lettres politiques
 Marie-Victoire Louis

Lettre à Caroline Méchin

date de rédaction : 14/10/2001
mise en ligne : 18/10/2006 (texte déjà présent sur la version précédente du site)
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Paris, le 14 octobre 2001

Caroline Méchin
Service droits des femmes et de l'égalité
10/16 rue Brancion
75015 Paris

Par mail et par lettre

Caroline,

Je voulais m'excuser de la manière qui pourrait avoir été considéré par toi comme lapidaire avec laquelle je t'ai re-dit (après l'avoir fait savoir par écrit à Madame Grésy qui m'avait demandé mon opinion) que j'étais "en total désaccord" avec le rapport : L'image des femmes dans la publicité.

Et puis en m'en rendant compte le soir même, au retour de la remise de la médaille de l'ordre du mérite par Catherine Morbois à Marie-France Casalis, j'ai tout à la fois réfléchi aux raisons qui pouvaient l'expliquer, ainsi qu'à ta propre réaction.

Il me semble - sans la justifier - que ma réaction s'explique par la manière dont depuis tant d'années, les différents Secrétariats d'Etat en charge des droits des femmes, ainsi que le Service auquel tu appartiens (et que tu représentais, pour moi, vendredi), agissez :

* Vous rédigez seules, sans consultation, ni même présentation aux associations, des textes graves qui engagent la vie de toutes les femmes de ce pays. Et lorsque vous êtes interpellées, le silence est de mise. Je pense au rapport CEDAW et à la lettre, restée sans réponse, que j'avais envoyée à Madame Grésy en date du 9 mai 2000.

* Lorsque vous faites des "consultations", elles sont piégées. Je pense, parmi d'autres, à celle qui a précédé la rédaction sur l'image des femmes dans la publicité. Et lorsque des critiques, par ailleurs, vous sont transmises - Cf., ma lettre à Madame Grésy en date du 26 avril 2001 - , vous n'en tenez pas compte lors de la rédaction finale du rapport.

* Vous ne soutenez pas les associations lorsqu'elles sont menacées de disparaître, et alors que vous vous êtes nourries de leur travail pendant des années et qu'elles ont fait ce que vous ne faisiez pas. Je pense aux attaques qui ont eu lieu contre l'AVFT en 1996, 1997, 1998.

* Je pourrais aussi parler de :
- l'absence de politique réelle et globale crédible de lutte contre les violences des hommes sur les femmes ;
- de la scandaleuse enquête ENVEFF;
- de mise sous tutelle de l'INAVEM1 des associations féministes de lutte contre les violences des hommes à l'encontre des femmes ;
- du silence, si politiquement révélateur, concernant le travail - immense – fait (notamment) par la Délégation régionale des droits des femmes de l'Ile de France.

* Je pourrais enfin parler de l'absence de critiques des textes européens et internationaux qui cautionnent l'abandon de la convention de 1949 et du maintien - de moins en moins crédible - de la fiction de la politique abolitionniste de la France en matière de prostitution.

Concrètement, mon dernier contact avec Madame Grésy, chef de service - qui était pour moi frais dans ma mémoire - confortait malheureusement ce que je viens de t’écrire. J’avais adressé copie, pour information, le 5 septembre 2001, à celle-ci d’un article que j’avais rédigé sur l’association Cabiria, intitulé : « Pour une critique de la politique pro-prostitution de Cabiria ».
Cette association - dont les positions sont en contradiction avec les politiques affirmées comme étant celles de la France, comme avec le droit français - est subventionnée par les Pouvoirs publics. Madame Grésy a certes, le jour même, accusé réception de ce texte, mais depuis - malgré la gravité des analyses de cette association - rien n’a, à ma connaissance, été fait.  

J'arrête là, car la poursuite de mes critiques des politiques mises en place serait, dans le cadre de cette lettre, trop longue, mais surtout dépasserait son rôle et sa raison d’être.  

Alors, après des années de non écoute, de non-réponse, je ne crois plus que vous - le Service que tu incarnais, en l’absence de Madame Grésy, lors de cette cérémonie -  puissiez entendre et prendre en compte des critiques.

Je t'ai donc simplement dit que j'étais - ce qui est, bien sûr, la vérité - « en total désaccord » avec ce texte signé par Madame Grésy, Chef de service.

Caroline, voilà ce que je voulais t’écrire : je considère que vous vivez dans une tour d'ivoire qui vous protége - pour combien de temps ? - des critiques politiques.

Et si je sais fort bien que ton autonomie, comme celle du Service "Droits des femmes", est faible par rapport au Secrétariat d'Etat, elle existe.

En outre, quelle qu'elle soit, vous êtes des actrices responsables. Vous devez donc assumer les conséquences des politiques que vous mettez en oeuvre et de toutes celles que vous ne prenez pas en compte, malgré la gravité des problèmes.

Pour finir cette lettre - et pour revenir à ta réaction - je ne pense pas que prendre ma critique politique de ce rapport comme une atteinte personnelle fasse avancer la question. Le problème n'est pas : Marie-Victoire n'est pas "sympa"  - je ne suis pas sûre que ce soit le terme que tu as employé - avec Caroline, mais : Quelle est la nature des critiques qui sont faites au Service « droits des femmes » et au Secrétariat d’Etat?

Faut-il rappeler que je n'ai pas le monopole de celles-ci et que cette question dépasse ma personne ?

Cordialement

Marie-Victoire

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Notes de bas de page
1 Ajout. Octobre 2006. J’aurais dû écrire : « des projets de »

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