Revue : Projets Féministes
numéro 1
 El Watan (Algérie)

Violences politiques – Violences contre les femmes

Koweit : Les enfants du viol1

Projets Féministes N° 1. Mars 1992
Quels droits pour les femmes ?
p. 21 à 22

date de rédaction : 01/03/1992
date de publication : Mars 1992
mise en ligne : 07/11/2006 (texte déjà présent sur la version précédente du site)
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De nombreux enfants engendrés lors de viols commis par les occupants irakiens continuent de naître au Koweït. L'existence de ces "bâtards de l'invasion", selon l'expression d'un médecin local, est rejetée par la société et constitue un véritable drame pour leurs mères.

Rien qu'au mois de novembre, un millier de jeunes koweïtiennes, forcées par les soldats de Saddam Hussein, doivent accoucher d'un enfant illégitime.
"Dans l'Emirat, d'après les chiffres à notre disposition, près de cinq mille jeunes filles et femmes koweïtiennes ont été violées à plusieurs reprises par des militaires irakiens pendant les sept mois de l'occupation", a confié à l'AFP le docteur Quassem Al-Sarraf, psychologue koweïtien attaché à l'université du Koweït.

"Profondément humiliées et traumatisées, plusieurs d'entre elles ont déjà accouché et leurs enfants sont à présent âgés de quelques mois", a précisé le docteur Al-Sarraf en soulignant que la société koweïtienne reste totalement intransigeante et rejette les "victimes et les enfants nés à la suite de viols".

Ecrasées par la honte et le déshonneur, plusieurs de ces koweïtiennes ont abandonné leur enfants devant des hôpitaux ou des mosquées, a ajouté le psychologue koweïtien.

D'autres koweïtiennes préfèrent encore mettre fin à leurs jours plutôt que de donner naissance à un enfant illégitime dont le père est inconnu, et d'être marginalisées.

Selon une infirmière exerçant dans un hôpital de la capitale koweïtienne, plusieurs nouveaux nés ont été abandonnés devant l'entrée de l'établissement.

Une psychologue à l'hôpital psychiatrique de Koweït, Mme Fawzia Al Der, a affirmé pour sa part que "des centaines de Koweïtiennes", parmi les patientes qu'elle traitait depuis le début de l'occupation, ont fui l'émirat pour  interrompre leur grossesse à l'étranger.
L'Islam interdit strictement l'avortement, à moins que les jours de la mère ne soient en danger.
Dans la plupart des pays musulmans, les médecins qui pratiquent l'interruption de grossesse sont passibles d'une peine pouvant atteindre, selon les cas, de dix à quinze ans de prison.

"Plusieurs Kowetiennes pratiquantes ont préféré garder l'enfant, en dépit de leurs conditions physiques et morales déplorables", souligne Mme Fawzia . Selon elle, plusieurs nourrissons abandonnés par leurs mères ont été placés dans des orphelinats de l'État.

Ahlam, une Koweïtienne de 23 ans, est sur le point d'accoucher. Elle raconte son calvaire : "Ma mère, ma sœur et moi-même avons été violées sous le regard suppliant de mon père et de mon fiancé par sept soldats irakiens. […] "Mon oncle et mes cousins nous boudent totalement depuis qu'ils ont appris notre malheur et mon fiancé a quitté le Koweït", ajoute en pleurant Ahlam qui, tout en parlant, se martèle le ventre à coups de poings.

Hanane, une autre Koweïtienne d'une vingtaine d'années, assure avoir subi l'ablation de l'utérus après avoir été violée par plus de vingt soldats irakiens qui venaient de l'arrêter pour collaboration avec la résistance koweïtienne. "Par la suite, j'ai eu une hémorragie interne et je me suis retrouvée à l'hôpital. A présent je suis consciente que je ne serais jamais capable d'enfanter", se lamente la jeune femme.

Une mère de famille relate de son côté qu'elle a consenti à avoir des relations sexuelles pour "sauver ses trois filles ».

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Notes de bas de page
1 Cet article a paru dans El Watan 9,10 Novembre 1991, Algérie.


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