Dr Madeleine Pelletier

Du costume

La Suffragiste
Juillet 1919

date de rédaction : 01/07/1919
date de publication : Juillet 1919
mise en ligne : 03/09/2006
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Je vois avec plaisir notre consoeur « La lutte Féministe » faire campagne pour la virilisation du costume.
- « Que vous êtes heureuse de vous être affranchie du costume, me disait autrefois Hubertine Auclert »
- « Comment heureuse ? mais si vous trouvez que c’est un avantage, faites-en autant ».
Elle n’en fit rien. Pourquoi, je ne sais pas. Souvent les personnes qui se montrent hardies par un côté, croient devoir racheter leur audace en restant timide pour tout le reste.

Je dois dire que j’ai eu toute ma vie à payer très cher l’affichage vestimentaire de mes convictions féministes et j’ajouterai que c’est dans les milieux dits « avancés » que l’on me fit le plus de critiques. Alors que ma clientèle médicale acceptait mes cheveux courts et mon costume tailleur, les socialistes, voire les féministes, ne pouvaient les encaisser.
« Il faut changer votre costume, me disait Hervé, autrement, vous n’aurez pas d’influence ; voyez Louise Michel, elle s’habillait comme toutes les femmes »
- « C’était de sa part une faiblesse que je n’imiterai pas, devrais-je, comme vous le dites, perdre toute influence. Je ne m’abaisse pas jusqu’à la sottise humaine,  tant pis pour elle, si elle refuse de me comprendre, je ne m’habillerai pas en asservie ».

Le costume provoquant que portent les femmes est le symbole de l’offre permanente qu’elles font de leur personne à l’autre sexe ; comme la déformation du pied des chinoises, il est la marque d’un esclavage odieux.

Si je m’habille comme je le fais, c’est parce que c’est commode, mais c’est surtout pour dire à l’homme : « Je suis ton égale ».

Les hommes le comprenaient bien et c’est pourquoi ils ne voulaient pas l’admettre ; leurs blâmes multipliés me touchèrent : je me fis faire un costume masculin et je le portai.
On m’a assuré que cela ne m’allait pas mal.


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