lettres politiques
 Marie-Victoire Louis

Lettre à Mme Laurent Présidente du MFPF

date de rédaction : 07/01/2005
mise en ligne : 03/09/2006 (texte déjà présent sur la version précédente du site)
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7 Janvier 2005

Madame Françoise Laurent
Présidente
Mouvement Français pour le Planning Familial
4 Square Sainte Irénée
Paris 750011

Par lettre et par mail

Madame,

Dans une lettre que je vous avais adressée, le 10 décembre 2002, je vous avais fait part de mon étonnement de la présentation faite de la loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001 lors du colloque régional organisé par le MFPF, le 22 novembre 2002, intitulé : "Liberté de choisir, un an de la nouvelle loi IVG - contraception, quelles avancées pour les femmes ? "et de la découverte que j’avais ultérieurement faite du transfert de l’article 223-11 du Code pénal dans le Code de la santé publique.  

Je me permets d’en rappeler la teneur :

Titre II : Dispositions pénales
Chapitre Ier : Provocation à l'interruption de grossesse
Article L. 2221-1 : abrogé par loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001
Chapitre II : Interruption illégale de grossesse
- Article L. 2222-2 (rédaction de la loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001)
« L'interruption de la grossesse d'autrui est punie de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende lorsqu'elle est pratiquée, en connaissance de cause, dans l'une des circonstances suivantes :
1° Après l'expiration du délai dans lequel elle est autorisée par la loi, sauf si elle est pratiquée pour un motif médical ;
2° Par une personne n'ayant pas la qualité de médecin ;
3° Dans un lieu autre qu'un établissement d'hospitalisation public ou qu'un établissement d'hospitalisation privé satisfaisant aux conditions prévues par la loi, ou en dehors du cadre d'une convention conclue selon les modalités prévues à l'article L. 2212-2.
Cette infraction est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende si le coupable la pratique habituellement.
La tentative des délits prévus au présent article est punie des mêmes peines.

Article L. 2222-3 (Ancien article L. 162-19, rédaction de la loi n° 94-654 du 29 juillet 1994)
Le fait de procéder à une interruption de grossesse après diagnostic prénatal sans avoir respecté les modalités prévues par la loi est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende.

Article L. 2222-4 (rédaction de la loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001 )
Le fait de fournir à la femme les moyens matériels de pratiquer une interruption de grossesse sur elle-même est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende. Ces peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 € d'amende si l'infraction est commise de manière habituelle. En aucun cas, la femme ne peut être considérée comme complice de cet acte.
La prescription ou la délivrance de médicaments autorisés ayant pour but de provoquer une interruption volontaire de grossesse ne peut être assimilée au délit susmentionné ».

À la lecture de ces articles, on ne peut que constater que la question de la dépénalisation de l’IVG n’est donc pas - même si le texte n’est plus dans le Code pénal - tant s’en faut, réglée.

Vous n’avez pas répondu à ma lettre - je connais les contraintes des associations - et j’en ai pris acte : mais je n’ai pas eu de réponse à mes questions, celles-ci sont donc restées en l’état.  

Je vous écris donc à nouveau pour reposer ce problème dont il est, vous le reconnaîtrez sans doute avec moi, difficile de nier l’importance.

En effet, le 15 janvier 2005 doit en effet avoir lieu une manifestation « organisée par le MFPF, la CADAC et l’ANCIC avec le soutien de plus de 100 associations, syndicats et partis politiques pour fêter les 30 ans de la loi Veil » et, le 10 janvier, une conférence de presse doit avoir lieu, à 11h00, au siège du MFPF.
Or, dans l’annonce, en date du 5 janvier, de cette conférence - mais aussi dans les autres textes que j’ai pu lire émanant des trois associations organisatrices - cette question, dont je ne nie pas la complexité, est toujours occultée.

J’ai pu en effet lire que les organisations appelant à cette manifestation évoquaient leur «  « fier »[té ] et leur « for»[ce]  de la conquête de ce droit fondamental obtenu à l’issue de luttes menées sans répit» [ ….], qu’elles « réaffirm » [aient leur] détermination à le défendre et à le renforcer » […] que ce « droit » était «toujours menacé »,  qu’elles devaient rester « vigilantEs » et que «  subsis [tait] des obstacles à l’application de la loi »[ …] 

À la lecture de l’analyse faite en vue de la manifestation en date du 15 janvier 2005, je ne peux donc qu’en déduire que le principe du maintien de ces articles est entériné.

J’aimerais donc savoir comment cette question peut rester en l’état de la part d’associations comme le MFPF, la CADAC et l’ANCIC ? 

À cet égard, je me permets d’attirer votre attention sur un problème de langage : en toute logique, le maintien de ces articles dans le Code de la santé publique ne permet pas de qualifier l’avortement de « droit ». Il est vrai que dans le titre de la présentation de ce texte, vous faites aussi référence, à égalité de signification, à la notion de « choix », les deux termes étant considérés comme devant incarner « la liberté » [des femmes].

La lecture de la présentation de la conférence de presse appelle de ma part d’autres réactions dont je vous fais part :

- Pourquoi ni le terme d’ « IVG », ni celui de « contraception » ne sont-ils employés ?

- Pourquoi le terme de « combat féministe » - que l’on peut heureusement lire sur le site du MFPF - n’a t-il pas été repris dans la présentation de cette conférence de presse ?

- Pourquoi les revendications très précises concernant l’application de cette loi sont-elles réduites à un simple mot, celui d’ « obstacles », alors qu’elles concernent des questions très graves ? N’était-il vraiment pas possible de nommer précisément la question des délais, de la durée de l’hospitalisation, de l’anesthésie, de l’IVG médicamenteuse, des tarifs pratiqués, du tiers payant, de l’AME, des mineures, de la rémunération des médecins, des différences entre hôpitaux et cliniques privées, des femmes sans papiers, etc…

Questions qui auraient pu alors ouvrir la voie à autant de revendications précises.

Enfin, je me permets d’attirer votre attention sur le danger du terme d’ « ordre moral », parce qu’en lui-même il ne veut pas dire grand ‘chose et qu’il ne peut donc, du fait de sa confusion conceptuelle, être opérationnel pour répondre aux revendications des femmes en 2005.

Dans l'attente, veuillez agréer, Madame la Présidente, l'expression de mes salutations féministes.

Marie-Victoire Louis


Envoyé par mail à Madame Françoise Laurent : mfpf@planning-familial.org

Et pour copie à :
- MFPF :
Madame Maïté Albagly : maite.albagly@planning-familial.org
Madame Fatima Lalem : secretariatmfpf@wanadoo.fr
- CADAC :
Madame Maya Surduts : colcadac@club-internet.fr
- ANCIC :
Madame Marie-Laure Brival : marielaurebrival@wanadoo.fr
- CNDF
- colcadac@club-internet.fr


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