Aria Ly  *

Le viol1

date de publication : 01/01/1919
mise en ligne : 25/10/2006
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Le viol est-il puni comme il devrait l’être ?
Serait-il aussi fréquent ; dans tous les pays, en temps de guerre, s’il était réprimé plus sévèrement en temps de paix ; si l’on apprenait aux hommes qu’il est le plus grands des crimes, la plus inexpiable des sacrilèges…

Les hommes ont décrété inviolable la personne d’un roi constitutionnel. Ils ont voté l’immunité des députés, le caractère sacré des ambassadeurs et des prêtres, mais une mesure de ce genre n’a jamais protégé la femme mère ou vierge….

Si l’homme pouvait être victime d’une telle catastrophe, il eût forgé contre la femme des lois épouvantables pour en protéger son sexe !!!

Si le sexe féminin représentait pour l’homme le grave et constant danger que le sexe masculin représente pour la femme, Masculina eût, depuis longtemps, demandé aide et protection… à la chirurgie… Tout femme serait châtrée….
Mais ce ne sont que les filles des hommes qui sont en danger… Ça n’est pas une affaire ! …

Le viol est la plus grave comme le plus odieux des attentats qui puisse être perpétré contre l’être humain. Il a un triple caractère criminel par ce qu’il viole le double droit éternel de la Femme d’ignorer l’acte charnel et de ne pas concevoir ; parce qu’il lui confère le redoutable droit de supprimer l’enfant et le satyre, et enfin parce qu’il expose la santé et la vie de la victime par la maternité.

Le viol est un malheur si considérable qu’il a sa répercussion sur toute la vie de celle qui en est victime… Elle devient prisonnière du crime qu’elle a subi… Il lui a révélé tout un monde ignoble de choses inconnues d’elle… C’est le viol de la pensée qui est le plus hideux….

On ne peut concevoir détresse plus grande que celle de la fille violentée… On a vu des Chinoises se suicider en masse pour n’être pas violées…
La victime d’un satyre peut devenir folle… Si elle devient mère et qu’il lui semble entendre la voix de son enfant, fille ou garçon, lui crier : « Victime toi-même ! Erige-toi en victimaire !! Ne me laisse pas naître ! Immole-moi sur l’Autel éternel du Droit, de la Fierté, de la Dignité et de la Pitié humaine ».

Elle est libre. Elle peut abolir la conséquence périssable de l’épouvantable forfait dont elle est victime.

Il n’en reste pas moins que ce forfait le met dans une position unique, car même lorsqu’elle aura dit à l’embryon de l’être qu’elle chérit malgré elle : « Je te défends de naître ! », il restera à jamais dans sa vie quelque chose de tourmenté qui n’aura rien de commun avec le remords ni avec le regret…. Quelque chose de mille fois plus tragique que cela : l’ombre éternelle du malheur unique…

Et l’âme de la femme violée devient le temple de la Haine !

***

L’avortement

Cette question du viol nous amène naturellement à celle de l’avortement.
La femme a toujours le droit absolu de se faire avorter. Ce droit, elle le tient de la nature ! … C’est elle qui lui a donné son consentement… Oui, c’est la nature qui a fait la Femme Arbitre souveraine des destinées de l’espèce… Dans le mariage ou hors mariage, la femme est seule maîtresse de ses entrailles. C’est là une question de dignité humaine et de logique aussi, attendu que c’est la femme qui risque sa santé et sa vie en donnant le jour à un nouvel être… La femme n’a de compte à rendre à personne à ce point de vue. Elle seule a toujours le droit absolu de décider si l’enfant doit naître ou non.
Quant à l’homme… il n’a qu’à se taire… Il doit sentir, s’il a quelque délicatesse et quelque noblesse d’âme et de cœur, que ça n’est pas à lui à mettre un mot dans une semblable question…
Il commet, en le faisant, la plus choquante indécence et une révoltante effronterie !

La nature dit à la femme : « A toi de décider si la race humaine mérite de vivre ou si elle doit disparaître. Je te donne le veto ». Et elle dit à l’homme : « Je mets ici une borne à ta frénésie liberticide ! Comporte-toi de telle manière envers la femme que l’espèce humaine puisse trouver grâce auprès d’elle ! »….

Oui, certes, la femme a toujours le droit absolu de se faire avorter … à ses risques et périls… Elle ne relève que de sa conscience !Mais nous la voulons assez pure, assez sage et assez fière pour ne jamais se mettre de devoir, de par sa faute, recourir à un acte si grave….

Il est, bien entendu, que s’il y a eu crime, c’est-à-dire si une jeune fille a été violentée, il est tout naturel qu’elle ne laisse pas naître l’enfant.
Mais elle peut également lui accorder la vie sans déchoir.

Elle est libre !!!

***

Encore sur le viol et l’avortement

Les lois de l’homme ne peuvent biffer la loi naturelle qui veut que l’enfant appartienne d’abord et surtout à la mère ! Tout un monde sépare la conception de la naissance… et la volonté de la femme plane, souveraine, au-dessus de ces deux précipices… L’enfant a pu être conçu sans le consentement de la mère ou s’engager qu’avec le consentement de son père, mais il reste que c’est le consentement maternel qui l’a autorisé à naître… Et c’est ce consentement librement donné ou refusé qui différencie la femme des femelles animales.

C’est par ce qu’elle est un être ayant une dignité intrinsèque et en qui réside la plénitude du Droit qu’elle a cette latitude !

Même quand la femme violentée est une prostituée, son droit souverain de dirimer le résultat périssable de la violence subie reste intact ! Car les habitudes vertueuses ou vicieuses d’une femme et son droit éternel de disposer librement de son corps, de sa vie et de sa liberté sont deux choses nettement distinctes.

Les féministes, après la guerre, ont généralement très maltraité cette question du droit de la femme à l’avortement, en cas de viol.

Comme l’esclavage a aboli chez la femme la lucide notion du caractère souverain et absolu du Droit !

La question qui se pose n’est pas de savoir si le criminel satyre est français ou allemand, si une telle conception est ou non une honte pour la mère et l’enfant, si l’enfant sera blond ou brun, s’il sera fort ou faible, si sa mère l’aimera ou le haïra, s’il ressemble à sa mère ou à son père, s’il deviendra un criminel ou un héros. ( Il serait bien difficile de le savoir !) .
La question qui se pose n’est nullement une question de sentiment.
C’est une question de droit !
Il s’agit de savoir si la femme a ou non le droit de disposer librement de son corps et d’accepter ou de refuser la maternité, autrement dit, si elle a le droit à la dignité humaine.

Or, la plupart des féministes n’ont fait entendre qu’un timide appel à la pitié là où s’imposait une énergique affirmation du droit humain !

À tout ce que nous avons dit sur ce triste sujet, nous ajoutons encore ceci : Celle qui a subi la violence sexuelle a été souillée.
Celle qui a voulu cet acte s’est souillée elle-même… Elle l’est doublement ; par l’homme et par son impur consentement.

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Notes de bas de page
1 Cachet : « Bibli. M.L Bouglé ». Fonds Aria Ly. Bibliothèque Historique de la Ville de Paris. Texte inédit.
La date de rédaction est arbitraire, la seule certitude étant que ce texte a été publié après 1918.

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