Dr Madeleine Pelletier

Dépopulation et Civilisation1

date de rédaction : 01/03/1920
date de publication : Sans date. ( Après 1920)
mise en ligne : 03/09/2006
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Les classes dirigeantes prétendent que la dépopulation ou plutôt la restriction volontaire des naissances est un fléau social ; elles la stigmatisent comme la marque de la dégénérescence d’un peuple.

Dans maints écrits, les hommes des partis qui défendent les intérêts de ces classes demandent au gouvernement d’obliger les ménages à avoir beaucoup d’enfants, de punir l’avortement, de réprimer la propagande néo-malthusienne, etc…2

La guerre dont nous sortons donnant une force nouvelle aux idées rétrogrades, le néo-malthusianisme qui avait réussi à se faire reconnaître par tous les hommes d’esprit ouvert est redevenu subversif. Les idées que Malthus, Stuart Mill, Drysdale défendaient à la fin du dix-huitième siècle et au cours du dix-neuvième se retrouvent être encore aujourd’hui des opinions d’avant-garde ; la vérité qu’on n’ose pas dire, crainte de choquer.

Tout en réprouvant, en paroles, la restriction volontaire des naissances, les classes dirigeantes la pratiquent largement. Les conseils que Malthus donnait aux pauvres dans le but de diminuer leur misère se sont trouvés être suivis par les riches pour intensifier leur bien être, pour débarrasser leur vie de devoirs encombrants.

Aujourd’hui qu’une hygiène plus savante nous rend presque maîtres de la fécondité, les familles nombreuses sont très rares dans les classes riches. Dans ces milieux, beaucoup de ménages restent volontairement stériles. Ils redoutent l’enfant qui enchaîne à la maison ; les ménages féconds ont un ou deux rejetons, pas davantage. Les couples à nombreux enfants sont méprisés par leur entourage, leur fécondité est considérée comme une tare analogue à la malpropreté.

À la faveur de la réaction politique, quelques familles bourgeoises, le plus souvent très catholiques, ont crû devoir mettre leurs idées en pratique et procréer beaucoup d’enfants, mais ce sont des cas isolés.

Pour le grand nombre, l’opinion quelle qu’elle soit n’est jamais assez forte pour influencer la pratique. On veut bien, en principe, une natalité élevée, mais on espère que les autres se chargeront de l’assurer. Pour soi, on veut avant toute chose le bien être et la liberté.

Les familles religieuses trouvent des accommodements avec le ciel. Un confesseur se garderait bien d’être sévère pour les gens qui le font vivre. On se trouve une maladie ; qui n’est pas plus ou moins malade ?
La grossesse menacerait la vie, or Dieu ne veut pas le suicide, il le défend au contraire.   

***

Pour Malthus, la restriction volontaire des naissances ne faisait pas partie d’un système de transformation sociale. Le malthusianisme se suffit à lui-même, c’est un remède contre la pauvreté. Au temps de Malthus, le machinisme et l’industrie commençaient à prendre un développement inconnu jusqu’alors, la situation de l’ouvrier devenait un problème de nature à intéresser les économistes.

Parmi la classe ouvrière, le déchet humain était important ; enfants plus ou moins abandonnés par leurs parents, malades, inaptes au travail, vieillards. Tout ce monde était hospitalisé dans les Workhouses que nous décrit Dickens dans ses romans. On lui donnait avec beaucoup de mépris et de mauvais traitements une nourriture à peine suffisante pour ne pas mourir.

Ces soins, tout rudimentaires qu’ils étaient, coûtaient très cher à l’Etat. Malthus pensa donc à un moyen de tarir la misère dans sa source pour ne pas avoir à la guérir et il trouva que le seul moyen était d’empêcher les pauvres de procréer. Avant de fonder une famille, il faut être sûr de pouvoir l’entretenir ; si on ne le peut pas, a fortiori, si on ne peut pas s’entretenir soi-même, il faut rester célibataire et chaste.

Cette théorie est pleine de raison, mais la raison n’est pas ce qui gouverne le monde. On fit à Malthus le reproche de vouloir priver les pauvres des joies de la famille, les joies d’un logis sans pain. Malthus et ses disciples passèrent pour des ennemis du peuple, alors qu’ils étaient ses meilleurs amis.

Malthus avec juste raison croyait que la terre n’était pas capable de nourrir un nombre infini d’êtres humains. Forcément, un temps viendrait où les hommes seraient trop nombreux, alors des catastrophes ne devaient pas manquer de ses produire.

La population, dit Malthus, croit en progression géographique et les subsistances seulement en progression arithmétique ; donc, un jour, les subsistances manqueront aux populations. Envisagé à la lettre, cet argument est faible. Comme toutes les menaces à échéance trop éloignée ; l’épuisement des forêts, le manque de houille etc., il ne réussit pas à impressionner. Il faut donner à la loi un sens plus restreint : celui de la gêne apportée dans une nation par la surpopulation.

Pour éviter la fécondité, Malthus ne trouve d’autre moyen que de proscrire le mariage.

Imprégné de christianisme, il n’ose porter le grand jour de l’analyse des choses de la sexualité. L’Angleterre est le pays de la pudeur ; il est inconvenant de parler de pantalon et de chemise. La prophylaxie anti-conceptionelle était connue ; Condorcet la préconisait, mais Malthus la déclarait immorale.

Il faut se reporter à l’époque : les moeurs étaient dissolues, mais on accouchait sous les couvertures. La chirurgie du ventre n’existait pas : pour rien au monde, une femme n’aurait montré au médecin son sexe malade, elle préférait souffrir et mourir.
C’est tout juste si elle osait se laver après les menstruations ; enveloppé de jupons multiples, le sexe devait être en quelque sorte ignoré, comme une chose nécessaire mais honteuse.

Il fallut l’émancipation religieuse et aussi le progrès de la chirurgie pour qu’on en arrive à envisager la génération comme une fonction aussi honnête que la respiration ou la circulation, à comprendre que l’utérus n’est pas plus honteux que l’estomac, le cœur ou le cerveau.

«  Au grand banquet de la vie, il n’y a pas de couvert pour l’homme qui naît dans un milieu déjà occupé ; la nature lui commande de s’en aller et elle ne tardera pas à exécuter elle-même son ordre ».

Malgré la grandiloquence de la forme, le fond de l’idée reste vrai ; l’être qui arrive à la vie dans un milieu où les conditions de son développement sont absentes ne tarde pas à périr. La chatte, la lapine, la souris qui mettent bas plus de petits qu’elles n’en peuvent nourrir croquent l’excédent de la population ; c’est du malthusianisme sauvage.

Chez les peuples primitifs et à demi civilisés, l’infanticide est pratiqué par toute la terre. Comme on méprise la femme en raison de sa faiblesse musculaire, ce sont surtout les filles qui sont sacrifiées.

Lorsque les sociétés se développent et l’esprit humain avec elles, l’infanticide est réprouvé. Déjà les mœurs se sont adoucies, la vie humaine compte davantage, l’instinct maternel perd sa forme animale. Néanmoins, la mort se charge de rétablir l’équilibre entre la population et les subsistances. L’ignorance de l’hygiène, la malpropreté font périr par milliers les nourrissons ; ce qui fait qu’un enfant de moins d’un an a autant de chance de mourir qu’un vieillard de quatre vingt-sept ans. Si la statistique n’était pas d’invention récente, il serait curieux d’étudier la natalité et la mortalité au Moyen-Age, même au Grand Siècle de Louis XIV. On y verrait probablement que la population croissait moins vite que de nos jours, car si les naissances étaient nombreuses, les morts l’étaient aussi. Malheureusement, cette étude est impossible : les registres de l’Etat-Civil datent du siècle dernier et il n’y a guère que les grandes nations qui les tiennent sérieusement ; le Portugal n’en avait pas avant l’avènement de sa République.

À mesure des progrès de la civilisation, le nombre de ceux qui naissaient dans un milieu déjà occupé est moins grand, les causes de destruction sont moins nombreuses parce que l’homme a appris à les écarter. Par l’alimentation rationnelle, l’hygiène, on éloigne la mort des berceaux ; par les mêmes moyens, on la diffère chez l’adulte et le vieillard : la population tendrait donc à croître indéfiniment.

La terre dans son ensemble est loin d’être encombrée. Des territoires immenses en Afrique, en Asie, en Amérique sont déserts ; en Russie, on peut faire trente kilomètres sans voir une maison. Mais la terre n’est pas habitable partout. Sous les tropiques, la température est trop élevée, sous le cercle polaire, elle est trop basse, de vastes espaces comme le Sahara sont impossibles à cultiver.

La civilisation couvre seulement une petite portion de la terre ; là, le travail millénaire de l’homme a adapté la nature aux conditions de vie humaine. Ceux qui s’éloignent de ces centres ont à reprendre tout l’effort humain ; ils se condamnent pour toujours à la vie rudimentaire.
Avec les efforts coordonnés d’un nombre suffisant d’êtres humains, la civilisation refleurirait très vite ; en Amérique de grandes villes poussent rapidement en des lieux déserts. Mais la volonté de travail est limitée ; c’est pourquoi les hommes préfèrent rester aux mêmes endroits qui finissent par être surpeuplés.

***

Les partisans de la fécondité font valoir en premier lieu l’argument patriotique. La France, disaient-ils avant-guerre, est la seule à diminuer sa natalité ; la population, alors qu’elle reste stationnaire chez nous, croît très vite en Allemagne. Dans l’hypothèse d’une guerre, les Français seraient écrasés sous le nombre de leurs ennemis. Les évènements ont montré que c’était là un point de vie simpliste ; le jeu des alliances suffit à contrebalancer l’insuffisance de la population.

Prenant le contre-pied du point de vue nationaliste, on pourrait supposer une France surpeuplée ; à l’étroit dans son territoire, elle rechercherait des conquêtes guerrières pour caser son excédent de population. Les conservateurs ne manqueraient pas de répondre que ce serait très bien ainsi ; mais un esprit dénué de préjugés ne saurait les approuver. D’où qu’elle vienne, la guerre est mauvaise ; en supprimant les adultes, elle pratique la forme la plus sauvage de malthusianisme. Tout accroissement exagéré de population est donc mauvais puisqu’il prépare la guerre.

Un homme éclairé et indépendant ne peut faire sienne les inepties qui ont couvert le monde pendant la guerre sur l’infériorité, l’immoralité, la criminalité des Allemands. C’était là une véritable gniole morale. Pour donner aux soldats le courage de supporter une vie affreuse, on leur distribuait un alcool frelaté ; de même, pour inciter les civils à la haine, on leur dispensait les plus grossiers mensonges.

Ce que les patriotes appellent le génie français n’est pas quelque chose de si indubitablement supérieur qu’il le faille imposer au reste du monde. Nous avons nos qualités et nos défauts, les Allemands ont les leurs, les Anglais, les leurs, etc. Telle branche de l’activité humaine est plus développée chez nous ; telle autre est supérieure en Allemagne, telle autre en Italie.
C’est par hasard que l’on naît Français, Russe ou Espagnol et il est puéril d’être fier de son pays. Les nations n’ont d’autre raison d’être que la nécessité de diviser la terre trop grande et c’est une aberration néfaste de prétendre que les hommes ont le devoir de se faire tuer pour que leur groupe ait la prééminence sur les autres.

La fécondité excessive est donc à combattre, quel que soit le pays où elle se produise. Le néo-malthusianisme marque la progénérescence et non la dégénérescence d’un peuple. Son existence dans une nation montre que les notions d’hygiène y sont répandues, même dans les couches profondes du prolétariat. Ces notions sont appliquées à protéger la vie des enfants qu’on laisse naître et aussi celle des adultes. Partout où la natalité est faible, la mortalité l’est aussi.

À l’égard de la stérilité relative, les Etats-Unis sont en avant de la France ; c’est aussi un pays très civilisé, le plus civilisé à certains égards : on voit en lui l’avant-garde de l’humanité. Les nations tardigrades, au contraire, telles que l’Italie, l’Espagne, la Russie du tsarisme ont une natalité forte. Dans ces pays, l’hygiène est déplorable ; le peuple croupit dans une sordide malpropreté.

***

La nature, selon l’expression de Malthus, chasse l’homme primitif de la vie. Tant que l’être humain n’est pas parvenu à un degré suffisant de civilisation et de culture, les forces naturelles le dominent. Il subit les lois de la sexualité, il procrée au hasard des êtres au sein desquels la nature fait l’élimination nécessaire.

L’homme civilisé et cultivé, au lieu de subir la nature, la domine. Avec la foudre qui épouvantait l’homme primitif, il fait l’électricité dont il tire pour son profit lumière, chaleur et travail mécanique. Il se fait des ailes comme les oiseaux et s’envole plus haut qu’eux. La génération cessant d’être pour lui un mystère, il apprend à faire avant l’élimination que la nature brutale ferait après, dans la douleur.

De cette lumière que donne la raison et la science, les classes dirigeantes voudraient en frustrer les masses, comme elles voudraient les frustrer de toute lumière pour mieux les asservir et les exploiter. Alors que le riche fait pour lui-même bon marché des préjugés de l’ignorance, il voudrait que le pauvre s’y soumette, qu’il croit aux religions, qu’il accepte comme inévitables les inégalités sociales.  

Les riches, remplaçant aujourd’hui la noblesse se croient, comme elle, d’essence supérieure. À eux les plaisirs, les lumières intellectuelles, les progrès scientifiques ; à eux, la vie libre, sans entraves et sans préjugés. Au-dessous d’eux croupit la masse dans un travail exténuant et sans espoir, dans l’ignorance, dans l’alcool ; qu’elle croisse et qu’elle multiplie, cette masse. Plus elle sera nombreuse, plus le travail sera bon marché ; si elle est en trop grand nombre, on suscitera une guerre et on l’enverra se faire tuer.

Les pauvres, heureusement, commencent à ne plus vouloir se laisser duper. Ils comprennent encore mal la nécessité d’une transformation sociale, mais le néo-malthusianisme, d’effet individuel et immédiat leur est plus accessible. Les classes moyennes, les paysans ont appris à limiter leur fécondité ; les ouvriers les plus éclairés pratiquent aussi la restriction volontaire des naissances.

Seuls persistent dans le lapinisme, les ouvriers abrutis d’alcool. Dans les taudis infects, les enfants poussent nombreux. La mère, surmenée, abrutie, rouée de coups par un mari ivrogne, n’a même pas le courage de les laver. Ils grouillent dans les rues étroites, les escaliers sordides ; vêtus de haillons vermineux, les jambes arquées par le rachitisme, en proie à toutes les tares pathologiques.

Ne pouvant suffire à les nourrir, car l’alcool emporte les gains du père, la mère prend un masque de fausse humilité et va à la mairie, chez les sœurs quémander la charité ; l’ouvrière devient mendiante, les enfants alimenteront le crime et la prostitution.

Le néo-malthusianisme est-il transitoire et le socialisme, s’il parvient à s’instaurer, en
marquera t-il la fin ? Certains le prétendent, mais à tort.

Le socialisme ne rendra pas la terre extensible, et il est évident que, dans n’importe quel système social, si le nombre des hommes croit indéfiniment, il n’y aura pas de place pour tous ; au banquet de la vie, il n’y a qu’un nombre limité de couverts.

Le néo-malthusianisme restera comme toutes les acquisitions du progrès humain : par lui la destruction, frein nécessaire à la surproduction se réalise avec le minimum de souffrances.

***

Il est un chapitre du néo-malthusianisme que l’on néglige d’ordinaire ; c’est cependant la plus important, la femme.

La plupart du temps, la restriction volontaire des naissances est traitée comme un problème d’économie politique : de la femme, nulle mention, on pourrait croire que les enfants poussent dans la terre, comme les plantes, et que la mère n’intervient en rien dans leur production.

L’affranchissement humain n’est commencé que d’hier. Pour la plupart des hommes, la femme n’est pas une égale ; c’est une machine à fabriquer l’homme.3  La fécondité lui est imposée ; l’idée qu’elle peut y consentir ou s’y refuser ne vient même pas à la plupart des hommes.

Avant d’être un problème social, le néo-malthusianisme est un problème féminin. À la fécondité, la femme est la principale intéressée, puisqu’elle est seule à l’assurer, le rôle de l’homme étant fugitif. Quoi de plus inique que de voir les hommes déclancher la machine judicaire contre une pauvre fille coupable de s’être faite avorter ? Eux seuls ont fait les lois ; de ce qu’il appellent la faute, ils ont été les complices, mêmes les instigateurs et ils frappent leurs victimes après l’avoir dupée.

Le sentiment de la justice est d’origine humaine ; on ne saurait le rencontrer dans la nature, pas plus que dans un hypothétique au-delà. Les choses sont ce qu’elles sont et il est puéril de déclamer contre elles ; il n’y a qu’à les aménager pour en moins souffrir.

Tout le fardeau de la reproduction retombe sur la femme. La grossesse traîne après elle un cortège de malaises qui mettent la femme en état d’infériorité ; parfois, elle est une véritable maladie.

Trop fréquentes, les maternités vieillissent la femme bien avant l’âge ; le visage se fane, les seins tombent, le ventre couvert de rides et distendu pend sur les jambes comme un tablier, les varices couvrent les membres inférieurs ; l’utérus ne tient plus et apparaît au grand jour. À cette usure du corps correspond un affaissement de l’intelligence, la femme est finie.

Sans parler des travaux rebutants que seuls l’amour maternel permet d’accomplir sans dégoût, la mère doit pour ainsi dire se mettre au niveau de l’enfant très jeune qui est presque un animal, répéter sempiternellement des phrases monotones pour apaiser ses cris et l’endormir.

L’appréhension de la maternité hors mariage creuse un fossé entre les sexes.
L’acte sexuel, sans importance pour l’homme, est toute la vie de la femme.
Comme elle y risque beaucoup, elle cherche à le vendre le plus cher possible contre de l’argent ou une situation de femme mariée.

Aussi, chaque sexe reste-t-il vis-à-vis de l’autre sur ses gardes ; l’amour est au fond une guerre.

De l’assujettissement maternel, les esprits rétrogrades font un devoir à la femme. Pour eux, la femme n’est pas une fin, mais un moyen ; la fin, c’est l’homme. Aussi, les religions se sont-elles évertuées à enseigner au sexe féminin la passivité. La femme doit tout subir, la femme doit tout accepter ; l’homme est son maître et les enfants lui viennent de Dieu.

Les femmes des classes dirigeantes, plus cultivées, malgré une instruction très inférieure à celle des hommes de la même classe, se sont affranchies les premières de la maternité.

À la vie de femelle féconde, de nourrice, elles ont préféré la vie mondaine, plus intéressante, malgré sa frivolité ; on les a blâmées. Déjà Rousseau conseillait aux nobles dames de son temps d’allaiter leurs enfants pour revenir à la nature, c’est-à-dire à la servitude. Mais dans toutes ces critiques, il y a plus de littérature que de sentiment véritable. Le bourgeois le plus repopulateur préfère sa compagne sous les traits d’une mondaine élégante et cultivée que sous l’aspect d’une mère gigogne.

Le malthusianisme permet de porter remède, dans une certaine mesure, au malheur d’être femme. En restreignant la maternité, il permet à la femme de cultiver son esprit, de vivre sa vie d’individu et de rester plus longtemps jeune.

Alors que la femme sauvage et inculte ne vit que pour enfanter, c’est le triomphe de la civilisation de permettre à la femme, en l’affranchissant en partie de la maternité, de devenir un individu intelligent et libre.

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Notes de bas de page
1 Imp. Beresniak. 12 rue Lagrange. Paris. 15 p.
2 Bertillon, La Dépopulation de la France.
3 Dans son roman, « Fécondité », Zola compare la femme à la terre.

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