Madeleine Pelletier

Les femmes et la guerre

L’éveil de la femme
13/10/1932

date de publication : 13/10/1932
mise en ligne : 03/09/2006
Voir et imprimer en PDF via pdf Print FriendlyAugmenter la taille du texteDiminuer la taille du texteRecommander ce texte par mail

Presque tous les peuples primitifs, sauvages et barbares méprisent la femme. On peut, à ce mépris, trouver des exceptions, mais il faut les chercher à la loupe.  À part quelques peuples où a régné le matriarcat, la femme est considérée partout comme un être inférieur ; bête de somme ou bête de plaisir ; ménagère ou courtisane, comme disait Proudhon, plus moderne mais guère plus avancé, du moins en ce qui concerne la condition faite à notre sexe.

La raison de ce mépris est dans la faiblesse physique des femmes et plus particulièrement dans la guerre. L’homme fait la guerre et la femme ne la fait pas. Tout le mépris du sexe mâle vis-à-vis du nôtre vient de là. Fort heureusement pour nous, le monde est en train de se retourner. Il se trouve que c’est le sexe qui fait la guerre qui a tort et celui qui ne la fait pas qui a raison.

Toute l’idéologie guerrière est absurde. Les idéaux guerriers, l’honneur, la patrie, la discipline des armées, le prestige des chefs, n’ont fait que servir de couverture à ce qui n’est en réalité qu’un brigandage collectif. Avec ces mots sonores, devoir militaire, patrie, on mène les hommes à la mort. Ils croient se battre pour leur pays, ils se battent et meurent pour du charbon, du pétrole, pour du fer, et en fin de compte, des millions d’hommes tombent pour le profit de quelques industriels qui sortent de l’aventure, couverts d’argent et d’honneurs.

L’esclavage dans lequel ont été tenues les femmes a eu cela de bon, à travers tant de mauvais, qu’elles n’ont pas été formées à cette absurde école. Aussi, pensent-elles simplement que la vie est le premier de tous les biens et qu’il n’y a pas d’honneur, de patrie et de drapeau qui vaille qu’on aille se faire tuer.

Partout où les femmes ont pu se faire entendre, elles ont manifesté leur horreur de la guerre qu’elles considèrent comme une barbarie et une absurdité. À plusieurs reprises, les femmes allemandes ont affirmé leur pacifisme dans leurs votes. En France, les femmes, maintenues dans l’inexistence politique, ont eu moins l’occasion de s’affirmer. Néanmoins, nombre de pétitions en faveur de la paix ont obtenu des centaines de mille signatures. Il y a environ deux ans, un référendum organisé par un journal a recueilli cinq mille votes féminins sur le nom d’Aristide Briand parce que ce nom symbolisait la paix.

Certes, le sexe féminin n’a pas que des vertus. Néanmoins, en thèse générale, il représente la paix, l’absence de violence, la douceur des mœurs. Il est placé sous le signe de la vie, alors que l’homme, avec ses fusils, ses canons, ses mitrailleuses, n’a travaillé que pour la mort.
C’est la femme qui est dans la bonne voie ; l’humanité, bien tard, commence à le comprendre.


Retour en haut de page