Amnesty International
 Marie-Victoire Louis

Amnesty International : Vous avez dit : « Justice militaire » ?

date de rédaction : 22/08/2014
date de publication : 22 août 2014
mise en ligne : 22/08/2014
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Après le texte en date du 29 août 2012 intitulé : « Des questions à Amnesty International ». Critique du Rapport 2012 d’Amnesty international, http://www.marievictoirelouis.net/document.php?id=1099&themeid=1100

Après le texte en date du 15 octobre 2009 : « [Encore des] Questions à Amnesty International. Pour un début de critique du Rapport 2013: La situation des droits de l’homme dans le monde » », http://www.marievictoirelouis.net/document.php?id=1162&mode=last

Après le texte en date du 24 octobre 2013 intitulé : « Pour une critique du Rapport 2013 d’Amnesty International : « La situation des droits humains dans le monde», http://www.marievictoirelouis.net/document.php?id=1170&mode=last

Après le texte en date du 22 mars 2014 intitulé : « Amnesty International : Vous avez dit : «  Droits » ? » http://www.marievictoirelouis.net/document.php?id=1175&mode=last

Après le texte en date du 1er avril 2014, intitulé : « Amnesty International : Vous avez dit : « Discriminations » ?http://www.marievictoirelouis.net/document.php?id=1176&mode=last

Après le texte en date du 3 avril 2014 intitulé : « Amnesty International : Vous avez dit : « Polysémie » ? » http://www.marievictoirelouis.net/document.php?id=1177&mode=last

Après le texte en date du 10 avril 2014 intitulé :« Amnesty International : Vous avez dit : « Abolition  de la peine de mort » ? » http://www.marievictoirelouis.net/document.php?id=1179&mode=last

Voici la suite - mais non la fin - de cette critique de la pensée politique d’Amnesty International, telle que celui-ci nous la donne - en toute ingénuité ? - à lire.

Il est possible de vérifier - aux fins de critiques, de confirmations, d’invalidations - les assertions, commentaires, critiques de ce Rapport, en se rapportant au document publié sur internet : http://www.amnesty.org/fr/library/asset/POL10/001/2013/ne/039cd7dc-a3e2-46b2-8f2e-49fb963093e3/pol100012013fr.pdf

I. Amnesty international ne prend jamais aucune position de principe contre la justice militaire.

On peut d’emblée préciser, rappeler, en toute lucidité, qu’évoquer « la justice militaire » est oxymore, c’est à dire d’une contradiction dans les termes.

Ceci posé, comment Amnesty International fait-il en sorte de cacher une réalité si gênante ?

II. Amnesty International crée des confusionsde présentation rendant tout jugement de valeur la concernant difficilement compréhensible

Pour cela, diverses techniques sont utilisées :

a) Mêler les termes : On lit : « juridiction militaire »(Bahreïn. p.35, Colombie. p.69) ; « justice militaire »  (Colombie. p.67, Mexique. p.205, République démocratique du Congo. p.251) ; «tribunal militaire » (Grèce. p.119, Philippines. p. 241, Suède.  p.295) ; « tribunaux militaires » (Liban. p.175, Mexique. p.201) ; « commission militaire »(États-Unis. p.99). On lit aussi évoquer une « instance militaire» (Chili. p.61), des « autorités militaires » (Pakistan. p. 234). Plus confusément encore, Amnesty International cite des « tribunaux instaurés par la législation d’exception »  (Égypte. p.91)

Enfin, Amnesty International évoque un « juge militaire » (États-Unis. p.99) et un« magistrat militaire» (Liban. p.177), sans dissocier donc les institutions judiciaires militaires des personnes nommées, en charge des dites juridictions.

b) Mêler la question de la « justice militaire » au sein de nombreuses rubriques. Citons :

- « Peine de mort » (Bahreïn. p.35, Ouganda. p.228, Pakistan. p. 234, République démocratique du Congo. p.250)  

- « Impunité » (Colombie. p.70)

- « Forces de sécurité » (Colombie. p.69)

- « Lutte contre le terrorisme et sécurité » (États-Unis. p.99)

- « Objecteurs de conscience » (Grèce. p.119)

- « Procès inéquitables » (Liban. p.175, République démocratique du Congo. p.251) )

- « Justice transitionnelle » (Tunisie. p.320)

- « Torture et mauvais traitements »  (Suède. p.295, qui concerne un tribunal militaire Egyptien)

- On doit noter qu’un seul pays - on ne sait pourquoi - se voit doter d’une rubrique spécialement intitulée : « Justice militaire » : le Mexique (Mexique. p.205), tandis que, concernant les États-Unis, les procès militaires sont inclus dans deux sous rubriques pudiquement intitulées : «  Procès de détenus de Guantanamo » et « Personnes détenues par les forces américaines en Afghanistan », elles mêmes incluses dans un paragraphe intitulé : « Lutte contre le terrorisme et la sécurité ». (États-Unis. p.99)

c) Occulter au sein de l’Index thématique (p.351, 352), le terme de «  justice militaire », laquelle ne concerne que trois rubriques : «  Justice / Justice nationale » ; « Justice de transition / Transitionnelle» ;  «  Justice internationale ».

d) Soit assimiler, soit ne pas dissocier clairement la justice dite militaire de la justice dite civile. On lit :

- Concernant l’Ouganda : «Les tribunaux civils et militaires ont, cette année encore, prononcé la peine de mort pour certaines infractions punies de ce châtiment. L’Ouganda n’a procédé à aucune exécution en 2012. » (Ouganda. p.228)

- Concernant Bahreïn : « Deux sentences capitales prononcées en 2011 par une juridiction militaire ont été annulées par la Cour de cassation. Les deux accusés ont été rejugés par untribunal civil.» (Bahreïn. p.35)  

- Concernant les Philippines : « Les autorités ont annoncé que 13 soldats seraient jugés par un tribunal militaire, mais on ignorait s’ils seraient également poursuivis devant la justice civile» (Philippines. p. 241)

III. Amnesty international se contente, en règle générale, de faire état, sans jugement critique, de la situation en la matière.

On lit :

- Grèce : « En février, le tribunal militaire d’Athènes a condamné Avraam Pouliasis (49 ans), l’un des premiers objecteurs de conscience en Grèce, à six mois d’emprisonnement […].» (Grèce. p.119)

- Liban : « En avril, un magistrat militaire a requis la peine de mort contre 26 hommes accusés d’avoir enlevé et détenu un groupe d’Estoniens en 2011. Le procès n’était pas terminé à la fin de l’année. » (Liban. p.177)

- République démocratique du Congo : « Le 30 mai, un tribunal militaire d’Uvira a condamné par contumace deux soldats à la peine capitale et plusieurs autres à la réclusion à perpétuité, pour avoir répondu à l’appel à la mutinerie lancé par le général Bosco Ntaganda en avril.» (République démocratique du Congo. p.250)  

- Tunisie : « L’ancien ministre de l’Intérieur Rafiq Haj Kacem a été condamné en juin par un tribunal militaire du Kef à 12 ans d’emprisonnement pour complicité dans le meurtre de manifestants à Kasserine, Thala, Kairouan et Tajerouine. Quatre anciens hauts responsables de la Direction de la sûreté de l’État ont été reconnus coupables et condamnés à des peines allant jusqu’à 10 ans d’emprisonnement ; six autres de rang moyen ont été condamnés à des peines d’emprisonnement pour meurtre. Jugé par contumace par le tribunal militaire de Tunis, l’ancien président Ben Ali a été condamné à la réclusion à perpétuité en juillet pour sa responsabilité concernant les manifestants tués ou blessés dans la région de Tunis. Trente-neuf anciens membres des forces de sécurité présents à l’audience ont été déclarés coupables et condamnés à des peines allant jusqu’à 20 ans d’emprisonnement. Les deux affaires ont été soumises à une cour d’appel militaire, qui n’avait pas statué à la fin de l’année. […]  » (Tunisie. p.320)

- États-Unis. Le cas des tribunaux militaires (nommés « commissions militaires ») américainsmérite que l’on s’y attarde : en effet, les personnes poursuivies devant un tribunal militaire encourent la peine de mort, ont été « détenus au secret » pendant des années, tandis qu’Amnesty International reconnaît que « deux » d’entre elles avaient été torturées [le troisième « aurait été torturé »]. Il est, à cet égard, difficile de ne pas mettre en regard la faiblesse de ces chiffres avec le nombre de personnes enfermées à Guantanamo (plus de 700) et difficile de comprendre pourquoi il n’est pas fait état de la situation de tous les détenus poursuivis devant ces tribunaux militaires. On lit : « En mai, cinq hommes incarcérés à Guantánamo et accusés d’avoir joué un rôle prépondérant dans les attentats du 11 septembre 2001 – Khalid Sheikh Mohammed, Walid bin Attash, Ramzi bin al Shibh, Ali Abd al Aziz et Mustafa al Hawsawi – se sont vu notifier leur mise en accusation et ont été renvoyés devant une commission militaire en vue de leur procès. Ils encouraient la peine de mort. Les procès de ces cinq hommes ainsi que celui d’Abd al Rahim al Nashiri, mis en accusation en 2011 et passible lui aussi de la peine de mort, n’avaient pas débuté à la fin de l’année. Avant d’être transférés à Guantánamo en 2006, les six hommes avaient été détenus au secret par les autorités américaines, pendant quatre ans pour certains, dans des lieux inconnus. Deux au moins avaient été torturés. Ahmed Mohammed al Darbi a été inculpé en août. Ce Saoudien arrêté par les autorités civiles en Azerbaïdjan en juin 2002 avait été livré aux États-Unis en août 2002 puis transféré à Guantánamo en mars 2003. À la fin de l’année 2012, il n’avait pas été renvoyé devant une commission militaire pour être jugé. En février, le ressortissant pakistanais Majid Khan a plaidé coupable devant un juge militaire de Guantánamo des charges retenues à son encontre au titre de la Loi de 2009 relative aux commissions militaires. Aux termes d’un accord conclu avant le procès, sa sentence devrait être prononcée au plus tard en février 2016. Dans l’intervalle, il aura coopéré avec les autorités américaines. Avant son transfert à Guantánamo en 2006, cet homme avait été détenu au secret par les autorités américaines ; il aurait été torturé et soumis à d’autres mauvais traitements. Le cas de Majid Khan a porté à sept le nombre de prisonniers condamnés par une commission militaire de Guantánamo. Cinq avaient plaidé coupable en échange d’une éventuelle remise en liberté anticipée. Sur ces cinq hommes, deux ont été renvoyés dans leur pays au cours de l’année : Ibrahim al Qosi au Soudan en juillet et Omar Khadr, détenu par les autorités américaines depuis l’âge de 15 ans, au Canada en septembre. En octobre, un tribunal fédéral a annulé la condamnation pour « soutien matériel au terrorisme » prononcée en 2008 contre Salim Hamdan. La Cour d’appel fédérale a conclu que ce chef d’inculpation ne constituait pas un crime de guerre en droit américain avant la promulgation de la Loi relative aux commissions militaires.

* Enfin, il existe un second long paragraphe concernant les « Personnes détenues par les forces américaines en Afghanistan ». Je le cite en note, car, après plusieurs lectures, j’ai renoncé à comprendre ce qu’il pouvait bien signifier.  1

* Dernier point : Si la position des gouvernements n’est en tant que telle jamais évoquée, pas plus que ne le sont les textes de droit nationaux et internationaux en la matière, on note une référence en la matière concernant le Pakistan. la voici : «  Le gouvernement a pris ses distances par rapport à la décision d’appliquer la sentence – qui relevait desautorités militaires. Des militants craignaient toutefois que cela n’ouvre la porte à une reprise des exécutions. » (Pakistan. p. 234) Outre le manque de rigueur de l’expression « prendre ses distances », Amnesty International, de par cette formulation ambiguë, laisse entendre qu’une initiative de mansuétude ( ?) du gouvernement Pakistanais ne pourrait qu’être pire que la solution laissant aux « autorités militaires » leur « exclusive compétence ». Plus encore, il met cette appréciation dans la bouche de « militants » (Islamistes ?, démocrates ? anti-américains ?)  (Cf. République démocratique du Congo. p.251)

En conclusion, on note qu’ Amnesty International mêle sans distinction un objecteur de conscience, des personnes « accusés d’avoir enlevés et détenus - on ne sait dans quel contexte - des « Estoniens », des «  mutins », des supposés terroristes et un chef d’État destitué : Ben Ali.

IV. Amnesty International émet des critiques ponctuelles dont aucune ne remet en cause cette caution de principe à la justice militaire.

Examinons les :

a) Concernant le Chili, on lit :  « En août, un tribunal militaire a acquitté un carabinero accusé du meurtre de Jaime Mendoza Collio, un Mapuche de 24 ans, en 2009. Il existait des doutes quant à l’impartialité de l’enquête, et le recours à une instance militaire pour juger des crimes commis par des membres de la police et de l’armée contre des civils soulevait des inquiétudes.» (Chili. p.61) Il n’est donc fait état que « de doutes quant à l’impartialité » d’une enquête menée par un tribunal militaire, tandis qu’Amnesty International affirme simplement concernant le principe même d’une « instance militaire » qu’elle « soulevait des inquiétudes ».

b) Concernant l’Égypte, on lit : «  Au moins 91 personnes ont été condamnées à mort, dans certains cas à l’issue de procès inéquitables devant des tribunaux instaurés par la législation d’exception. On ignorait si des exécutions avaient eu lieu. En septembre, un tribunal instauré par la législation d’exception a condamné à mort 14 hommes, dont huit par contumace, pour leur participation à une attaque ayant coûté la vie à six personnes. Ils ont également été déclarés coupables d’appartenance à un groupe djihadiste. » (Égypte. p.91) Toujours concernant l’Égypte [inclus, mais sous une autre dénomination, dans le chapitre concernant la Suède] il est fait état, concernant Ahmed Aziga de « près de neuf annéespassées en prison en Égypte à la suite d’un procès inique devant un tribunal militaire » (Suède.  p.295) Notons que ces jugements de valeur (« inéquitable » concernant la première citation, « inique » concernant la deuxième) ne sont en rien spécifique en la matière et que le Rapport 2013 fourmille de ces jugements, eux non plus, jamais fondés par ailleurs.

c) Concernant le Liban, on lit : « Des civils ont été condamnés à mort ou à des peines d’emprisonnement à l’issue de procès inéquitables qui se sont déroulés devant des tribunaux militaires. Au moins neuf condamnations à mort ont été prononcées ; aucune exécution n’a eu lieu. » (Liban. p.175) Même page, on lit une seconde présentation que voici : «  Cette année encore, des civils accusés d’espionnage pour le compte d’Israël ou d’autres infractions liées à la sécurité ont été jugés par des tribunaux militaires au cours de procès inéquitables, ces juridictions n’étant ni indépendantes ni impartiales. Les tribunaux militaires s’abstenaient généralement d’ordonner des enquêtes sur les allégations d’accusés qui affirmaient qu’on les avait torturés pendant leur détention provisoire pour les contraindre à « avouer » »  (Liban. p.175) Les commentaires sus évoquées concernant l’Égypte, s’appliquent aussi concernant le Liban, en y ajoutant qu’écrire que «  les tribunaux militaires » sont des juridictions « ni indépendantes, ni impartiales » relèvent d’une tautologie.

d) Concernant la Tunisie, à la suite de la longue citation déjà citée, on lit : « Les procédures par lesquelles les anciens représentants de l’État ont été traduits en justice pour les crimes commis au cours du soulèvement étaient contestables à divers égards, et tout particulièrement parce que les procès se sont déroulés devant des tribunaux militairesplutôt que des juridictions civiles. Les victimes, les familles des victimes et leurs avocats ont en outre dénoncé ce qu’ils considéraient comme l’absence d’enquêtes rigoureuses du parquet ; ils se sont plaints d’avoir été intimidés par les personnes faisant l’objet d’une enquête ou inculpées, dont certaines exerçaient toujours des responsabilités. » (Tunisie. p.320) Si l’on note, concernant les dites « procédures » - seules évoquées et ne concernant que «  les anciens représentants de l’État » - ce que l’on pourrait qualifier d’une certaine ‘préférence’ d’Amnesty International pour les «  juridictions civiles », on doit aussi noter que les critiques évoquées sont mises sous la seule responsabilité des « familles des victimes et de leurs avocats ». Amnesty International ne prend pas position.

e) Concernant la République démocratique du Congo, on note que la question de la justice militaire est évoquée dans deux rubriques différentes : « Peine de mort » et « Procès inéquitables ». On lit, dans cette deuxième rubrique, après une critique de l’ensemble de la justice Congolaise [tant et tant de fois répétées concernant tant d’autres pays] ceci : « La justice militaire congolaise, fondamentalement viciée, conservait sa compétence exclusive en matière de crimes de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, y compris dans les affaires où des civils étaient jugés. » Si la critique est forte : « profondément viciée », ce qu’Amnesty International lui reproche, ce n’est pas d’exister, mais de « conserve[r] sa compétence exclusive [...]. » Et en  dépossède le Tribunal de la Haye dont on connaît pas ailleurs les critiques concernant sa focalisation sur les États d’Afrique Sub-Saharienne ? (République démocratique du Congo. p.251)…

f) Concernant la Colombie [Rubrique : « Forces de sécurité »], on lit : « Rien ou presque n’a été fait pour traduire en justice les responsables présumés de la mort de Norbey Martínez Bonilla. La justice militaire avait pour habitude de classer sans suites les enquêtes sur les violations des droits humains dans lesquelles des membres des forces de sécurité étaient impliqués. Le rapporteur spécial des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires a noté dans un rapport paru en mai que les « tentatives constantes [des juridictions militaires] d’affirmer leur compétence dans certaines affaires [étaient] très préoccupantes ». » (Colombie. p.69) On note, par une habile manipulation, qu’Amnesty international évoque d’abord un « présumé » déni de droit, pour, ensuite, sous couvert de critiques ponctuelles de la « justice militaire » mieux en légitimer le bien fondé. Quant au jugement de valeur au fond, après « les familles des victimes et leurs avocats », Amnesty International s’en remet à l’appréciation peu sévère d’un « rapport » du « rapporteur spécial des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires » lequel exprime sa « préoccupation ».

V. Lorsqu’Amnesty International fait état de l’évolution législative, là encore, il cautionne, voire renforce même le principe d’une justice militaire.

a) Concernant la Colombie, on lit :« Le Congrès a approuvé en décembre une loi accordant à la justice militaire un droit de regard renforcé sur les enquêtes concernant les atteintes aux droits humains.  Cette loi était une menace pour les droits des victimes à la vérité, à la justice et aux réparations. »» (Colombie. p.67) Et ce, suivi, trois pages plus loin de ceci (Rubrique « Impunité »] […] « Le Congrès a approuvé en décembre une réforme de la Constitution qui renforce le droit de regard de la justice militaire dans les enquêtes pénales sur des atteintes aux droits humains dans lesquelles sont impliqués des membres des forces de sécurité. De nombreuses affaires de ce type pourraient ainsi être transmises aux tribunaux militaires, ce qui ne serait pas conforme aux normes internationales relatives aux droits humains. En octobre, 11 rapporteurs spéciaux et experts indépendants des Nations unies ont critiqué cette réforme. »  (Colombie. p. 70,71)

Outre les notables différentes rédactions entre ces deux textes, ce qui dénote un évident manque de rigueur [« Lois » / « Réforme de la constitution » ; « Justice » / «  Justice militaire » ; « Atteintes aux droits humains » [de tous et toutes] / « Membres des forces de sécurité »] on peut noter, une fois encore, qu’Amnesty International ne prend pas position et, cette fois ci, se cache derrière « 11 rapporteurs spéciaux et experts indépendants ( ! ) des Nations unies ».

On pourrait simplement demander à Amnesty International ce que sont les « normes internationales relatives aux droits humains » auxquelles il se réfère, en matière de « justice militaire ». Il suffirait alors de lui demander s’il les approuve ou non, pourquoi, ainsi que ce qu’il propose pour les invalider et /ou les améliorer.

b) Concernant le Mexique, on lit :La Cour suprême du Mexique a réexaminé en août une série d’affaires afin d’établir les limites dusystème de justice militaire. Cette initiative faisait suite à des arrêts de la Cour interaméricaine des droits de l’homme sur cette question ainsi qu’à des réformes constitutionnelles dans le domaine des droits humains adoptées en juin 2011, qui avaient réaffirmé l’obligation de respecter les traités internationaux relatifs aux droits humains. La Cour suprême a conclu que les affaires dans lesquelles des membres de l’armée sont mis en cause pour des infractions de droit commun, y compris des violations des droits humains, et qui ne concernent pas directement la discipline militaire, devaient être jugées par la justice civile fédérale. Dans le cas de Bonfilio Rubio Villegas, un enseignant indigène tué par l’armée en 2009 à un barrage routier dans l’État de Guerrero, la Cour aaffirmé le droit des proches de contester la compétencedes tribunaux militaires. À la fin de l’année, la Cour n’avait pas établi la jurisprudence devant guider les décisions des juridictions inférieures dans des cas similaires, et l’incertitude demeurait quant à l’application de la compétence des tribunaux militaires.

Des propositions de réforme du Code de justice militaire visant à exclure les violations des droits humains de la compétence destribunauxmilitaires ont été bloquées en avril. À la fin de l’année, le nouveau Congrès n’avait pas repris à son compte les propositions législatives visant à mettre le Code de justice militaire en conformité avec les arrêts de la Cour interaméricaine des droits de l’homme ou de la Cour suprême du Mexique. Le gouvernement fédéral n’a pas donné l’instruction aux procureurs de faire en sorte que toutes les investigations préliminaires soient menées exclusivement par des autorités civiles.» (Mexique. p.205)

Là encore, Amnesty International se contente de faire état d’« examen » de la Cour Suprême Mexicaine,  afin « d’établir les limites du systèmedejustice militaire » sans que l’on soit à même de vérifier son interprétation des décisions de la dite Cour [il est question d’une «  série d’affaires »], ni de pouvoir les comparer avec les arrêts de la Cour Interaméricaine des droits de l’homme, comme avec les textes de droit international Onusien.  

Là encore, se limitant à un seul procès, Amnesty International se contente de faire état d’une décision d’un tribunal national « affirm[ant] le droit des proches de contester la compétence des tribunaux militaires ».

Là encore, Amnesty International, sous couvert de « mettre le Code de justice militaire en conformité avec les arrêts de la Cour interaméricaine des droits de l’homme ou de la Cour suprême du Mexique» en justifie le bien fondé.  

Là enfin, Amnesty International, sous couvert d’absence d’instruction donnée aux Procureurs en matière d’« investigations préliminaires » menées exclusivement par «  des autorités civiles » ne critique en rien le principe même de l’existence et de la permanence des tribunaux militaires.

En guise de conclusion :

1) Ces confusions sont lisibles concernant l’ensemble des termes employés par Amnesty International.

2) Lu dans l’Internationale Situationniste :
* « Le problème du langage est au centre de toutes les luttes pour l’abolition ou le maintien de l’aliénation présente ; inséparable de l’ensemble du terrain de ces luttes. Nous vivons dans le langage comme dans l’air vicié. Contrairement à ce qu’estiment les gens d’esprit, les mots ne jouent pas. Ils ne font pas l’amour comme le croyait André Breton, sauf en rêve. Les mots travaillent pour le compte de l’organisation dominante de la vie. […] » L’internationale Situationniste. N° 8. Janvier 1963
* « Il est impossible de se débarrasser d’un monde sans se débarrasser du langage qui le cache et la garantit, sans mettre à nu sa vérité. […]  » L’internationale Situationniste. N° 10. Mars 1966
* « La confusion est devenue telle, dans l’organisation du langage, que la communication imposée par le pouvoir apparait comme une imposture et une duperie. » L’internationale Situationniste. N° 8. Janvier 1963

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Notes de bas de page

1  « En juin, un juge d’un tribunal fédéral de district a rejeté la requête en habeas corpus introduite au nom de Zia ur Rehman, un Afghan arrêté par les forces américaines en Afghanistan en décembre 2008 et maintenu en détention sans inculpation ni jugement depuis cette date. Le juge a fait droit à une requête des autorités américaines laissant entendre que le tribunal n’avait pas la compétence d’attribution pour statuer sur cette affaire. Le 9 septembre, en vertu d’un accord signé six mois plus tôt, les autorités afghanes ont assumé le contrôle des opérations concernant les détenus de la base américaine de Bagram. Bien qu’elles aient semble-t-il pris la responsabilité des quelque 3 000 détenus afghans qui s’y trouvaient le 9 mars, plus de 600 prisonniers qui seraient arrivés à Bagram après cette date dépendaient apparemment de l’armée américaine, de même qu’une cinquantaine de détenus non afghans (voir Afghanistan). En octobre, un juge d’un tribunal fédéral de district a rejeté les requêtes en habeas corpus introduites par trois hommes non afghans détenus par les autorités américaines à Bagram. Selon les requêtes, Amin al Bakri et Redha al Najar avaient été arrêtés en 2002, respectivement en Thaïlande et au Pakistan. Quant à Fadi al Maqaleh, sa requête indiquait qu’il avait également été arrêté en dehors de l’Afghanistan en 2003, mais les autorités américaines affirmaient qu’il se trouvait en Afghanistan à cette date. En mai 2010, la Cour d’appel fédérale avait annulé la décision rendue en 2009 par le tribunal de district qui avait autorisé ces trois détenus à contester la légalité de leur détention devant une juridiction américaine. Leurs avocats avaient introduit par la suite devant le tribunal de district des requêtes modifiées contenant des éléments nouveaux qui, selon eux, remettaient en cause la décision de la Cour d’appel. Le tribunal de district les a toutefois déboutés. En novembre, un juge d’un tribunal fédéral de district a rejeté la requête en habeas corpus introduite par Amanatullah, un Pakistanais détenu à Bagram par les autorités américaines depuis plusieurs années. Il était l’un des deux hommes qui avaient été arrêtés en février 2004 par les forces des États-Unis en Irak, remis aux autorités américaines puis transférés en Afghanistan. À la fin de l’année, les deux hommes étaient toujours détenus par ces mêmes autorités à Bagram, sans inculpation ni procès. » (p.100)


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