C. Brunain

Le viol légal en Algérie

Le Libertaire
02/03/1925

date de publication : 02/03/1925
mise en ligne : 03/09/2006
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La camarade Jane Maury a décrit sur Le Libertaire les misères dont sont l’objet les petites Mauresques et dont elle a été le témoin, en s’étendant seulement dans le sens da la prostitution causée par la misère et le mauvais exemple.

En sa qualité de femme, elle aurait pu obtenir l’autorisation de pénétrer le secret de l’alcôve si elle avait été pilotée par des camarades du pays, et elle aurait appris beaucoup de choses qui l’auraient révoltée.

Je vais tâcher de relater aujourd’hui une des vexations et souffrances qu’endurent nos petites indigènes depuis l’âge de dix à quatorze ans : le viol légal.

La femme indigène, considérée comme une esclave, n’ayant que les droits suivants : se livrer au mâle, faire des enfants et travailler, est à la merci du père ou des frères, lesquels peuvent la vendre à qui bon leur semble, c’est-à-dire au plus offrant, serait-il le plus laid, le plus dégoûtant des individus. Le prix varie selon la beauté de la fille et le degré de noblesse des familles qui concluent le marché.

Tous les jours, l’on rencontre des caïds, chérifs, gros colons qui font leur tournée dans leur région, à la recherche de la pauvre enfant qui aura le malheur de tomber dans leurs griffes et deviendra leur propriété, c’est-à-dire leur chair à plaisir pendant un laps de temps après lequel, moyennant la modique somme de six francs payés au cadi (fonctionnaire arabe remplissant le rôle de juge), ils pourront la rendre aux parents, si elle n’est pas morte avant, comme c’est le cas très souvent, des suites d’une hémorragie causée par les brutalités du maître.

Les parents, vautours sans entrailles, supputant dès sa naissance, le bénéfice qu’ils pourront tirer du placement de leur progéniture, viennent eux-mêmes faire les offres de services, et c’est un insigne honneur, pour eux, lorsque leur fille a été choisie par un de ces vieux loups.

Cette ignoble comédie peut se renouveler indéfiniment tant que les amateurs ont de l’argent pour se payer le luxe de déflorer des fillettes, puisque la loi coranique autorise l’homme à posséder, sous le même toit, neuf femmes à la fois.

Il y a bien une loi qui interdit le mariage si la fille n’a pas encore les menstrues. Pour constater cela, les municipalités désignent une sage-femme, dont la sagesse consiste à se faire un bon pécule en délivrant toutes les autorisations qu’on veut bien lui payer, sans même prendre la peine de voir la sacrifiée.
Quand les familles sont pauvres, qu’elles ne peuvent pas payer la dîme et qu’elles ont affaire à une praticienne récalcitrante, elles ont recours à un moyen bien simple qui consiste en la présentation d’un sujet apte choisi dans la tribu, et le tour est joué : le viol peut se consommer en toute tranquillité.

Nos femmes voient journellement au bain maure où la future mariée doit se rendre la vieille du sacrifice, de toutes jeunes filles dont les seins ne sont pas plus gros qu’un abricot et les parties ne sont pas encore couvertes du moindre duvet.

C’est un véritable supplice qu’endurent ces fillettes la première nuit de noces, lorsqu’elles doivent subir le contact d’une brute épaisse, que rien ne différencie de la bête, si ce n’est l’intelligence qu’il n’a pas. L’acte devant se consommer pendant que les invités font la fête, de façon qu’on puisse leur prouver, en leur montrant la chemise couverte de sang, que la mariée était vierge, l’homme emploie les moyens les plus brutaux et expéditifs pour pouvoir satisfaire dans le plus bref délai leur curiosité malsaine.

Ces atrocités sont connues de nos représentants et même pratiquées par certains d’entre eux, conseillers municipaux, délégués financiers, officiers de l’armée, indigènes sans scrupules possédant une instruction supérieure mais dont l’instinct bestial domine l’intelligence.

Ces crimes sans nom que l’autorité ne peut ou ne veut empêcher, après bientôt un siècle de domination, vous devez les faire cesser, camarades indigènes qui avez opté pour l’anarchie, cet idéal sincère plein de bonté et de justice, en prêchant par l’exemple, en refusant vos sœurs et vos filles à ces brutes sanguinaires qui, non contents de vous exploiter, de vous sucer votre sang et votre santé, viennent encore abuser de vos femmes pour compléter votre misère.

En refusant de vous unir dans de telles conditions et surtout en faisant obtenir à la petite Mauresque les mêmes droits que vous réclamez pour vous et son émancipation intégrale, vous vaincrez l’ignorance où sont plongées toutes les Mauresques, la prostitution qui guette la femme divorcée qui, une fois rendue à ses parents, devient une charge et, ne pouvant être replacée est en butte aux misères de toutes sortes qu’ils lui font subir et qui l’obligent à vendre son corps pour vingt sous1, et l’esclavage que la civilisation française n’est pas parvenue à supprimer.

C. Brunain, du groupe anarchiste d’Oran

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Notes de bas de page
1 Note de l’éditrice : Une partie du texte serait-elle ici manquante ?

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