'est, selon moi, quasiment sa seule signification - ainsi.

À cet égard, la fulgurance avec laquelle, à l'occasion de l'affaire Dutroux5, le terme « pédophile », a été repris par les médias devrait nous faire réfléchir. Je le crois très dangereux et je me refuse à l'employer.
En effet, un pédophile est, selon Le Robert, une personne qui ressent une attirance sexuelle pour les enfants. L'emploi de ce terme contribue alors à dissoudre les frontières entre attirance sexuelle, voire comportement sexuel, et violences sexuelles. Il conforte alors les analyses individualisées, psychologisées, médicalisées 6. Il participe ensuite même s'il est chargé aujourd'hui d'une connotation négative qu'il n'avait pas si largement auparavant - en matière d'analyse des violences sexuelles - à la réintégration de la problématique de l' »  amour ». En outre, dans la mesure où la « pédophilie » ne correspondant à aucune incrimination pénale, ce terme peut en outre tout à la fois contribuer à déqualifier ces violences - il est de plus en plus souvent utilisé comme un substitut de qualifications criminelles - (viols, agressions sexuelles) mais aussi à réduire plusieurs chefs d'accusation à une seule.
Qualifier Dutroux de "pédophile" n'a pas la même signification que de dire que les charges qui pèsent sur lui sont : enlèvement, séquestration, meurtres, viols, tortures, assassinats, chacune d'entre elles étant un crime qualifié.
Par ailleurs, en lui-même, ce terme n'étant pas sexué, il contribue à faire l'économie d'une analyse sexuée de cette violence.
Concernant les victimes, s'il peut contribuer positivement au processus de visibilisation des violences à l'encontre des garçons et des adolescents, il occulte aussi de plus en plus les violences à l'encontre des petites filles.
Concernant l'agresseur, dans la mesure où ce terme est sexuellement neutre, il peut être utilisé pour incriminer les femmes, comme le fait, de manière scandaleuse, la dernière édition du Robert qui prend pour seul exemple : « une lesbienne pédophile ». Mais il peut aussi renvoyer - comme le fait, là encore, le Robert - à « pédérastie » qui signifie « tout commerce charnel de l'homme avec un jeune garçon » et, par extension: « toute pratique homosexuelle masculine ». Il participe alors au processus de re-criminalisation 7de l'homosexualité 8. Ainsi, lors d'un colloque organisé par ECPAT, les 10 et 11 mars 1997, une personne dans la salle a affirmé : « De l'homosexualité à la pédophilie, il n'y a qu'un tout petit pas », ce qui a néanmoins suscité une réaction du public.
Prenons garde de ne pas retomber dans le discours sur « le vice des corrupteurs de la jeunesse ».9 L'horreur suscitée par le « déviant », le « pervers », le « monstre », le « pédé » peut alors fonctionner et ce, d'autant plus qu'il exerce ses violences à l'encontre d’"innocentes victimes". Et la distanciation ainsi permise par l'emploi de ces termes contribue à conforter la dissociation entre « les autres » et soi-même et protège ainsi d'interrogations plus difficiles : pourquoi la sexualité de tant d'hommes est-elle si violente ? Pourquoi cette violence est-elle si peu dénoncée ? À cet égard, les pratiques pénales qui concernent les criminels sexuels, fondées sur la permanence des notions de « réinsertion », de « réadaptation » au sein d'une société qui soit occulte, soit justifie ces violences ne peuvent que contribuer à conforter ces criminels dans leur conscience d'avoir injustement « payé » pour tous les autres.

M-V.L. : Oui. C'est incontestable. Toutes les différenciations en matière de lutte contre certaines formes de prostitution ont pour fonction de légitimer la prostitution en tant que telle. Ne lutter que contre les formes définies par l'État comme les plus inacceptables, violentes, abusives de la prostitution, c'est nécessairement procéder à la normalisation du système qui les sous-tend.
On pouvait ainsi lire dans la récente déclaration des ONG sur le trafic des êtres humains 10, dans une note de bas de page sans autre explication : "Nous devons mentionner que nos délibérations sur le trafic concernent les femmes adultes et non pas la petite fille"... Comme si la question du trafic des petites filles était « réglée » par ailleurs et pouvait ne pas les concerner. Et, à l'ONU, la dichotomie dans l'approche selon des critères d'âge est de plus en plus radicalisée : « La prostitution des adultes et la prostitution impliquant des enfants sont deux problèmes très différents » affirmait, au congrès de Stockholm, le rapporteur spécial des Nations Unies sur la vente d'enfants, la prostitution enfantine et la pornographie enfantine. 11
Affirmer cela, c'est considérer que les hommes imposant des rapports prostitutionnels à des enfants seraient un sous-ensemble spécifique, isolable des « autres » clients.
C’est admettre que les enfants prostitués ne seraient pas parties prenants de la mondialisation de la marchandisation du sexe et des êtres.
C’est ne pas vouloir voir l’évidence, à savoir que la fabrication des faux papiers travestissant l'âge est le B. A. BA des milieux proxénètes, et penser que ceux-ci respecteraient la loi.
N'évoquer et ne vouloir « traiter » que de la prostitution des enfants relève soit de l'incompréhension des logiques proxénètes, soit de l'hypocrisie ou du cynisme.
Comment expliquer à un enfant qu'il ne doit pas être prostitué, qu'il doit quitter ce milieu, lorsque les mêmes personnes qui lui donnent ce conseil avisé trouvent légitime que sa mère soit prostituée ?

Comment justifier qu'il est mal ou mauvais de se prostituer à 15 ans et que la prostitution est de facto considérée comme acceptée à 16 ans ?
Mais cette question en pose une autre qui n'est que rarement abordée : Pourquoi la loi considère-t-elle comme devant être pénalisée la prostitution et la pornographie - on parle de plus en plus de «pédo-pornographie» - des mineure-s de moins de 16 ans et non pas de moins de 18 ans ? Sur quels fondements l'âge de la majorité sexuelle est-il considéré comme légalement inférieur à celui de la majorité civile ? En d'autres termes, pourquoi les enfants sont-ils considérés comme sexuellement matures - c'est-à-dire considérés comme étant à même de prendre de manière autonome des décisions concernant leur vie sexuelle - avant la reconnaissance par l'État de leur capacité à prendre des décisions civiles et politiques?

Un retour historique est nécessaire. 12  
Pour la France, cette majorité - appelée par certains : « la petite majorité de la prostitution » - était en 1832 de 11 ans soit 10 ans de moins que la majorité civile et politique des hommes. Ceux-ci, qui étaient les seuls producteurs de lois, avaient donc décidé que les petites filles étaient, à cet âge, suffisamment matures sexuellement, pubères, et au fait du comportement sexuel des hommes pour pouvoir être considérées comme sexuellement majeures.13 De fait, l'application de la maxime juridique « volenti non fit injuria» (celui qui donne son consentement n'éprouve pas de dommages) signifiait que les hommes se protégeaient de toute accusation de violences sexuelles, puisque les jeunes filles étaient considérées comme a priori consentantes. Cet âge de la majorité sexuelle s'est élevé à 13 ans en 1863, puis à 15 ans en 1945 et toutes les tentatives de relever cet âge se sont vues confrontées à une opposition farouche du législateur. 14

Actuellement, que cet âge soit toujours inférieur à celui de la majorité civile signifie que le pouvoir sexuel des hommes sur les corps est bien le fondement, le substrat, l'assise sur lesquels repose leur pouvoir politique. En 1927, le Rapport du Comité spécial d'experts sur la traite des femmes et des enfants publié par la Société des Nations déplorait que dans certains pays, «cet âge du consentement ne dépassait pas 12 ans dans quelques pays, et même 10 ans, dans un cas au moins». Et il en concluait : « Lorsque les adolescentes jouissent d'une aussi faible protection, il n'y a pas lieu d'être surpris que des femmes plus âgées soient embauchées et exploitées sans que le délinquant coure grand risque d'être puni ». 15

Il faut préciser, à cet égard, que cet âge ne correspond pas nécessairement dans les diverses législations actuellement en vigueur dans le monde à l'âge légal du mariage et qu'il lui est, en règle générale, inférieur.

M-V.L. : L'analyse de cette loi du 13 avril 1995 16 « contenant des dispositions en vue de la répression de la traite des êtres humains » nous donne à voir la manière dont nos gouvernements - ici, le législateur belge - entérinent progressivement par le droit la légitimité du système prostitutionnel. Et donc le traitement du corps sexuel comme marchandise par le marché. 17

Cette loi, présentée par Michèle Hirsch, avocate, experte pour l'Université Libre de Bruxelles, comme « une législation modèle pour l'Europe »18, conforte selon moi la légitimité de demande des clients, contribue à élargir le marché de prostitution et reconnaît la légitimité du proxénétisme hôtelier. En outre, sous couvert de répression de la traite, elle permet la régulation de l'ouverture des frontières en fonction des besoins, en prostitué-es, du marché.

Cette loi qui ne remet pas en cause le principe de la ne pénalisation des clients au profit desquels ce ‘marché du sexe est construit, confirme donc le principe de la légitimité de la ‘demande’. Ce qui signifie que nos sociétés - la situation française est identique - persistent à trouver ‘normal’ que des hommes achètent, sous des réserves, certes codifiées de facto de plus en plus ténues, l'accès aux corps, aux sexes d'autres êtres humains. Le système prostitutionnel, qui met notamment en relation une ‘offre’ de personnes prostitué-e, et une ‘demande’ de clients, est donc conforté 19.

Cette loi contribue donc à augmenter considérablement les conditions d'élargissement de l' ‘offre’ des personnes prostituées. Et ce à un double titre.

En effet, si le principe de la pénalisation du proxénétisme l'encontre de « personnes majeures », comme celui de la « tenue de maison de débauche ou de prostitution » est maintenu par l'alinéa 10 et 20 de l'article 3,20 cette affirmation est réduite à une portée quasi symbolique, car cet article s'inscrit au sein d'une législation concernant « la traite des êtres humains ». On peut donc en déduire que, sous réserve que cette « traite » n’a pas eu lieu, le proxénétisme, comme la gestion et la possession de bordels, n'est plus réprimé. 21

Cette interprétation est corroborée par les ajouts suivants de la loi : le souteneur n'est plus pénalisé tandis que le proxénétisme obtient, sous certaines conditions, une reconnaissance officielle.

a- La prévention de « souteneur » qui était défini par l'ancien article 380 ter (3°) du code pénal comme étant « celui qui vit, en tout ou en partie aux dépens d'une personne dont il exploite la prostitution » a en effet été abrogée. Comme l'a été l'article qui prévoyait une pénalisation spécifique à l'encontre de ceux qui auraient « retenu, contre son gré, même pour cause de dettes contractées, une personne même majeure, dans une maison de débauche ou de prostitution ou contraint une personne majeure à se livrer à la débauche ou à la prostitution...», au motif que « cette disposition n'avait, sauf erreur, jamais été appliquée, du moins depuis la loi du 21 août 1948 » (p. 557). Seul le terme « retenu » a été gardé et repris dans l'article 3 de la nouvelle loi.
À cet égard, il n'est pas anodin que, dans son analyse de cet article, Michèle Hirsch croie utile de rappeler certaines jurisprudences :
- Celle qui précise qu’ "une personne qui se prostitue seule ne tient pas une maison de prostitution et de débauche ", ouvrant ainsi la voie à ‘la liberté du commerce’ dans les studios.  
- Une seconde qui précise que « la personne qui loue des chambres à des personnes qui font métier de se prostituer et qui permet aux prostituées d'accoster leurs clients ne peut être condamnée pour tenue de maison de débauche ou de prostitution ». 22
Celle-ci rappelle enfin que la Cour d'appel de Mons a acquitté, pour tenue de maison de débauche, un tenancier d'un peep-show aux motifs : « Qu'à l'heure actuelle, il apparaît que l'opinion et la morale publiques ne sont plus offensées, ni même agitées par (ces) pratiques...».(p. 558)

b - L'alinéa 3° qui a été rajouté à cette loi reconnaît que l’"activité " qui concerne « la vente, la location, la mise à disposition des chambres ou de tout autre local » peut légalement générer un « profit ». Et la loi laisse aux proxénètes la possibilité de démontrer que ces locaux ne sont pas réservés (exclusivement) « aux fins de prostitution », ce qui ne relève pas d'une extrême difficulté. Le représentant du ministre de la Justice a même été jusqu'à proposer de « lier le caractère répréhensible à la connaissance du fait que cette chambre est utilisée aux fins de prostitution »23, laissant donc en dernière instance à la ‘conscience’ des proxénètes le dernier mot.
En outre, cette fourniture de biens immobiliers n'est répréhensible que si elle a pour « but de réaliser un profit anormal ». Or, selon le commentaire de Michèle Hirsch qui « pense pouvoir déduire (cette interprétation) des travaux préparatoires de cette loi » : « Le législateur entend par profit anormal un prix exagéré ou excessif perçu par le bailleur en raison de la prostitution de ses locataires ».
En toute logique, elle en déduit que : « celui qui loue des chambres à des prostituées en réalisant un profit ou un gain normal ne peut être considéré comme exploitant la prostitution d'autrui » (p. 558).
CQFD : la norme, c'est le proxénétisme hôtelier.24

Aussi, sans doute pour ‘faire passer la pilule’, mais tout en prenant les citoyen-nes pour des gogos, il a été fait état de la possibilité qui sera ainsi offerte « aux associations d'aide aux prostituées qui le souhaitent de couper l'herbe sous les pieds des souteneurs en louant des chambres à des prix raisonnables ».25

Enfin, le législateur a volontairement exclu l'insertion du mot « débauche » en matière de proxénétisme hôtelier impliquant des adultes, pour ne retenir que celui de « prostitution » au motif que « la notion de débauche concerne la vie privée alors que la prostitution vise des relations personnelles dans un but lucratif ». 26  

Et en conclusion de son article, Michèle Hirsch écrit d’ailleurs, à propos du proxénétisme hôtelier : « Ce faisant, le législateur a pris en compte certains droits de personnes dans l'exercice de leur profession ». (p. 564)

Il faut à cet égard dire que cet article 3 de la loi - et le représentant du ministre l'avait noté - est en contradiction avec l'article 2 de la Convention du 2 décembre 1949 ratifiée par la Belgique le 22 juin 1965. 27
Celui-ci affirme en effet: « Les parties à la présente convention conviennent également de punir toute personne qui : tient, dirige ou sciemment finance ou contribue à financer une maison de prostitution ; Donne ou prend sciemment en location, en tout ou en partie, un immeuble ou un autre lieu aux fins de prostitution d’autrui ». La question de savoir s'il est également en contradiction avec l'article 6 de la Convention de New York contre les discriminations à l'égard des femmes, elle aussi ratifiée par la Belgique, est plus complexe, car elle renvoie à l'ambiguïté du terme d’» exploitation »: « Les États partis prennent toutes les mesures appropriées, y compris les dispositions législatives, pour réprimer, sous toutes ses formes, le traite des femmes et l'exploitation de la prostitution d'autrui.» 28

En tout état de cause, non seulement cette loi entérine, au nom de la lutte contre la traite des êtres humains, la légitimité de la prostitution dont « la traite » se nourrit, mais elle élargit considérablement le champ d'activité du proxénétisme, c'est-à-dire de ceux et celles - extrêmement nombreux - qui vivent des revenus tirés de la prostitution des êtres humains. 29

Cette analyse était d'ailleurs celle défendue par le gouvernement belge en 1923 : « En se réclamant du patronage de l'État que leur donne en quelque sorte la réglementation, les maisons de tolérance se préoccupent sans cesse de renouveler et de rajeunir leur personnel, et par le fait, sont une cause permanente de traite des femmes. Elles s'adressent dans ce but à des pourvoyeurs spécialisés dans ce genre de recrutement .»30  

C'était aussi la position des travaux préparatoires de la loi belge abolitionniste du 21 août 1948 : « La prostitution commercialisée, c'est-à-dire l'exploitation des femmes en vue de la débauche entraîne nécessairement le trafic des femmes... et la traite. Il a été reconnu par de nombreux fonctionnaires et gouvernements que les maisons de tolérance et les maisons similaires créent une demande permanente de femmes. Elles ont constamment besoin de pensionnaires nouvelles pour remplacer celles qui s'en vont et fournir à leurs clients une certaine variété... Elles fournissent aux trafiquants un moyen de recrutement, des relais dans les pays de transit, un abri immédiat pour les nouvelles arrivantes à destination, des débouchés certains et le moyen pour les filles de gagner immédiatement de l'argent sans attendre... La fermeture de l'établissement interdit par la loi est en réalité la seule mesure efficace pour empêcher la continuation du délit ». 31

L’article 1 de cette loi sur la traite des êtres humains, qui décide de cette question, concerne en réalité le contrôle des conditions « d'entrée et de séjour d'un étranger dans le Royaume ». Cet article qui, de fait, bouleverse l'ensemble de la politique migratoire belge est d'ailleurs inséré - en tant qu'article 77 bis - dans la loi du 15 décembre 1980 sur « l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers ».

C'est d'ailleurs le projet explicite de la commission d'enquête à l'origine de cette loi : « Il ne s'agit pas de réprimer la traite des êtres humains en vue de la débauche ou de la prostitution, mais bien la traite et l'exploitation des étrangers en général » écrit Michèle Hirsch. (p. 556)

De fait, cette loi qui ne pose aucun critère d'entrée et de sortie de Belgique définit les conditions qui peuvent être considérées par les tribunaux comme relevant de la contrainte sur un étranger ; il s'agit de toute personne qui « contribue, de quelque manière que ce soit, soit directement soit indirectement, à permettre l'entrée et le séjour d'un étranger dans le Royaume et, ce faisant :
1° fait usage à l'égard de l'étranger, de façon directe ou indirecte, de manœuvres frauduleuses, de violence, de menaces ou de forme quelconque de contrainte » ;
2° ou abuse de la situation particulièrement vulnérable dans laquelle se trouve l'étranger en raison de sa situation administrative illégale ou précaire, d'un état de grossesse, d'une maladie, d'une infirmité ou d'une déficience physique ou mentale ».

Puisque, dorénavant, ce qui qualifie la traite, c'est la contrainte sur un-e étrang-ère,32 c'est celui, c'est celle qui, sans papiers légaux et donc dépourvu-e de tout droit, devra apporter devant les tribunaux la preuve de son entrée contrainte ou abusive et c'est « au Ministère Public qu'il appartiendra de prouver l'élément intentionnel » (p.557) de l'abus ou de la contrainte.

Par ailleurs, le champ d'application de cet article - Michèle Hirsch considère que « ses termes sont extensifs » (p.556) - est si flou et si large qu'il laisse quasiment toute latitude à l'État - via le système judiciaire - de faire venir, de laisser « travailler » mais aussi d'expulser prostitué-es et proxénètes, et ce, au gré de ses intérêts.

Le législateur a d'ailleurs refusé un amendement proposant de remplacer le mot « contribue » considéré comme permettant une définition « trop extensive », par le mot « incite » considéré comme plus limité.

Ensuite, la loi prévoit qu'il doit s'agir d'une « activité habituelle », c’est-à-dire « essentiellement de l'activité du professionnel, du pourvoyeur de main-d’œuvre qui s'adonne de manière répétée aux comportements incriminés ». (p.557)
Ce qui signifie que celui qui « fait passer les frontières », de temps en temps, à un-e émigré-e, à un-e prostitué-e n'est pas pénalisable.

Enfin, la répression est faible. Alors que le projet de la Chambre des Représentants - qui croyait encore sans doute qu'il s'agissait de réprimer des crimes et non pas de réguler le marché du travail - prévoyait une peine de travaux forcés de 10 à 15 ans et une amende de 1.000 à 100.000 FB, le texte adopté a réduit la peine d'emprisonnement de 1 à 5 ans de prison et d'une amende de 500 FB (tarif: menu fretin ?) à 25.0000 FB « pour un acte isolé » (tarif: mafias?). (p.556)

Cet article crée donc les conditions propices au renouvellement de l’ ’offre ’ des prostitué-es étrangères qui représentent la grande majorité des prostitué-es ‘travaillant’ en Europe.

Mais dès lors que les conditions de cette mobilité de la ‘main-d’œuvre’- et donc de son renouvellement - sont posées l'État crée ipso facto les conditions de leur « séjour »: « L'occupation en soi ne fait pas l'objet de dispositions spécifiques » peut-on lire dans les travaux préparatoires (p.18). Et Michèle Hirsch l'affirme sans détour: « L'article 77 bis vise aussi bien le séjour illégal que le séjour légal ». (p.556) 33

Les discussions préparatoires à l'élaboration de cette loi ont donc même été jusqu'à considérer comme «légale», « l'illégalité », ce qui est logique puisque l'enjeu est de brouiller les frontières entre les deux statuts.

À une époque où tous les gouvernements européens affichent auprès de leurs opinions publiques leur volonté de lutter contre l'immigration illégale, il est intéressant de citer le commentaire officiel de cette loi : « L'important n'est pas la question de savoir s'il s'agit d'une entrée ou d'un séjour illégal, mais bien de la manière dont les choses se sont passées. » 34
Il a même été explicitement précisé - pour parer à toute éventualité ? - qu'un fonctionnaire belge ayant procuré un faux passeport à un étranger n'est pas coupable au titre de cette loi, s'il ne l'a pas établi pour « le faire entrer contre son gré ».35 Cas d'école, effectivement, difficile à imaginer...

De fait, cette loi entérine le principe même de la traite des êtres humains, puisque seule « la traite forcée » est criminalisée : « Le législateur réprime de peines criminelles ce que l'on pourrait appeler la traite forcée ou la prostitution forcée » écrit encore Michèle Hirsch. 36

Sous couvert de « mesures sociales en faveur des victimes », de titres de séjour et permis de travail peuvent alors leur être délivrés.37 Encore faut-il pour cela que les présumées victimes soient « accompagnées »38 par un service d'accueil spécialisé.
Les centres, constitués - pour ce faire - avec l'appui des pouvoirs publics, cités par Michèle Hirsch sont PAG-ASA à Bruxelles, Elvira à Liège, le mouvement du Nid, Espace ou Payoke-Saralek à Anvers.

Il n'est pas inutile, dans ce contexte, de connaître la manière dont une chercheuse travaillant pour la fondation hollandaise contre le trafic des femmes (STV) qui est le fer de lance de la politique hollandaise internationale, présente le soutier de cette fondation aux femmes victimes de trafic. La voici : « Malheureusement, STV ne peut aider que les femmes qui ont l'intention de porter plainte ou qui sont dans le processus d'en décider ainsi et qui donc ont un statut légal temporaire. Celles qui n'osent pas porter plainte doivent rester cachées. Les services sociaux ne sont pas disponibles pour elles ». 39

Concrètement, que dit la loi belge en matière de défense des femmes victimes de trafic ?

Si, dans un délai de 45 jours, une plainte ou une déclaration (quelle est la valeur juridique de ce terme ?) contre leur « exploiteur » est introduite, une « déclaration d'arrivée » de 3 mois peut leur être délivrée par l'Office des étrangers et, dans ce cas, « les victimes de traite peuvent être mises provisoirement au travail ».
Une autorisation de séjour de plus de 3 mois peut être délivrée, si la plainte ou la déclaration n'a pas été classée sans suite.
Une demande d'autorisation de séjour pour une durée indéterminée peut également être introduite lorsque l ’’affaire’ est fixée devant le tribunal correctionnel. Les personnes ayant été autorisées à un séjour de plus de 3 mois « peuvent être mises au travail ».

Ainsi, non seulement, ces femmes, sans aucun droit, sans aucune garantie concernant leur avenir sont instrumentalisées afin de servir à la dénonciation des proxénètes et autres réseaux mafieux, mais en outre, dès lors que la fonction qui leur a été assignée est remplie, on crée les conditions non pas de leur liberté, mais d'une nouvelle exploitation dont rien n'exclut qu'elle soit prostitutionnelle. On est loin des demandes de droits d'asile politique des victimes de violences contre les femmes !

En outre, il est même prévu que l'on puisse se passer d'elles. «Sans avoir nécessairement obtenu l'autorisation de la victime », au nom de l'argument de la « protéger contre diverses formes d'intimidation », le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme, les associations agréées à cet effet par le roi et les organismes d'intérêt public peuvent ester en justice «dans tous les domaines auxquels l'application de la loi sur la traite pourrait donner lieu ».
Et il a même été précisé lors des discussions au Sénat 40 : « Le fait que des associations qui s'occupent de l'accueil des prostituées sont subventionnées par les communautés placées sous leur surveillance n'empêche nullement qu'elles puissent être agréées par le roi pour ester en justice dans le cadre de la loi en projet ».
Ainsi, des proxénètes ou des communautés gérant des maisons de passe, pourraient, sous réserve de faire de l '« accueil de prostituées », ester en justice dans le cadre de cette loi.

M-V.L. : Je pense que ce qui s'est joué là, est le fruit d'une négociation aboutie en matière de répartition des profits entre les mafias proxénètes, révélant au grand jour l'efficacité et l'intelligence politique de leurs lobbies,41 et les différentes sphères de l'État.

Sur la base du respect d'un code de conduite mutuel, l'État leur a reconnu leur part du marché, mais sous certaines réserves. Il a en effet posé des limites à leurs interventions qui sont définies dans les articles sur la répression d'associations de malfaiteurs.(Art.3,4,5,6) Une aggravation des peines concernant la traite est prévue « si l'infraction constitue un acte de participation à l'activité principale ou accessoire d'une association ». De fait, cette formulation - qui ne signifie rien et qui peut donc signifier tout - fait peser une menace sur toutes les associations ; tandis qu'il est précisé que « les avocats qui prêteront leur concours à une telle association pourraient aussi être poursuivis ». (p.557)

En outre, l'interprétation que je fais de cet article - qui pour s'appliquer aux mafias n'en est pas moins scandaleux - est que, là encore, le gouvernement se donne pratiquement tout moyen juridique de poursuivre, et d'expulser, les mafiosi les moins coopérants avec la police, les moins ‘rentables’, les plus gênants politiquement, par exemple lorsqu'une ‘affaire’ éclate au grand jour.

Ensuite, au-delà de la politique en matière de prostitution, cette loi qui fait de la traite « une infraction spécifique sans relation, en principe, avec l'exploitation sexuelle des personnes » 42confère à l'État une formidable liberté en matière d'immigration. Michèle Hirsch, une fois encore, a été très claire en la matière : « Les infractions reprises par le législateur comme étant constitutives de la « traite » ne concernent pas nécessairement le trafic international d'êtres humains et l'article 77 bis de la loi du 15 décembre 1980 réprime de manière générale l'exploitation des étrangers, mais sans relation avec l'exploitation sexuelle de ceux-ci ».43

Et ce, au coût d'une formidable régression des libertés privées et publiques.
Les notions de « profit anormal », mais aussi de « situation administrativement précaire », de « traite par abus de situation dominante », d’» abus de situations particulièrement vulnérables d'une personne en raison de sa situation administrative illégale ou précaire », que Michèle Hirsch appelle, pudiquement, une « notion à contenu variable », 44 ne resteront sans doute pas au magasin des Antiquités. Elles pourront par ailleurs être employées dans bien d'autres domaines, en droit civil, pénal, du commerce, de la concurrence, du travail...  

Dans le même sens, la confusion conceptuelle exprimée par le Ministre de la Justice entre « prostitution, exploitation sexuelle et exploitation économique»45, comme entre « lutte contre le travail au noir et traite des êtres humains » (p.557) est lourde de conséquences pour l'avenir, en brouillant les frontières entre êtres humains et marchandises.

M-V.L. : La loi traite, selon son titre, de la pornographie « enfantine », terme qui juridiquement ne signifie rien. De fait, elle ne concerne que les mineurs de moins de 16 ans, l'argument, incroyable, étant : « qu'il est parfois difficile de distinguer dans un film la différence entre un jeune de plus de 18 ans et un jeune de moins de 18 ans » (p.560). En outre, elle ne définit pas ce qu'elle entend par pornographie. 46
Néanmoins, les précisions données lors de la proposition de loi sont extrêmement inquiétantes.
Il s'agit de : « tous les actes pouvant constituer un attentat à la pudeur, même si le mineur y a consenti de son plein gré, sous l'influence ou la contrainte ou les actes excitant artificiellement les sens de la personne qui les regarde et offensant la pudeur du citoyen moyen en raison des attitudes ou comportements vicieux ou pervers qu'ils représentent ». (p.560)
Ceci étant, que dit la loi ?
«Sans préjudice de l'application des articles 379 et 380 bis, quiconque aura exposé, vendu, loué, distribué ou remis des emblèmes, objets, films, photos, diapositives ou autres supports visuels qui représentent des positions ou actes sexuels à caractère pornographique, impliquant ou représentant des mineurs âgés de moins de 16 ans ou les aura, en vue du commerce ou de la distribution, fabriqués ou détenus, importés ou fait importer, remis à un agent de transport ou de distribution, sera puni de réclusion (sans référence précise à la peine encourue) et d'une amende (très faible) de 500 à 10.000 FB ».

Elle prévoit, en outre, une peine d'un mois à 1 an de prison et une amende de 100 à 1.000 FB pour ceux et celles qui les auraient « sciemment possédés ». Ce qui est une manière de ne pas dire que la possession de ces cassettes est légale, « la charge de la preuve que le détenteur du support visuel avait la connaissance spécifique de l'âge du mineur figurant sur ce support appartenant au Ministère Public ». (p.560)
Il serait, à cet égard, légitime de connaître le nom des sénateurs de la Commission de Justice du Sénat, dont parle Michèle Hirsch, « qui voulaient supprimer totalement ce paragraphe 2 concernant la ‘détention’ de matériel pornographique impliquant des mineur(e)s de moins de 16 ans ». (p.560)

La loi prévoit enfin, à l'instar des articles sur la traite, une pénalisation extrêmement lourde - 15 ans de travaux forcés mais une amende assez faible (de 500 à 50.000 FB) à l'encontre de ceux qui auraient exposé, vendu, loué, distribué du matériel pornographique impliquant des enfants de moins de 16 ans, si cette infraction « constitue un acte de participation à l'activité principale ou accessoire d'une association, et ce, que le coupable ait ou non la qualité de dirigeant. »(Art 7 &3)

 M -V.L. : En effet, suite à l'affaire Dutroux et donc postérieurement à cette loi, le gouvernement belge est, sur le plan européen, ‘monté au créneau’ pour élargir la pénalisation de la pornographie enfantine. Il a donc proposé au « conseil Justice, Affaires intérieures» qui s'est tenu à Dublin en novembre 1995 de pénaliser la possession « à des fins personnelles » de cassettes pornographiques impliquant des enfants. Mais là, il a été confronté à l'opposition hollandaise et danoise, sans doute parmi les principaux pourvoyeurs de matériel pornographique à l'échelle internationale. Il a donc été contraint, à l'instar des quinze, au nom de la règle du consensus, à cautionner, contre son gré, cette politique européenne.
Quant au maintien du principe de double incrimination, Michèle Hirsch est très claire : « Les travaux parlementaires ont maintenu ce principe ».(p.563) Cela signifie qu'un ‘touriste sexuel’ ne peut être condamné, y compris sur des charges de violences sur des enfants, que si « l'infraction est également punissable dans le pays où elle a été commise pour que le juge belge puisse en connaître ».

En réalité, il me semble que les positions prises par cette législation votée par le Parlement avant l'affaire Dutroux et la gestion politique des conséquences de cette affaire créent de réelles contradictions. Ainsi, lors de la réunion, les 26-28 avril 1997, à La Haye, chargée de faire adopter par les gouvernements des 15 pays européens un code de conduite en matière de traite des êtres humains, la représentante belge, après avoir reçu un téléfax, a déclaré retirer tous les amendements qu'elle avait déposés jusqu'alors, puis a quitté la salle.

Il faut constater en outre, mais c'est vrai pour tous les États, qu'en ce qui concerne la question de conflits de normes de valeurs juridiques entre conventions internationales, européennes et nationales, le moins que l'on puisse dire est que la confusion est totale.

M-V.L.: Il s'est passé à l'occasion de la conférence internationale organisée à Brighton du 10 au 15 novembre 1996 « Violence, abuse and women's citizenship », à laquelle près de 2.500 femmes et quelques dizaines d'hommes assistèrent, une importante clarification politique féministe en la matière.

Alors que quelques femmes cherchaient à défendre les thèses distinguant prostitution « libre » et « forcée », « prostitution » et « trafic », les organisatrices de la conférence ont tenu à préciser leur position.

Voici la déclaration qui a été lue en séance publique le 16 novembre, dernier jour de la conférence :
«  Further to the statement read on behalf of the Austrian women this morning and to complaints made by a small number of women at this conference, the steering group wish to clarify our position on pornography and prostitution.
The steering group is uncompromisingly anti-prostitution.
We do not recognize the false distinction between forced and so-cald chosen prostitution.
There is no plateform for pro-prostitutio position at this conference.
We deliberatly chose to have keynote speakers who reflected our own position on pornography and prostitution.
We  make no apologies for this choice, we have no regrets about if.
We consider all of the issues discussed at the conference to be violence against women.
It is unfortunatly rare these days, for feminists, to have access to a conference which is clear and uncompromising in its opposition to prostitution.
We are glad that we have been able to give space to women here who are working against the international sex industry.
We hope that it has given them strength in continuin their fight».

La veille, une motion proposée par la Fédération Abolitionniste Internationale, l'Association Européenne contre les violences faites aux femmes au travail, l'Union contre le trafic de êtres humains et signée par la Coalition contre le trafic de femmes, avait été lue, proposée et approuvée - mais le principe demandé du vote n'a pas été accepté - sur la position suivante :

«Feminism and a pro-prostitution stand are mutually exclusive. lt is therefore proposed that in all future intemational feminists meetings and networks on male violence against women, clear anti-prostitution statement will be a prequisite» .

Enfin, lors de son exposé, Janice Raymond, codirectrice de la Coalition contre le trafic des femmes attira l'attention du public 47sur la position prise à Pékin lors du Caucus sur les droits humains organisé par le Women's global leadership dont la présidente est Charlotte Bunch. Ce centre, dont l'AVFT avait dénoncé les positions et les pratiques lors de la conférence européenne de Vienne en 1994, préparatoire à celle de Pékin, défend en effet des positions proches des thèses Hollandaises. 48

Ceci étant, les participantes à cette conférence se sont rendu compte, à cette occasion, de l'importance de la pénétration des ONG Hollandaises au sein des networks et ONG qui fleurissent de toutes parts et qui investissent, notamment mais non pas exclusivement, les pays de l'Est. Dans l'immense majorité des cas, les femmes de ces ONG tombaient des nues – et le plus souvent ne comprenaient pas la nature des débats -lorsqu' elles étaient confrontées aux accusations faites à des associations (auxquelles elles avaient adhéré sur des positions de lutte contre le trafic des femmes, ou féministes) de soutenir le proxénétisme international !

Il s'agit ici d'un problème politique grave auquel les groupes directement concernés - et les États qui affirment lutter contre ces thèses - devraient s'attaquer rapidement. Il faudrait, à tout le moins, diffuser, notamment mais non pas exclusivement aux ONG et networks soutenus financièrement par les Hollandais49, des analyses clarifiant les positions respectives en la matière.

Mais ce qui me paraît important, compte tenu de la gravité des enjeux actuels, c'est que toutes celles et tous ceux qui refusent les thèses libérales en la matière puissent cumuler leurs apports respectifs. Les enjeux sont si complexes et si graves qu'il me semble que, compte tenu des nouvelles donnes en la matière, dès lors que l'accord minima est fait de lutter contre les thèses dites « hollandaises », de nouvelles pratiques devraient s'instaurer, hiérarchisant différemment les engagements.

Les oppositions entre réformistes et radicales, religieuses et laïques, féministes et non féministes... ne seraient plus alors, en matière de lutte contre la prostitution, le préalable. La question me paraît devoir, à tout le moins, être débattue .

Il est, me semble-t-il, positif qu'au-delà des clivages habituels, la pétition lancée par l'AVFT le 25 avril pour demander aux gouvernements de s'opposer à l'adoption du code de bonne conduite50 ait pu regrouper très rapidement des associations venant d'horizons fort différents.
Et que les positions prises par la FIDH et l'Alliance des femmes aient agi dans le même sens.

Reste à prolonger, en toute indépendance par rapport aux initiatives gouvernementales, les effets partiellement et ponctuellement réussis de cette pression sur les institutions gouvernementales européennes. 51

M-V.L. : Cette analogie mérite à peine d'être récusée, au risque de crédibiliser cette affirmation et de se situer sur le terrain de la justification.

Ce sont les féministes qui dénoncent la violence qui prend les femmes pour cibles, qui interviennent dans le champ législatif, médiatique, politique et ce seraient elles qui enfermeraient les femmes dans un statut de victime. C'est absurde !
Ce qu'il faut voir c'est la dimension politique de cette attaque qui contribue en outre à la déresponsabilisation de la société dans son ensemble - et des hommes en particulier - en la matière.

En réalité, nous ne sommes qu'au tout début de la dénonciation, et de l'analyse, de ces violences. Et, très, très en deçà de la reconnaissance de leur ampleur comme de leur gravité. Comme de l'analyse de la fonction qu'elles jouent dans le maintien des fondements de la domination masculine.

Si tant est que les féministes devraient être considérées comme responsables de ce qu'elles sont, le plus souvent, bien seules, à dénoncer, si une critique peut leur être faite, c'est de n'avoir pas réussi à faire en sorte que toutes les femmes victimes puissent affirmer haut et fort qu'elles le sont.

La faiblesse du nombre de plaintes concernant ces violences par rapport aux estimations de leur réalité démontre que les femmes sont loin d'avoir gagné leur droit à être reconnues comme victimes, et encore trop souvent bien loin d'oser penser ce droit. Néanmoins, rien ne saurait justifier que quiconque puisse se substituer à leur parole. 52

Ce processus d'émergence de la visibilisation de cette violence s'inscrit dans l'histoire longue. Ainsi, il a fallu en effet des siècles d'histoire - et de violences - pour que le «devoir féminin conjugal» puisse coexister avec le concept juridique de «viol conjugal» et le «droit-masculin-de cuissage» avec celui de «harcèlement sexuel».
On constate cependant uns accélération a été très rapide depuis une vingtaine d'années. Depuis les années soixante-dix, non seulement les violences masculines physiques, sexuelles, verbales, symboliques ont été dénoncées ; non seulement le continuum de ces violences a été analysé ; non seulement l'estimation de leur ampleur donne le vertige ;  mais, plus encore, aucun de leurs auteurs, les plus ‘protégés’ soient-ils n'est plus à l'abri d'une dénonciation.
Pères de famille, prêtres, employeurs, magistrats, instituteurs, directeurs de chorale, professeurs de Faculté, policiers, hommes politiques... font l'objet de dépôts de plainte. Ce qui ne signifie pas condamnés.

Devant le risque de ce dévoilement dont les enjeux ne sont pas que symboliques, on comprend mieux les raisons des attaques contre les féministes.
Il s'agit, sinon d'empêcher ces dénonciations, du moins de tenter de freiner les avancées des féministes pour briser la collusion historique entre les hommes et la loi.

M-V.L. : Oui. Sans doute pas encore suffisamment. Mais, avec de fortes nuances.
Ce sont essentiellement les féministes qui ont contribué à créer les conditions de l'émergence du plaisir libéré de la crainte des grossesses, des avortements et de la mort. Ce sont essentiellement elles qui ont contribué à libérer le plaisir des femmes, lorsqu'elles ont démystifié « l'amour ». En disant que l'amour ne procure pas nécessairement du plaisir, mais aussi l'inquiétude, la peur, l'angoisse, la déception, l'ennui, le devoir, l'habitude, le dégoût, la colère, la haine, le désir de mort de l'autre mais aussi de soi d'avoir dû « céder », elles ont aidé les femmes à faire la différence entre « baiser », « faire l’amour », « désirer » et « aimer ». En dénonçant les manipulations du « plaisir sexuel des femmes » comme souvent autant d'impositions sexuelles normatives, elles ont ouvert la voie à une parole libérée des femmes.
Ce sont essentiellement elles qui ont contribué à la critique fondamentale - de la dissociation entre violence et plaisir.
Lorsqu'une femme éprouve un plaisir sexuel alors qu'elle est violée, lorsqu'un homme ou une femme éprouve un plaisir sexuel en visionnant une scène de viol ou de torture que faut-il en déduire ? Que les valeurs qui sont celles de notre monde ont érotisé la souffrance et notamment la souffrance des femmes.
Avec les homosexuelles, elles ont dénoncé la contrainte à l'hétérosexualité, ouvrant plus librement la voie au désir lesbien.

Enfin, pour finir sur une appréciation optimiste, ce sont essentiellement elles, qui, par leurs critiques des pratiques amoureuses masculines dominantes assimilant érection, éjaculation, plaisir (masculin) ont contribué - si tant est que quiconque puisse généraliser en la matière - à ce que, de plus en plus nombreux, me semble-t-il, sont les hommes qui font «mieux» l'amour avec leurs partenaires.

Si l'on veut contribuer efficacement à faire disparaître la tolérance de nos sociétés sur ces violences, il faut reprendre, à la base, les « malentendus » - et c'est une litote - entre les sexes. Trop souvent, les femmes aiment les hommes qui les désirent, faute d'être aimées comme elles le souhaiteraient, tandis que les hommes aiment les femmes qu'ils désirent et désirent les femmes qui provoquent leur désir, ce que les femmes interprètent, faute de mieux, comme de l'amour.

M-V.L. : Cet argument qui est utilisé le plus souvent par des personnes qui défendent les positions les plus scandaleuses, les plus amorales, n'est qu'un moyen grossier d'empêcher les féministes de porter un jugement moral et donc politique sur le comportement sexuel des hommes et sur le système patriarcal qui les soutient.
Il faut refuser de se justifier et assumer fièrement le droit d'avoir une morale face à ceux et celles qui se font gloire de ne pas « en » avoir.

M-V.L. : L'éthique féministe c'est, pour moi, cesser de vouloir tirer individuellement son épingle du jeu au détriment ou dans l'ignorance des autres femmes, laissant ainsi libre cours à la compétition et aux rivalités qui permettent aux hommes de demeurer le référent universel.

C'est ne pas enfermer les hommes dans une identité d'agresseurs, mais aussi leur poser leurs responsabilités.

C'est être aussi exigeante en matière de cohérence entre vie privée, engagement intellectuel et politique, que les féministes l'exigent, à juste titre, des hommes.

C'est réhabiliter le droit de se battre. Et le faire.

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Notes de bas de page
1 Selon le code de procédure pénale, ce sont sur des critères de«  bonne conduite  » en prison et « d'efforts sérieux de réadaptation sociale » que les décisions de libération sont prises.
2 Cf. Le Monde, « Une affaire de pédophiles embarrasse la justice niçoise », 9 avril 1996 et Le Monde, « L'enquête sur un réseau pédophile est classée sans suite », 26 avril 1996.
3 Cf. par exemple Ron 0' Grady, Président d'ECPAT (End Child Prostitution in Asian Tourism) évoque « à la veille du XXlème siècle, les millions d'enfants gardés en esclavage afin de servir les appétits sexuels des adultes». ln The Rape of the innocent, 1994, p.7.
4 Il y est traité, dans un véritable embrouillamini conceptuel, tout à la fois de « fillettes », d' adolescentes », de « jeunes mères », de « femmes enceintes et de mères allaitantes»... d’"enfants des deux sexes", de «jeunes», mais aussi de «garçons»... et de «femmes».
5 Les victimes de Dutroux n'étaient pas toutes des "enfants " : Julie, Melissa et Elisabeth avaient 8, 9 et 10 ans, Anne et Efje, 17 et 19 ans.
6 Florence Montreynaud dans un article sur le même sujet intitulé : « Ces amis qui leur veulent du mal » à paraître dans Prostitution et Société, précise que : « dans la classification internationale des maladies établie par l'OMS, la pédophilie a été considérée comme « perversion sexuelle » en 1965, comme « déviation sexuelle » en 1973 et enfin comme « trouble de la préférence sexuelle » en 1993.Et elle termine fort pertinemment son article ainsi : « Les auteurs (de ces violences) ne sont pas des pédophiles, mais des délinquants ou des criminels sexuels dont les victimes sont des enfants. C'est plus long à dire, mais la vérité et la justice sont à ce prix».
7 L'emploi par les tribunaux belges - mais sûrement aussi français- de certaines formulations concernant l'homosexualité est inquiétante. Il est question de « pratiques immorales et exécrables des homosexuels» (Cass., 17 janv. 1995) et de « dérèglement de sexualité » (Bruxelles, 11 Déc. 1985). Journal des tribunaux, 1986, p. 89. Par ailleurs, les tribunaux considèrent plus facilement qu'il y a « débauche » quand il s'agit de relations homosexuelles. ln: Michèle Hirsch. «La traite des êtres humains. Une législation modèle pour l'Europe? ». Journal des Tribunaux , 16 septembre 1995, no5768, p. 5588.
8 Récemment, Pierre Fontanié dans un article intitulé "A propos du soi-disant pédophile Dutroux" , récusait l'emploi de ce terme qu'il qualifiait d' «épithète infâme» au nom de l'argument selon lequel il pourrait être utilisé à l'encontre des homosexuels.

Il faut rappeler que la liberté d'avoir un comportement sexuel différent de la norme et de défendre le droit à toute forme de sexualité contre l'ordre sexuel dominant ne confère pas droit d'exercer sa sexualité en dehors de toute contrainte et à s'exclure de l'application de la loi. En effet, les formulations employées par P. Fontanié peuvent être interprétées comme défendant le point de vue de l'agresseur: «Il est à craindre que les pédophiles succombent à la tentation de se déprécier, au lieu d'essayer d'y voir clair en eux, de comprendre le cheminement qui est le leur et, partant, de se «resocialiser» en admettant que tout rapport imposé par la violence, contraint ou surprise, particulièrement avec un mineur, ne s'inscrit pas dans les conduites admissibles, pas plus que l'abus d'autorité, et ce indépendamment des oukases de la Loi». Et pour clarifier son point de V1 il précise : « Nul n'ignore que les Grecs anciens encourageaient' pédérastes, qu'une commission d'experts du gouvernement Néerlandais jugeait, en 1969, l'initiation sexuelle par un partenaire adulte favorable à l'évolution d'un-e adolescent-e. Il y avait des rites de passage dans les vieilles sociétés claniques », Humeurs. hiver 96/97, no41.

9 La notion de «corruption d'un mineur» est cependant reprise dans l'article 2 de la loi sur la traite des êtres humains analysée plus bas.
10 NGO Statement adopted by the European NGO conference, Noordwijkerhout, 5- 7 april1997 to be presented to the .E Ministerial conference. 24-26 avril 1997.

Alors que les ONG les expertes qui s'opposaient aux thèses hollandaises s'étaient vues interdire l'accès à cette rencontre, le texte issu de des «travaux» fut le seul à avoir été présenté à la Conférence ministérielle de la Haye chargée de ratifier le code de conduite sur le trafic des êtres humains, le 26 avril 1997.

11 ln: Rapport du Congrès mondial contre l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales. Stockholm, Suède, 2 31 août 1996, Partie 1, p. 135.
12 Cf. Marie- Victoire Louis, Le droit de cuissage. France, 1860-1930. Paris, les Editions de l'Atelier, 1995. Chapitre VII. Les déb. juridiques.
13 En-dessous de cet âge, un homme accusé d'attentats aux mœurs peut exciper du consentement de la victime.
14En Grande-Bretagne, en 1885,250.000 personnes ont, à l'initiative des mouvements abolitionnistes, manifesté dans la rue pour élever l'âge du consentement de 13 à 16 ans, ln: Mary McIntosch, "Introduction to an issue: Family secrets and public drama". Feminist Review, no 28, janv. 1988, p. 9. Référence donnée par Nadine Plateau.
15 17 Février 1927, 1ère partie, p. 44.
16 Publiée dans Le Moniteur Belge du 25 avril 1995
17 Cf. Marie-Victoire Louis, «Quand les Pays-Bas légalisent proxénétisme. Le corps humain mis sur le marché». Le Monde Diplomatique, mars 1997.
18 Michèle Hirsch, art. cit. (note 6). Pour ne pas alourdir les notes lorsque je citerai cet important article, je me contenterai de citer entre parenthèses dans le corps du texte, la page de référence.
19 Et ce, en toute conformité avec la logique abolitionniste à laquelle adhérait la Belgique. En effet, au nom d'une analyse qui subordonne la lutte contre la prostitution au respect de la liberté individuelle de chacun-e de se prostituer, les abolitionnistes n'ont pas remis en cause la légitimité du système. Ils et elles ont donc focalisé leurs interventions sur la seule « exploitation » de la prostitution, en rendant plus difficile son exercice par la pénalisation de ceux - les proxénètes - qui en tirent profit. Mais, de fait, la contradiction est là : si l'on accepte le principe qui voudrait que certaines personnes puissent librement  «se» prostituer, dès lors, on est contraint à accepter, dans le cadre d'une économie libérale, que les corps puissent être l'objet d'un échange marchand et que quelqu'un puisse bénéficier des revenus de cet «échange». On lutte alors contre des proxénètes, mais on conforte le système proxénète.

Théoriquement parlant, il n'y a pas de situation médiane possible.

20 Article 3, 1 °,2°: "Sera puni d'un emprisonnement d'un an à 5 ans de prison et d'une amende de 500 à 25.000 Frs, quiconque, pour satisfaire les passions d'autrui, aura embauché, entraîné, détourné ou retenu, en vue de la débauche ou de la prostitution, même de son consentement, une personne majeure; quiconque aura tenu une maison de débauche ou de prostitution".
21. Comme le précise, de manière, il est vrai, peu claire, son exposé des motifs: «Il résulte clairement des travaux préparatoires que le législateur a entendu réprimer la traite des êtres humains par l'article 380 Bis alinéa 1er du code pénal et que l'alinéa 2,la tenue de maison de débauche est mis en rapport direct avec la traite».
22 Tandis qu'une jurisprudence contraire est présentée entre parenthèses et analysée sans justification comme «critiquable».

23 Chambre des Représentants de Belgique. Rapport fait par M. Landuyt, au nom de la Commission de la Justice . Proposition de loi de répression de la traite des êtres humains, 16 juin 1994, 1381/6- 93/94, p. 16. 24.  
24Et chacun-e sait que les proxénètes ont une comptabilité transparente et ne traitent rien au «noir».
25 Rapport de M. Landuyt. Op. cit. p. 16. 26.
26 Rapport Sénat, 1993-1994, N° l14213, p. 35. Cette fausse alternative est non seulement dangereuse mais aussi absurde
27 Michèle Hirsch considère que le législateur, en choisissant « d'abroger la prévention du souteneur et d'incriminer expressément le proxénétisme hôtelier en inscrivant dans la loi le critère de «profit anormal» comme élément indispensable de l'infraction» n'est pas incompatible avec «le maintien du système abolitionniste». Ailleurs, elle affirmera que le système abolitionniste est «plutôt le nôtre» (p. 563). Mais elle considère aussi que le «législateur belge prend ses distances à l'égard de la convention de New York". ln: Expérience belge de lutte contre le trafic d'êtres humains. Réunion internationale d'experts (il n'y avait que des expertes) sur l'exploitation sexuelle des êtres humains et actions internationales. UNESCO et Institut Coréen des femmes, Séoul, Corée, 12-15 juin 1995, p. 16 de son texte.
28 Pour une critique de l'utilisation de cet article 6 de la Convention de New York en matière de lutte contre la prostitution, Cf., Marie-Victoire Louis, Cahiers Marxistes…
29 Ce trafic«possède dans tous les pays des collaborateurs, des correspondants, des sources de renseignements, des repères secrets, fabricants de faux passeports et pièces d'identités, des banquiers spéciaux et même des «Bourses» où les victimes de la traite font l'objet de transactions comme de simples marchandises». ln: Travaux préparatoires de la loi (belge) du 21 août 1948.
30 Réponse du gouvernement Belge au questionnaire sur le système de réglementation officielle, envoyé à la suite d'une recommandation d'une commission consultative du Conseil de la SDN. Cité dans le Rapport du Comité spécial d'experts sur la Traite des femmes et des enfants de la SDN. Op. cit. p. 47.
31 Cité dans la proposition de loi de répression de la traite des êtres humains. Chambre des représentants de Belgique, 1381/1/9394,28 mars 1994, p. 12.
32 " La commission a constaté qu'il était urgent de faire une distinction entre les étrangers qui entrent illégalement ( mais de leur plein gré) en Belgique et ceux qui sont amenés ici sous la contrainte et sous des prétextes fallacieux. L'abus qui est fait e de la situation vulnérable de cette dernière catégorie d'étrangers constitue l'essence même de la notion de traite des êtres humains". Doc. Chambre, 1993-1994. N ° 1381, p. 2
33En italique dans le texte de Michèle Hirsch.
34 Proposition de loi. Op. cit. p. 18.
35 Rapport de M. Landuyt. Op. cit. p. 8.
36 Texte de Michèle Hirsch, Réunion de Séoul, art. cit. p. 11.
37Le Moniteur belge, 7 juillet 1994
38 Texte de Michèle Hirsch, Réunion de Séoul, art. cit. p. 14
39 Sietske Altink, Stolen lives. Trading women into sex and slavery. London, New-York. Scarlet Press. Harrington Park press. 1995. p.52
40 Doc., Sénat. 1994-1995, N° 1142/3. P.73
41 Qu'ont-ils offerts aux politiques en échange de ce royal "cadeau" ?  
42 Michèle Hirsch, Séoul, Art cité. P. 10
43 Ibid.p. 555
44 Ibid. p. 556
45 Rapport du 16 juin 1994, p.7
46 «Le législateur a manifestement voulu rester dans l'imprécision» (p. 556 ).
47 Coalition Report. Coalition against trafficking in women. Vol. 4, no1, 1997, p. 10. P.O. Box 9338, N. Amherst, MA, 10159 USA.
48 Cf. Report of the Women's Human Rights Caucus at the fourth conference on women. Bejing, 1995. Center for Women's global leadership, Douglass College, 2 7 Clifton Avenue, New Brunswig, NJ 08 903, USA.
49 Ajout. Avril 2003. Auxquelles il faut aujourd'hui ajouter celles soutenues par l'Union européenne.
50 Cf., Le code la honte.  
51 Malheureusement, les projets gouvernementaux français annoncés à la suite de cette réunion de La Haye sont dérisoires sinon inexistants : un énième «état des lieux» et la «remise en place du Conseil Supérieur de l'information sexuelle, de la régulation des naissances et de l'Education familiale» ! Cependant, la position politique prise par le gouvernement français a de facto placé la France au premier plan des Etats abolitionnistes. Il faudra bien qu'elle prolonge cette action et se donne, avec les autres Etats européens abolitionnistes, les moyens de repenser et de faire vivre une politique alternative aux thèses hollandaises.
52 La proposition que des associations puissent se constituer partie civile sans l'accord de la victime fait cependant partie du programme des Assises pour les droits des femmes, 15 et 16 mars 1997. Elle est inacceptable en ce qu'elle légitime l'appropriation de la parole des femmes et ce, par celles qui s'affirment chargées de défendre leurs droits.

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